Des milliers de migrants sur l’île grecque de Lesbos se sont retrouvés mercredi sans abri après un énorme incendie qui a ravagé au petit matin Moria, le plus grand camp de réfugiés de Grèce, où ils s’entassaient.
Hommes, femmes et enfants sont sortis, paniqués, des tentes et des conteneurs pour se réfugier dans les champs d’oliviers environnants, alors que l’incendie faisait rage dans le camp surpeuplé. L’incendie s’est déclaré quelques heures après que les autorités ont annoncé que 35 personnes avaient été testées positives au Covid-19.
D’après l’agence grecque ANA, qui cite des sources anonymes, de multiples incendies auraient été déclenchés par des migrants qui se sont rebellés contre des mesures d’isolation destinées à empêcher la propagation du coronavirus. Un responsable local a affirmé que les tentes avaient été « délibérément incendiées » et que les auteurs de l’incendie avait « profité des vents forts » qui soufflaient. « C’était prémédité. Les tentes étaient vides », a déclaré Michalis Fratzeskos, maire adjoint pour la protection civile, à la chaîne publique ERT.
Selon les pompiers, le sinistre n’a pas fait de victimes, « mais quelques blessés légers avec des problèmes respiratoires dus à la fumée ». Plusieurs heures après le début de l’incendie, une fumée noire continuait à s’élever du camp, qui héberge près de 12 700 demandeurs d’asile, quatre fois sa capacité d’accueil.
Des dizaines de personnes erraient parmi les conteneurs calcinés, certains retirant des affaires, d’autres prenant des photos à l’aide de leurs téléphone portables.
« Il n’y a plus de Moria »
« Il n’y a plus de Moria, il a été détruit », a déclaré le vice-gouverneur régional Aris Hatzikomninos à ERT, ajoutant que des renforts de la force anti-émeutes ont été dépêchés sur place. Le président du syndicat des pompiers de Lesbos, Yorgos Ntinos, a indiqué mercredi matin que le camp « a brûlé à 99% et le feu continue ».
Berlin a demandé aux pays de l’UE d’accueillir des migrants du camp, et la Commission européenne a annoncé qu’elle prenait en charge le transfert immédiat vers la Grèce continentale de 400 enfants et adolescents. « Mettre en sécurité et à l’abri toutes les personnes se trouvant à Moria est une priorité », a tweeté la commissaire chargée des Affaires intérieures Ylva Johansson. La Norvège a annoncé pour sa part qu’elle allait accueillir 50 occupants du camp, « en premier lieu des familles originaires de Syrie ».
« Ce sont des images abominables », a dit la Première ministre norvégienne Erna Solberg sur la chaîne TV2 Nyhetskanalen. « Les gens dans le camp de Moria vivent déjà dans des conditions difficiles en temps normal ». « L’île de Lesbos est déclarée en état d’urgence » a affirmé sur ERT le porte-parole du gouvernement grec, Stelios Petsas.
Une réunion gouvernementale, avec le Premier ministre et le chef de l’état-major, doit se tenir mercredi matin « pour examiner la situation à Moria et les mesures qui vont être prises ». Tous les réfugiés du camp ont l’interdiction de quitter l’île, a ajouté Petsas.
Révolte
Selon le site d’information locale Lesvospost, plus de 3000 tentes, des milliers de conteneurs, des bureaux de l’administration et une clinique au sein du camp ont été brûlés. Les pompiers ont affirmé avoir « été empêchés d’entrer dans le camp pour intervenir » par certains groupes de réfugiés, et avoir fait appel aux forces de l’ordre pour pouvoir poursuivre l’opération de sauvetage.
Stand by Me Lesvos, une association regroupant locaux et réfugiés, rapporte de son côté certains témoignages selon lesquels « des locaux ont bloqué le passage (des réfugiés) dans le village voisin ».
Des centaines de demandeurs d’asile ont fui à pied dans la nuit vers le port de Mytilène mais ont été bloqués par les véhicules des forces de l’ordre, selon un photographe de l’AFP. D’autres se sont abrités dans les collines environnant le camp.
La semaine dernière, les autorités ont détecté un premier cas de coronavirus à Moria et ont mis le camp en quarantaine pour quinze jours. À la suite de la réalisation de 2000 tests de dépistage, 35 personnes ont été détectées positives au Covid-19 à Moria et mises à l’isolement. Avec l’incendie, « tout le monde s’est dispersé et les cas positifs se sont mélangés aux autres désormais », s’inquiète mercredi matin une source policière à Lesbos.
De strictes mesures ont été imposées dans les camps de migrants depuis la mi-mars, malgré les critiques des ONG de droits de l’homme jugeant ces mesures « discriminatoires » alors que la décision a été prise de déconfiner le pays début mai.
Le camp de Moria a été ces dernières années à maintes reprises décrié pour son manque d’hygiène et son surpeuplement par les ONG qui appellent régulièrement les autorités grecques à transférer les demandeurs d’asile les plus vulnérables vers le continent. Les émeutes et bagarres sont devenues quasi quotidiennes dans le camp.
De janvier à fin août, cinq personnes ont été poignardées dans plus de 15 attaques. En mars dernier, une fillette avait perdu la vie dans un conteneur brûlé. En septembre 2019, deux personnes étaient également décédées dans un incendie.
AFP