Le jury au procès du Canadien Luka Rocco Magnotta, accusé d’avoir tué et dépecé un étudiant chinois en 2012 à Montréal, s’est retiré lundi pour délibérer avec en tête une question centrale : l’accusé est-il « fou » ?
Après les faits, Luka Magnotta s’était envolé vers Paris puis Berlin, où il devait être arrêté le 4 juin 2012 (photo), donnant à l’affaire un retentissement international. (Photo : AFP)
Coupable ou « non criminellement responsable », les 12 jurés détiennent la clé du verdict en répondant à cette question. Avant de laisser le jury se concerter pour décider à l’unanimité du verdict, le juge Guy Cournoyer a souligné que la démence, telle que plaidée par la défense, « n’est pas avérée par des preuves indépendantes ».
L’avocat de l’accusé avait admis dès le début du procès que son client avait tué et dépecé son partenaire sexuel d’un soir, l’étudiant Lin Jun, le 25 mai 2012. Magnotta a cependant plaidé non coupable à cinq chefs d’accusation pour cause de troubles mentaux. Comme c’est son droit, il n’a pas témoigné une seule fois à son procès, ouvert fin septembre, et il a aussi refusé de rencontrer un psychiatre, retenu par l’accusation, qui voulait l’évaluer. La folie, ligne de défense de Magnotta, n’a donc été appuyée par rien ni personne d’autre que lui, a remarqué le magistrat.
La défense n’a eu de cesse de mettre en avant la thèse des troubles mentaux afin d’éliminer l’accusation d’homicide prémédité. Au contraire, a plaidé l’avocat du ministère public, Me Louis Bouthillier, l’accusé avait « planifié » ce meurtre au moins six mois à l’avance. En énonçant les verdicts possibles, le juge Cournoyer a évoqué lundi la possibilité de retenir le meurtre non-prémédité ou même involontaire. Si au contraire la démence devait être retenue, la non-responsabilité criminelle s’appliquerait aux cinq chefs d’accusation, mais Magnotta ne serait pas libéré s’il était jugé dangereux pour la société, a ajouté le magistrat. « Ne prenez pas trop rapidement de positions fermes dans vos délibérations, ayez l’esprit ouvert à l’égard des opinions des autres jurés » car la décision doit être unanime, a suggéré le juge Cournoyer. Les huit femmes et quatre hommes composant le jury débuteront les délibérations mardi matin.
> « Ultra-organisé »
Pour l’accusation, la préméditation de ce meurtre sordide ne fait aucun doute. Pour preuve, Me Bouthillier a pointé un courriel envoyé par Magnotta à un journaliste britannique qui voulait, après une dénonciation de défenseurs des animaux, l’interviewer fin 2011 à propos de vidéos sur internet montrant un inconnu tuant des chatons. « Vous entendrez prochainement encore parler de moi, et cette fois les victimes ne seront pas de petits animaux », avait écrit l’accusé en empruntant un pseudonyme. « Je vous enverrai une copie de la nouvelle vidéo que j’en ferai ».
Luka Rocco Magnotta, 32 ans, est accusé de meurtre prémédité, d’outrage à cadavre pour l’avoir découpé, de diffusion de matériel obscène avec une vidéo postée sur internet, d’envoi par courrier de morceaux du cadavre, et de harcèlement vis-à-vis du Premier ministre canadien. Après les faits, il s’était envolé vers Paris puis Berlin, où il devait être arrêté le 4 juin 2012, donnant à cette affaire sordide un retentissement international.
Diagnostiqué schizophrène dès 2001, Magnotta ne distinguait pas le bien du mal, a plaidé son avocat, Me Luc Leclair. « La folie de M. Magnotta ne date pas d’hier. Vous allez devoir vous mettre dans la tête de M. Magnotta pour comprendre ce qui s’est passé », a-t-il lancé aux jurés en les invitant à déclarer son client non coupable. Des psychiatres venus témoigner en sa faveur avaient expliqué qu’au moment du meurtre, l’accusé, un ancien acteur porno, était en pleine psychose, sans aucune idée de la gravité de son geste.
L’enquête sur cette affaire avait commencé le 29 mai 2012 après la découverte d’un torse décapité dans une valise jetée sur un tas d’ordures dans une ruelle près de l’appartement de Magnotta.
AFP