Une trêve en vigueur au Yémen depuis six mois a pris fin dimanche soir, l’ONU n’étant pas parvenue à la faire prolonger, faisant craindre une résurgence de l’escalade militaire dans le pays dévasté par plus de sept ans de guerre.
L’ONU promet de poursuivre ses efforts en vue d’une nouvelle trêve entre, d’une part, les rebelles houthis, soutenus par l’Iran, et d’autre part, le gouvernement, appuyé par une coalition militaire, dont l’Arabie saoudite voisine et les Émirats arabes unis sont les principaux membres.
Depuis le 2 avril, la trêve de deux mois, renouvelée à deux reprises, avait permis une diminution significative des violences et un allègement relatif du drame humanitaire qui ronge ce pays menacé d’une famine à grande échelle.
Pourquoi cet échec ?
Les houthis ont rejeté le plan de l’émissaire de l’ONU pour le Yémen, Hans Grundberg, visant à prolonger la trêve pour une durée de deux mois, renouvelable deux fois. Mais les rebelles ont exigé du gouvernement le versement des salaires des fonctionnaires civils comme des militaires retraités dans les zones sous leur contrôle, « sans discrimination ».
Cette expression implique que le gouvernement paie les retraites de fonctionnaires et de soldats du gouvernement des houthis, non reconnu par la communauté internationale.
Les demandes des houthis sont « irréalistes à ce stade », puisqu’ils exigent des « concessions qui seront très difficiles à faire en l’absence de pourparlers de paix structurés », estime Elisabeth Kendall, spécialiste du Yémen. « L’impression que cela donne est que les houthis ne sont pas réellement intéressés par la poursuite de la trêve », souligne la chercheuse.
Ahmed Nagi, chercheur au Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center, basé à Beyrouth, estime par ailleurs que les négociations ont échoué en raison du « déséquilibre » des forces en présence. « Les houthis considère être la partie la plus forte et que la guerre ne devrait pas s’arrêter à ce stade, alors qu’ils peuvent obtenir des avancées supplémentaires », observe le chercheur.
Retour des violences ?
Les analystes s’attendent à ce que la fin de la trêve marque le retour de violences militaires qui se sont largement calmées au cours des six derniers mois, en particulier autour de la ville de Marib, dernier bastion du gouvernement dans le nord et riche en ressources pétrolières.
Taëz, la grande ville du sud-ouest sous contrôle du gouvernement, mais assiégée par les houthis, pourrait, elle aussi, faire l’objet d’intenses combats.
« Il y a des tensions militaires le long des différents fronts et des accrochages limités jusqu’à présent », fait remarquer le directeur du centre de réflexion Sanaa Center for Strategic Studies, Maged al-Madhaji.
Selon lui, cette « escalade militaire » viserait à obtenir « plus de concessions » au profit des houthis. « En cas d’impasse, la guerre connaîtra une nouvelle série d’affrontements militaires, plus féroces qu’auparavant », craint le chercheur.
Qui sera affecté ?
Le peuple yéménite sera le plus grand perdant d’un non-renouvellement de la trêve, selon les observateurs. Des millions de Yéménites sont menacés de famine, tandis que des milliers, dont de nombreux habitants des zones contrôlées par les houthis, ont besoin de traitement médicaux urgents indisponibles dans ce pays aux infrastructures dévastées.
Environ 80% des 30 millions d’habitants du Yémen dépendent de l’aide humanitaire.
« Le peuple yéménite va perdre cet espoir, qui accompagnait la période de la trêve, que la guerre puisse se terminer par un accord politique », déplore le chercheur Ahmed Nagi.
Dimanche, des attaques des houthis ont frappé au sud de la ville de Marib, selon des sources militaires gouvernementales, qui assurent également que les rebelles ont visé Taëz.
Selon Ahmed Nagi, l’échec des négociations pour prolonger la trêve va également affecter les pays de la coalition, Arabie saoudite et Émirats arabes unis en tête, les rebelles ayant menacé de les attaquer comme ils l’ont déjà fait par le passé.