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États-Unis : les armes à feu de retour devant la Cour suprême


Les balles font près de 40 000 morts par an au pays du droit constitutionnel à détenir une arme. (illustration AFP)

La Cour suprême des États-Unis rouvre lundi pour la première fois depuis près de dix ans le dossier ultrasensible des armes à feu, avec une nouvelle majorité de juges conservateurs susceptibles de renforcer encore un peu plus les droits des propriétaires de fusils et pistolets.

Dans un pays où les balles font près de 40 000 morts par an, suicides compris, la haute cour se replonge dans le deuxième amendement de la Constitution, qui mentionne un droit « du peuple » à détenir des armes. Les partisans de législations renforcées sur les armes craignent qu’elle ne rende une décision contraire à leur cause. « Je suis inquiète », confie Larisa Mendez Downes, bénévole au sein de l’association Moms Demand Action, venue exprès du New Jersey pour manifester devant le temple du Droit américain.

La Cour, remaniée par Donald Trump, « semble plus ouverte à une large interprétation du deuxième amendement en soutien des droits aux armes », ajoute cette mère de deux enfants venue pour défendre des lois qui luttent contre « l’épidémie des armes aux États-Unis ». En 2008, la haute juridiction avait déjà jugé que le deuxième amendement à la Constitution garantissait un droit « individuel », mais « pas absolu » à posséder une arme en annulant l’interdiction en vigueur à Washington de posséder une arme chez soi. En 2010, elle a précisé que sa décision s’appliquait aussi bien aux États qu’au niveau fédéral. « Mais elle n’a pas dit comment les tribunaux devaient évaluer la constitutionnalité d’autres règlementations, par exemple l’interdiction des fusils d’assaut, des chargeurs à grande capacité ou l’obligation de dissimuler ses armes », relève Joseph Blocher, professeur de droit à l’université Duke en Caroline du Nord.

Deux des neuf sages de la Cour ont été remplacés depuis l’élection du président Donald Trump, qui avait promis pendant sa campagne de choisir uniquement des juges défenseurs du droit de posséder des armes. L’un d’eux, le magistrat Brett Kavanaugh, « a écrit que les lois sur les armes devaient être évaluées au regard des textes, de l’Histoire et des traditions et non pas de leur efficacité à résoudre le problème actuel des violences par balles », souligne Joseph Blocher.

30% des adultes armés

C’est cette Cour à majorité conservatrice qui a accepté en début d’année de se pencher sur une loi de New York, contestée par une association affiliée au puissant lobby National Rifle association (NRA). Adoptée en 2013 et validée par les tribunaux, elle interdisait de transporter des armes en dehors des stands de tirs de la ville. Soucieuses de ne pas offrir une occasion à la Cour suprême de rendre une décision à la portée plus large, les autorités de la mégalopole ont amendé leur loi en juin dans l’espoir de mettre un terme à la procédure. Comme elles ont donné satisfaction aux plaignants, elles arguent que le dossier est caduc et demandent à la Cour Suprême de le refermer. Cette hypothèse sera le premier point débattu à l’audience.

L’affaire suscite un énorme intérêt dans un pays où 30% des adultes possèdent au moins une arme et une cinquantaine d’organisations se sont jointes à la procédure. Parmi elles, le gouvernement de Donald Trump a apporté son soutien aux propriétaires d’armes dans un argumentaire faisant écho aux thèses du juge Kavanaugh.

Dans l’autre camp, le mouvement March for Our Lives, créé après la tuerie dans un lycée de Parkland en Floride (17 morts en 2018), a délaissé les arguments juridiques pour tenter de toucher les juges au cœur. Sur une vingtaine de pages, l’organisation raconte les tourments de jeunes Américains victimes d’armes à feu. Ils « demandent que la classe politique les protège », écrit-elle. « La décision de la Cour ne doit pas les priver de leurs espoirs. »

Dimanche soir, l’ancien maire de New York Michael Bloomberg, très engagé dans la lutte contre les violences par armes à feu, a dénoncé un effort « dangereux » de la NRA. « La Cour suprême doit soutenir les millions d’Américains qui militent pour la sécurité et écarter la NRA », a tweeté le candidat à la primaire démocrate pour la présidentielle de 2020. Si la haute juridiction ne juge pas le dossier caduc, elle rendra sa décision d’ici au mois de juin, en pleine campagne électorale.

LQ/AFP