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Erdogan accuse son ennemi juré de la tentative de putsch en Turquie


Fethullah Gülen à Saylorsburg, en Pennsylvanie, le 7 janvier 2014. (Photo : AFP)

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui veut consolider son pouvoir ébranlé après l’échec du putsch militaire, a réclamé à Washington l’extradition du prédicateur en exil Fethullah Gülen, qu’il accuse d’avoir fomenté le coup de force.

Fethullah Gülen a beau vivre en reclus dans une petite ville des Etats-Unis depuis des années, le président turc Recep Tayyip Erdogan, voit dans son ennemi juré le vrai responsable de la tentative de putsch qui a secoué la Turquie dans la nuit de vendredi à samedi.

A peine arrivé à l’aéroport d’Istanbul, le président turc a accusé l’imam et son mouvement d’être à l’origine du coup manqué qui a tenté de le déposer, ce que l’intéressé nie.

Un reclus puissant

Âgé de 75 ans, le prédicateur musulman vit en reclus dans les Poconos, une région montagneuse et boisée de Pennsylvanie au nord-est des Etats-Unis, depuis 1999. Mais c’est un homme à la tête d’un mouvement puissant en Turquie, qui compte un gigantesque réseau d’écoles (en Turquie mais aussi partout dans le monde), d’ONG et d’entreprises sous le nom d’Hizmet (Service, en turc) et il est très influent dans les médias, la police et la magistrature.

Le Hizmet fonctionne un peu comme les mormons américains : «ils s’aident en affaires, ils ont une mentalité de missionnaire et un grand sens de l’entreprise», expliquait en 2014 Sam Brannan, du centre de réflexion Center for strategic and international Studies (CSIS).

L’autre point commun avec les mormons, et celui qui fait la puissance financière d’Hizmet, c’est que tous ses sympathisants sont tenus de donner du temps ou de l’argent à l’organisation: des étudiants aux mères de familles, et en passant par les riches hommes d’affaires.

Putsch condamné

Alors que Recep Tayyip Erdogan reprenait la main samedi matin, Fethullah Gülen a condamné «dans les termes les plus forts» la tentative de putsch. Mais le président Erdogan avait déjà affirmé que le coup d’Etat était un «soulèvement dans lequel l’Etat parallèle a également une part». Une expression qui fait directement référence au prédicateur.

Lorsque des journalistes du New York Times lui ont demandé samedi si certains de ses sympathisants avaient participé à la tentative de putsch, il a répondu «(ignorer) qui sont (ses) partisans» et ne pas pouvoir s’«exprimer sur leur quelconque implication», expliquant vivre «loin de la Turquie depuis 30 ans».

Lire aussi : Tentative de putsch meurtrière en Turquie : Erdogan reprend la main

 

Il a même jugé «possible» que le coup d’Etat ait été orchestré par Recep Tayyip Erdogan lui-même lors de cette interview, se refusant toutefois à «accuser sans preuves». «Certains dirigeants organisent de faux attentats-suicides pour renforcer leur pouvoir, et ces gens ont ce genre de scénarios en tête», a-t-il déclaré.

Les deux hommes ont pourtant été alliés, lorsque Recep Tayyip Erdogan a profité du réseau de Fethullah Gülen pour asseoir son pouvoir. Mais Fethullah Gülen est devenu l’«ennemi public numéro un» de l’homme fort de la Turquie après un scandale de corruption de la fin 2013, qui a touché le cercle intime du président. Erdogan accuse depuis l’imam d’avoir mis en place un «Etat parallèle» destiné à le renverser, ce que les «gülenistes» nient.

Un prédicateur en exil

Le prédicateur s’est installé aux Etats-Unis depuis 1999, bien avant d’être accusé de trahison dans son pays natal. Dans le paysage bucolique qui entoure la petit ville de Saylorsburg où il réside, il mène une vie de reclus, n’apparaissant que très rarement en public et accordant peu d’entretiens à la presse. Il s’est installé dans un important complexe ressemblant à un hôtel, le Golden Generation Worship and Retreat Center.

Le mouvement de Fethullah Gülen prône un mélange de mysticisme soufie et d’harmonie entre les gens basé sur l’islam. Son enseignement d’un islam ouvert à l’éducation et aux sciences ainsi qu’au dialogue interreligieux lui vaut des millions d’adeptes mais aussi les suspicions des défenseurs de la laïcité en Turquie.

La rupture et la réaction d’Erdogan a été très forte. Il a purgé les rangs de l’armée de centaines d’officiers y compris des généraux, il a fait fermer des écoles opérées par le Hizmet et aussi renvoyé des milliers de policiers. Il s’en est pris aux médias qu’il soupçonnait d’avoir des sympathies pour Gülen.

Selon l’agence de presse turque Anadolu, quelque 1 800 personnes, y compris 750 officiers de police et 80 soldats ont été mis en prison ces deux dernières années dans le cadre de la lutte contre le mouvement de Fethullah Gülen. Quelque 280 sont toujours derrière les barreaux en attendant leur procès, selon l’agence.

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