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En Libye, les maisons troglodytes de Gharian veulent sortir de l’ombre


Creusées dans la roche avec des outils rudimentaires, des demeures centenaires se fondent dans les flancs rocailleux du Jabal Nefoussa. (Photo : afp)

À Gharian, ville perchée dans les montagnes du nord-ouest de la Libye, quelques dizaines de maisons troglodytes ont résisté au temps et à la modernité. Leurs propriétaires rêvent aujourd’hui d’en faire une attraction touristique.

Creusées dans la roche avec des outils rudimentaires, des demeures centenaires se fondent dans les flancs rocailleux du Jabal Nefoussa, et au-delà des frontières – autrefois inexistantes – avec la Tunisie. «Nous partageons ce patrimoine (…) De Nalout (NDLR : en Libye) jusqu’à Gabes (NDLR : en Tunisie), c’est le prolongement des mêmes tribus», explique Youssef al-Khattali, chercheur en histoire, à propos des maisons troglodytes de Libye, dont quelques-unes existent encore aujourd’hui.

De tailles et formes différentes selon l’usage, ces cavités appelées «damous» en dialecte libyen s’enfoncent dans les entrailles de la montagne. Tempérées l’hiver et préservant la fraîcheur l’été, elles ont été «conçues pour avoir des usages polyvalents et ont perduré dans le temps, d’où leur importance dans l’histoire de l’architecture libyenne», souligne Youssef al-Khattali.

(Les maisons ont été) conçues pour avoir des usages polyvalents et ont perduré dans le temps, d’où leur importance dans l’histoire de l’architecture libyenne

Des siècles durant, les habitants de Gharian, qui culmine à environ 700 mètres d’altitude, y ont vécu, prié et enterré leurs morts. «Il y a d’abord eu les maisons troglodytes destinées aux humains et à leurs bêtes, puis les constructions conçues comme lieux de culte» – des temples juifs et églises chrétiennes dont la plupart ont été transformées par la suite en mosquées – «mais aussi des lieux de sépulture», comme le montrent des stèles tombales «qui remontent à l’époque phénicienne», poursuit l’historien.

Méthodes primitives

Cette technique de construction a également servi aux habitants pour défendre et protéger leur ville des invasions. Certaines constructions avaient un usage «purement militaire. On peut encore distinguer les vestiges des fortifications à certains endroits de la montagne et ce qui reste des tours de guet», dit l’historien.

Toutefois, quelle que soit la méthode de conception, la taille ou l’usage, le choix de l’emplacement ne peut pas être dû au hasard. Il faut connaître la nature de la roche pour éviter que le toit ne s’effondre pendant l’excavation, faite à la force des bras. «Mon cinquième arrière-grand-père a construit cette cour souterraine il y a 355 ans» avec des outils simples comme la «gouffa», un panier tissé en feuille de dattier pour transporter les gravats, et un «tajouk», une sorte de hache, raconte al-Arbi Belhaj, descendant d’une longue lignée de Ghariani.

«Autour de la cour carrée à ciel ouvert au centre du « damous », huit familles de neuf membres au moins se partageaient les lieux», dit-il. Aujourd’hui, ce propriétaire de la plus ancienne maison troglodyte de Gharian se vante d’être le «dernier petit-fils à y être né», en 1967.

Attraction touristique

Peu fréquentées en raison de l’insécurité qui règne dans le pays depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, en 2011, les villes berbères du Jabal Nefoussa avec leurs maisons troglodytes ont longtemps été une attraction touristique. Dès 1936, l’Italie, ex-puissance coloniale en Libye, lui accordait déjà de l’importance en publiant «le premier guide touristique mettant à l’honneur» ces constructions primitives aujourd’hui abandonnées par leurs propriétaires au profit de logements standards.

Certaines habitations sont vieilles de plus de 2 300 ans mais peu d’entre elles ont laissé de traces. Une dizaine tiennent encore debout mais une seule habitation troglodyte a résisté et sert aujourd’hui de «maison témoin». Occupé jusqu’en 1990, le «damous» de la famille Belhaj est devenu, après restauration, une attraction touristique.

Les visiteurs peuvent déambuler de pièce en pièce, en contrepartie d’une petite somme symbolique. «L’entrée coûte l’équivalent d’un dollar lorsqu’on est libyen, deux dollars s’il s’agit d’un étranger», explique al-Arbi Belhaj. Les familles s’y rendent le week-end pour découvrir ces espaces insolites, prendre une tasse de thé ou bien «se réunir autour d’un repas».

 

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