Le procès de l’affaire Bygmalion et des dépenses excessives de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012 a été renvoyé mercredi au 20 mai, en raison de l’hospitalisation de l’avocat d’un des prévenus.
Audiencé sur un mois, il se tiendra jusqu’au 22 juin, a décidé le tribunal après plus d’une heure trente de délibéré.
Le procès était initialement prévu du 17 mars au 15 avril. Prévenu le plus attendu du procès, l’ancien président de la République ne s’est pas présenté à l’audience en raison de la demande de renvoi, a-t-il fait savoir.
A l’origine de la demande de renvoi, Jérôme Lavrilleux – à l’époque directeur adjoint de la campagne – a assuré à la barre qu’il aurait pourtant souhaité que ce procès se tienne au plus vite. « J’attends ce procès, de pouvoir vous répondre, depuis février 2017 », a-t-il déclaré au tribunal. Son avocat Me Christian Saint-Palais est atteint du Covid-19 et hospitalisé. « Je n’ai jamais, au cours de cette instruction, voulu la retarder par un recours. Mais là, je suis désemparé », a expliqué, la voix nouée, Jérôme Lavrilleux.
Tous les avocats y compris ceux des parties civiles ainsi que le parquet ont donné leur aval au renvoi.
Jérôme Lavrilleux, ex-directeur adjoint de la campagne du président sortant, a le premier avoué avoir participé à une vaste escroquerie à base de fausses factures, de dépenses sous-évaluées et de frais volontairement omis des comptes soumis au contrôle final. Sans avocat, il est arrivé au tribunal sans que personne ne le salue.
Les avocats des 14 prévenus au total – anciens cadres de la société de communication Bygmalion et du parti conservateur UMP (l’Union pour un mouvement populaire, devenue Les Républicains), experts-comptables – se sont associés à la demande de renvoi et le parquet ne devrait pas s’y opposer. Dans ce cas, le procès pourrait débuter véritablement au mois de mai.
Un an de prison et 3 750 euros d’amende encourus
Nicolas Sarkozy, retiré de la politique depuis 2016, reste très populaire et très écouté à droite, où aucune figure ne s’impose pour représenter le parti conservateur Les républicains au scrutin. Il a été condamné le 1er mars à trois ans d’emprisonnement, dont un ferme, pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite des « écoutes ». Alors que la droite évoque un « acharnement judiciaire » contre lui, Nicolas Sarkozy a fait appel de sa condamnation et n’exclut pas d’aller devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)
Dans le dossier Bygmalion, il encourt un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende pour « financement illégal de campagne électorale ». Même s’il « ne se dérobera pas », Nicolas Sarkozy a fait savoir qu’il n’assisterait qu’aux audiences le concernant. Contrairement à ses coprévenus renvoyés notamment pour escroquerie ou complicité, il n’est pas mis en cause pour le système de fausses factures, imaginé pour masquer les dépenses excessives de sa campagne.
Mais, selon l’accusation, Nicolas Sarkozy a laissé filer les dépenses malgré plusieurs alertes claires sur les risques de dépassement de plafond et il a « incontestablement » bénéficié de la fraude qui lui a permis de disposer de « moyens bien supérieurs » à ce qu’autorisait la loi : au moins 42,8 millions au total, soit près du double du plafond légal à l’époque (22,5 millions d’euros).
« Campagne éclair »
L’enquête décrit une campagne qui se voulait d’abord « éclair » pour le président sortant – seuls une quinzaine de meetings prévus, dont trois ou quatre grands rassemblements. Mais la machine s’emballe : « moyens techniques les plus en pointe » pour la scène, le son et l’éclairage, « mise en scène grandiose et millimétrée » pour les grands meetings… les prix n’en finissent plus de grimper.
Et alors que les premières alertes de risques de dépassement tombent, le candidat demande au contraire qu’on accélère le rythme. Il y aura au total plus de 40 meetings. Une campagne « d’une rare densité », marquée par une succession « très rapide » des meetings et une « totale improvisation » des donneurs d’ordre, dit aussi l’accusation.
Pour éviter au candidat de devoir reconnaître publiquement que ses dépenses avaient dérivé « de manière spectaculaire », « avec les conséquences politiques et financières » qui s’en seraient suivies, il a été décidé de « purger » le compte de campagne, soutient l’accusation. Grâce à un système de double facturation, le prix des meetings est drastiquement réduit et le reste est facturé à l’UMP, au nom de conventions fictives du parti.
Renvoyé pour escroquerie, le directeur de la campagne, Guillaume Lambert, assure lui que le système a été mis en place à son insu. Pour lui, « rien » dans le dossier ne montrerait d’ailleurs un lien avec la campagne – il privilégie la thèse de l’enrichissement personnel de dirigeants de Bygmalion.
AFP/LQ