La plus haute juridiction allemande a infligé jeudi un camouflet à Angela Merkel en lui demandant de présenter une politique climatique plus ambitieuse, à un moment où les écologistes ont le vent en poupe en vue des élections.
Les objectifs actuels fixés par le gouvernement dans sa « loi climat », qui institutionnalise les futures baisses d’émissions de gaz à effet de serre, sont jugés « insuffisants » et « pas conformes aux droits fondamentaux » par la Cour constitutionnelle.
Si la trajectoire restait telle quelle, l’effort serait repoussé sur les générations futures qui devraient agir « de manière de plus en plus urgente et à brève échéance ».
La loi actuelle n’a pas prévu « d’exigences suffisantes pour la réduction ultérieure des émissions à partir de l’année 2031 », assènent les juges dans leur communiqué. L’Allemagne aura jusqu’à fin 2022 pour revoir et améliorer sa copie climatique en précisant davantage ses efforts pour la période après 2030.
« Charges considérables »
Votée en décembre 2019 sous l’impulsion du gouvernement de coalition entre conservateurs du parti d’Angela Merkel et sociaux-démocrates, cette loi impose en l’état une réduction de 55% des émissions des gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Elle fixe par secteur les volumes d’émissions annuelles permis, tout en déterminant les trajectoires de réduction applicables au cours de cette période.
Au total, quatre plaintes avaient été déposées à son encontre par des associations environnementales qui estiment que les objectifs ne permettent pas suffisamment de combattre le réchauffement climatique. Elles se basaient sur la Constitution allemande dans laquelle est désormais inscrit que le gouvernement doit œuvrer pour lutter contre le changement climatique.
Cette obligation a d’ailleurs été renforcée après la signature par l’Allemagne de l’accord de Paris sur le climat en 2016. Celui-ci fixe aux États des objectifs pour que l’augmentation de la température moyenne de la planète soit contenue nettement en-dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels, et de préférence en dessous de 1,5 degré.
« Les dispositions contestées portent atteinte aux libertés des requérants, dont certains sont encore très jeunes. Elles repoussent irréversiblement à la période postérieure à 2030 des charges considérables en matière de réduction d’émissions », taclent les juges de Karlsruhe.
« Nous avons gagné ! »
Parmi les plaignants figure notamment la jeune activiste de 25 ans Luisa Neubauer, figure de prou du mouvement Fridays for Future en Allemagne. Pour elle, cette action judiciaire constitue la « suite logique » des manifestations pour le climat, très suivies dans le pays.
« Nous avons gagné ! », a-t-elle réagi sur Twitter, estimant que « la protection du climat n’est pas un luxe, c’est un droit fondamental ». « Maintenant, nous continuons à nous battre, pour une politique de 1,5 degré qui protège nos libertés futures au lieu de les mettre en danger », a-t-elle ajouté.
Les juges n’ont cependant pas donné suite à toutes les revendications des plaignants qui exigeaient notamment l’instauration d’une limitation de vitesse sur les autoroutes, la fermeture immédiate des centrales à charbon, prévue pour 2038, la construction de logements neutres en CO2 ou encore l’interdiction des chauffages à fioul ou au gaz.
Cette décision fera sans doute partie des points centraux de la campagne électorale allemande pour les législatives du 26 septembre qui débute, alors qu’une ère s’achève avec le départ programmé de la chancelière Angela Merkel après 16 ans au pouvoir.
Longtemps en tête des sondages, les conservateurs d’Angela Merkel ne sont désormais plus assurés de remporter le scrutin, dépassés par les Verts dans certains sondages récents, qui culminent à 28% d’intentions de vote.
Les écologistes sont dopés par la désignation de leur candidate à la chancellerie, Annalena Baerbock, une jeune femme de 40 ans qui fait campagne sur le renouveau et sur les thèmes, très porteurs en Allemagne, de la défense de l’environnement.
LQ/AFP