Le Premier ministre britannique Boris Johnson est passé dimanche à l’offensive sur le Brexit, promettant de le mettre en œuvre à tout prix le 31 octobre, avant l’ouverture de la conférence annuelle de son Parti conservateur à Manchester, en plein chaos politique au Royaume-Uni.
Alors que les divisions autour de la sortie de l’UE sont à leur comble, Boris Johnson a estimé que « le meilleur moyen d’y mettre fin est d’accomplir le Brexit le 31 octobre et permettre à ce pays d’aller de l’avant », lors d’un entretien à la BBC. Plébiscité par la base, Boris Johnson s’est hissé au pouvoir fin juillet en s’engageant à mettre en œuvre le Brexit même sans accord de divorce avec l’UE susceptible d’atténuer le choc pour l’économie du pays.
Le chef de gouvernement n’en démord pas, même si sa stratégie a jusqu’ici été systématiquement mise en échec par le Parlement. Il a engagé une guerre ouverte avec les députés, qu’il oppose au « peuple » dont il se veut le défenseur, n’hésitant pas à recourir à une rhétorique provocatrice. « Le Parti conservateur devrait afficher une position agressive et unie sur le Brexit » lors de ses quatre jours de congrès, indique à Constantine Fraser, analyste au cabinet d’études TS Lombard.
La politique de la terre brûlée de Boris Johnson a jusqu’ici eu un effet boomerang. Il suspend le Parlement ? Les députés votent en urgence une loi l’obligeant à demander à Bruxelles un report du Brexit en cas de « no deal » – ce qu’il exclut, les accusant de « reddition ». Ils obtiennent ensuite de la Cour suprême de pouvoir siéger à nouveau. Il éjecte du Parti conservateur 21 députés rebelles, quitte à saboter sa propre majorité, puis sollicite des élections législatives anticipées pour avoir les coudées plus franches ? Les députés s’y opposent, préférant tenir un scrutin une fois l’éventualité d’un « no deal » effectivement écartée.
Il a été « un modèle de retenue »
« Sabotage », « trahison », « capitulation »… Boris Johnson a été fortement critiqué cette semaine pour son recours à un vocabulaire souvent belliqueux à la Chambre des communes, accusé notamment par des députées de mettre de l’huile sur le feu et d’alimenter les menaces dont elles font l’objet. « Je pense que tout le monde devrait se calmer », a-t-il déclaré sur la BBC, tout en estimant que lui-même avait été « un modèle de retenue ». Il a accusé ses adversaires de vouloir cacher leurs intentions – empêcher le Brexit – derrière « un grand nuage d’indignation ». Il a par ailleurs assuré avoir « de bonnes chances » de conclure un accord de divorce, alors que les discussions avec Bruxelles patinent.
Boris Johnson « a assis sa crédibilité sur une sortie de l’UE le 31 octobre, et il est très difficile de voir comment il pourra faire. Sa réponse sera donc de se battre (…) et d’exacerber la confrontation », prédit Constantine Fraser. « Ce qu’il essaie de faire, c’est de maximiser le soutien des électeurs soutenant le Leave (départ de l’UE) », indique Chris Curtis, directeur de la recherche politique à l’institut YouGov.
Nouveau pied de nez aux députés
Sa stratégie semble payer. Deux sondages publiés par YouGov et Opinium cette semaine, donnent aux conservateurs 11 et 12 points d’avance sur le Labour, premier parti d’opposition. Symbole du bras de fer politique, Boris Johnson devrait snober les traditionnelles questions au Premier ministre du mercredi à la Chambre des communes pour prononcer à la place son discours de clôture. Un pied de nez aux députés qui ont refusé d’accorder aux conservateurs une courte pause pour leur permettre d’assister au congrès à temps plein, comme le veut l’usage.
« Ce sera l’occasion de cimenter le début d’une campagne électorale », explique Oliver Patel, de l’University College de Londres. Comme nombre d’autres observateurs de la politique britannique, il estime inéluctables des élections dans les prochains mois pour sortir de l’impasse.
Dimanche, Boris Johnson a promis une enveloppe de 13 milliards de livres (14,6 milliards d’euros) pour bâtir ou rénover 40 hôpitaux. Nouvelle épine dans le pied du dirigeant conservateur, le risque qu’une enquête pénale soit ouverte contre lui en raison de ses liens avec une femme d’affaires américaine, Jennifer Arcuri, ayant pu bénéficier de fonds publics lorsqu’il était maire de Londres. Le Sunday Times affirme qu’ils avaient une liaison et qu’il n’a pas déclaré de potentiels conflits d’intérêts. « Tout a été fait comme il se doit », a rétorqué Johnson.
LQ/AFP