Le procès d’une cellule jihadiste démantelée en janvier 2015 à Verviers (est de la Belgique), qui préfigurait à maints égards celles qui commirent les attentats de Paris et Bruxelles, s’ouvre lundi pour trois semaines devant le tribunal correctionnel de Bruxelles.
L’ombre d’Abdelhamid Abaaoud, soupçonné d’avoir joué un rôle central dans les attentats du 13 novembre 2015 à Paris (130 morts) et tué cinq jours plus tard lors d’un assaut policier à Saint-Denis, en banlieue parisienne, planera sur ce procès, qui commencera par l’interrogatoire des prévenus. «L’hypothèse selon laquelle Verviers est le dossier souche des attentats de Paris fait partie» des pistes examinées par la justice française, expliquait récemment au quotidien Le Monde une source proche de l’enquête.
Abaaoud, rendu tragiquement célèbre par des vidéos le montrant commettre des atrocités en Syrie, était, selon le parquet belge, le «chef» de cette cellule, dont 16 membres présumés sont appelés à comparaître à partir de 09h00 heure locale pour avoir été membres ou dirigeants d’une organisation terroriste. Neuf prévenus, en fuite, ne seront pas présents aux audiences qui se tiendront dans un palais de justice de Bruxelles placé sous haute sécurité après les attaques, revendiquées par le groupe Etat islamique, qui ont fait 32 morts à l’aéroport et dans le métro de la capitale belge le 22 mars.
Quatre des 16 prévenus sont actuellement incarcérés, dont Marouane El Bali, 26 ans, le seul des trois jihadistes ayant survécu à l’assaut donné le 15 janvier 2015 dans une maison du centre de Verviers, quelques jours après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, par les forces spéciales de la police belge, appuyées par les gendarmes français du GIGN. Ce protagoniste essentiel de l’affaire devra également répondre de tentative de meurtre aggravé pour avoir tiré sur les policiers lors de l’assaut, ce qui est vivement contesté par sa défense, tout comme son rôle supposé de dirigeant.
«Il était la petite main et n’était absolument pas au courant de l’un ou l’autre projet d’attentat» (à Paris ou Bruxelles), selon son avocat, Sébastien Courtoy.
Projet de décapitation ?
A ses côtés figureront Omar Damache, un Algérien interpellé à Athènes à l’adresse où les policiers pensaient avoir localisé Abaaoud, Mohamed Arshad (qui était allé chercher en France et en Allemagne les deux jihadistes tués à Verviers), ainsi que Souhaib El Abdi et son frère Ismaël (qui comparaîtra libre), tous deux interpellés le lendemain de l’assaut de Verviers à la frontière franco-italienne.
Les 11 autres, de nationalité belge, marocaine, néerlandaise ou française, ont soit été remis en liberté au fil de l’instruction, soit n’ont jamais été interpellés, certains, suspectés d’être en Syrie, étant visés par un mandat d’arrêt international. Les autorités belges ont accusé la cellule de Verviers, dont plusieurs membres étaient originaires de Molenbeek (Bruxelles), d’avoir planifié un attentat contre des policiers.
Le patron du GIGN, Hubert Bonneau, cité par l’hebdomadaire Le Point, a confié récemment que «l’idée des terroristes était d’enlever une haute autorité belge et de la décapiter pour mettre les images sur les réseaux». Pour le quotidien populaire belge Het Laaste Nieuws, la cible était «un magistrat» ou une «personne ayant une haute responsabilité au sein de la police». Selon le quotidien francophone Le Soir, des plans d’aéroports ont par ailleurs été découverts dans la planque présumée d’Abaaoud à Athènes, tandis qu’à Verviers ont été retrouvés des fusils d’assaut AK47, des chargeurs et du produit servant à fabriquer du TATP, l’explosif artisanal ayant servi à Paris et Bruxelles.
Les membres de la cellule jihadiste n’ont en tout cas pas hésité à ouvrir le feu sur la police lorsqu’elle a donné l’assaut le 15 janvier 2015. L’intervention s’est soldée par la mort de deux des trois occupants de la maison de Verviers, Sofiane Amghar et Khalid Ben Larbi. L’action publique est éteinte à leur égard, ainsi que contre Abaaoud, qui selon l’enquête dirigeait ses hommes depuis la Grèce ou la Syrie.
Malgré ses consignes de discrétion, les membres de la cellule avaient évoqué leurs projets alors que la planque était sous écoute, ce qui a permis leur neutralisation et probablement d’éviter un bain de sang.
Le Quotidien/AFP