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Auto, nucléaire, charbon : pourquoi Berlin peine à imposer un plan climat


Un puissant mouvement anti-nucléaire est actif depuis les années 70. Et pourtant... (illustration AFP)

Malgré l’image « verte » qu’elle cultive à l’étranger, l’Allemagne débat depuis des mois du plan climat attendu vendredi, alors qu’elle est déjà assurée de manquer ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre pour 2020.

Pourquoi ce pays, aux caisses publiques pleines et à l’électorat attaché aux questions environnementales, peine-t-il à décarboner son économie ? Centrale dans la prospérité allemande, l’automobile est à la fois un fleuron industriel à l’export, la source de plus de 800 000 emplois et un moyen de déplacement privilégié.

Le gouvernement allemand, après avoir longtemps ferraillé à Bruxelles pour limiter les normes d’émission imposées à Volkswagen, Daimler ou BMW, demeure réticent à programmer toute sortie des moteurs à combustion préjudiciable à ses constructeurs, malgré le scandale mondial du « dieselgate ».

Plus largement, Berlin ménage ouvertement les intérêts des automobilistes. Le gouvernement a saboté l’an dernier les interdictions de circulation pour les vieux diesel prononcées par la justice dans certains centre-villes, en refusant d’adopter un système de vignette pour contrôler les véhicules. Au printemps, le ministre conservateur des Transports a torpillé le projet d’une limitation de vitesse sur les autoroutes allemandes, pourtant porté par sa collègue de l’Environnement pour réduire sans dépenser un sou la pollution et la mortalité routières.

La chancelière Angela Merkel a pris en 2011 l’une de ses décisions les plus spectaculaires en programmant l’abandon de l’énergie nucléaire d’ici 2022, dans la foulée de la catastrophe de Fukushima. Si ce choix a reçu une large approbation, dans un pays doté depuis les années 1970 d’un puissant mouvement antinucléaire, il a bouleversé l’approvisionnement de son économie très gourmande en énergie.

Explosif, socialement et politiquement

L’Allemagne a certes développé les énergies renouvelables – éolien, solaire, biomasse et hydroélectrique -, passées à 38% de sa consommation d’électricité, et prévoit de porter leur part à 65% d’ici 2030. Mais leur production est intermittente, leur stockage coûteux et peu efficace, et il faut les transporter du Nord balayé par les vents et semé d’éoliennes jusqu’au Sud-Ouest, centre de gravité de l’économie allemande. Le pays doit donc importer du gaz russe et n’a pu réduire pendant des années sa dépendance au charbon, énergie bon marché et très polluante, rasant des villages entiers pour agrandir ses vastes mines de lignite à ciel ouvert.

Après des mois de consultation, Berlin a décidé en début d’année de sortir du charbon avant 2038, et doit désormais programmer la fermeture des mines et des centrales, ainsi que la reconversion des zones minières. Or, même si le gouvernement a décidé mi-mai de débloquer 40 milliards d’euros pour soutenir les quatre États-régions concernés, la tâche s’annonce socialement et politiquement explosive.

Certes, l’industrie du charbon – mines et centrales, houille et lignite confondus – a vu ses effectifs fondre de près de 100 000 postes depuis 2000 et ne représentait plus que 30 000 emplois en 2016, cinq fois moins que le secteur éolien, selon le site spécialisé Strom Report. Mais ces postes sont concentrés dans des régions déjà frappées par le déclin de la sidérurgie rhénane, à l’Ouest, ou par l’effondrement de l’industrie est-allemande, non loin de la frontière polonaise. En ex-RDA, le bassin minier est de surcroît devenu un bastion de l’extrême droite : début septembre, le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) a d’ailleurs enregistré une forte poussée lors d’élections régionales dans le Brandebourg et la Saxe, un avertissement pour la fragile coalition d’Angela Merkel.

LQ/AFP