Le gouvernement socialiste d’Antonio Costa, qui dirige le Portugal depuis 2015 avec le soutien de la gauche radicale, joue sa survie mercredi à l’occasion d’un vote au Parlement sur son projet de budget pour 2022 que l’opposition a promis de rejeter.
L’échec annoncé de la loi de finances ouvrirait la voie à la dissolution du Parlement et à la convocation d’élections législatives anticipées, avait prévenu le président de la République, le conservateur Marcelo Rebelo de Sousa, dans l’espoir de forcer un compromis.
« Ma position est très simple: soit il y a un budget, soit c’est la dissolution », a-t-il insisté lundi, jugeant que le budget de l’Etat est un outil indispensable pour relancer l’économie portugaise grâce aux fonds européens alloués dans le contexte de la pandémie de Covid-19. « Nous ferons tout pour trouver un accord, mais nous ne le ferons pas à n’importe quel prix », a réagi mardi le Premier ministre, qui a exclu de démissionner de son propre chef et promis de mener son camp en cas d’élections anticipées.
A l’issue du premier jour de débat budgétaire au Parlement, le gouvernement minoritaire semblait avoir renoncé à convaincre au moins une des deux formations de la gauche antilibérale, le Bloc de gauche ou le Parti communiste, de s’abstenir pour permettre l’adoption du projet de budget lors du vote en première lecture prévu mercredi en fin de journée.
Appareillage de fortune
Antonio Costa a pris le pouvoir il y a six ans en scellant une alliance inédite avec ces deux partis, qui l’ont soutenu pendant son premier mandat sans pour autant entrer au gouvernement ou constituer une coalition formelle comme celle qui dirige l’Espagne voisine.
A l’époque, la gauche portugaise s’était rassemblée pour tourner la page de la politique d’austérité mise en oeuvre par la droite en échange du plan de sauvetage international accordé au Portugal en 2011. Les discussions autour du budget 2022 ont d’ailleurs buté sur la volonté de la gauche radicale d’abroger des dispositions du code du travail héritées du temps de la « troïka » des créanciers (UE-BCE-FMI).
Cette fragile union de la gauche — connue par les Portugais sous le nom de « geringonça », expression désignant un appareillage de fortune — avait commencé à se fissurer après les élections de l’automne 2019. Vainqueur mais resté à huit sièges de la majorité absolue, M. Costa s’était alors dispensé de négocier de nouveaux accords garantissant la stabilité jusqu’aux législatives prévues fin 2023, préférant négocier les soutiens parlementaires nécessaires au cas par cas.
Il y a un an, le budget 2021 avait ainsi été adopté de justesse grâce à l’abstention de la coalition communistes-verts et d’un petit parti animaliste.
« Pire scénario possible »
Le risque d’impasse budgétaire s’est cette fois matérialisé, quand le Parti communiste, emboîtant le pas au Bloc de gauche, a annoncé lundi son intention de voter contre le projet de budget du gouvernement, en l’accusant de ne pas en faire assez pour augmenter le pouvoir d’achat des Portugais ou assurer le financement des services publics.
Les anciens alliés se sont mutuellement rejeté la faute de l’échec des négociations, pointant l’intransigeance du camp adverse en matière de calcul des retraites ou d’augmentation du salaire minimum. Pourtant, le scénario de législatives anticipées ne favorise aucune des forces en présence, sauf l’extrême droite qui espère confirmer sa percée à l’élection présidentielle de janvier dernier, a commenté auprès de l’AFP la politologue Paula Espirito Santo, de l’Université de Lisbonne.
Dans sa volonté de se démarquer du pouvoir socialiste, la gauche radicale risque un « hara-kiri politique », tandis que le Premier ministre et le président doivent maintenant gérer « le pire scénario possible pour le Portugal », qui s’efforce de dépasser la crise sanitaire grâce au succès de sa campagne de vaccination, a-t-elle ajouté.
Et, à droite, les deux partis conservateurs ont eux aussi été pris à contre-pied, au milieu de disputes internes qu’ils doivent résoudre entre fin novembre et début décembre.
LQ/AFP