La chute d’Alep ne marquera pas la fin de la guerre en Syrie, mais le régime de Damas et ses alliés russe et iranien semblent à court terme en mesure d’imposer leur scénario face aux pays soutenant l’opposition et à une administration américaine sortante.
Témoins impuissants de l’agonie d’Alep depuis des semaines, dix pays occidentaux et arabes, dont les États-Unis, la France, la Turquie, l’Allemagne, l’Arabie Saoudite, le Qatar, se sont réunis samedi à Paris pour évoquer la situation tragique de la deuxième ville syrienne.
Mais jusqu’à présent tous les appels de la communauté internationale à mettre fin au carnage ont échoué, toutes les annonces de négociations entre Russes et Américains pour un cessez-le-feu ont tourné court.
Le secrétaire d’État américain John Kerry, qui quittera ses fonctions dans quelques semaines comme toute l’administration Obama, a annoncé une nouvelle réunion d’experts américains et russes samedi à Genève, parallèlement à la réunion de Paris, « pour tenter de sauver Alep ».
Mais la ville est déjà quasiment tombée, le régime contrôlant 85% des quartiers que les rebelles tenaient avant l’offensive du 15 novembre. Et Moscou exige le départ de tous les insurgés, assiégés avec des dizaines de milliers de civils dans les dernières poches sous leur contrôle.
« Toute l’idée de l’opération est de faire comme en Tchétchénie pendant la deuxième guerre (1999-2000) : écraser la rébellion, leur montrer qu’ils ne peuvent rien contre les armes russes. Du coup, les rebelles peuvent se rendre, fuir ou passer du côté d’Assad », résume l’expert militaire russe indépendant Pavel Felguenhauer.
La communauté internationale semble d’ailleurs avoir intégré la chute d’Alep, ainsi que la reconquête par le régime d’une « Syrie utile », l’Ouest du pays d’Alep à Damas, en passant par la province centrale de Homs et la région côtière de Lattaquié.
« La partition de la Syrie se profile », mettait en garde récemment le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault, tandis que de nombreux diplomates et experts estiment qu’après Alep, Moscou et Damas concentreront leurs efforts sur la province d’Idleb encore contrôlée par la rébellion, et notamment par le groupe Fateh al-Cham, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda.
« La menace terroriste demeurera »
« Il y a un partage de facto de la Syrie : les Russes à l’Ouest et les Occidentaux de la coalition antijihadiste à l’Est », relève sous couvert d’anonymat un diplomate européen, pour qui Moscou a tout intérêt à laisser les Occidentaux s’occuper du bourbier », les zones contrôlées par Daech.
Pour autant, même s’ils sont en position de force comme jamais depuis le début du conflit en 2011, Damas et ses alliés n’ont pas gagné la guerre, répètent dirigeants et diplomates, pour qui « on ne peut pas parler de victoire au prix de 300 000 morts et de millions de réfugiés ».
« Même si Alep tombe, cela ne changera pas la complexité fondamentale de ce conflit », martèle John Kerry. « La menace terroriste demeurera », « le chaos durable » s’installera, renchérit Jean-Marc Ayrault. S’ils insistent sur la nécessité d’une « solution politique crédible » pour parvenir à la paix en Syrie, les pays soutenant la rébellion ont peu de leviers pour l’imposer.
Le Quotidien/AFP