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Allemagne : Martin Schulz, le « sale gosse » à l’assaut de la citadelle Merkel


Le président du Parti social-démocrate allemand SPD Martin Schulz à Magdebourg, en Allemagne, le 28 août 2017. (Photo : AFP)

Ancien alcoolique ayant quitté l’école sans diplôme, pour finir président du Parlement européen. Martin Schulz compte puiser dans son parcours atypique et son image d’homme du peuple pour déjouer les pronostics en vue des élections allemandes.

Car au vu des sondages, les chances du patron des sociaux-démocrates de l’emporter face à la chancelière conservatrice, qu’il affronte dimanche en duel télévisé, sont minces.

Il avait pourtant encore bon espoir lorsqu’il fut désigné fin janvier candidat du SPD. Martin Schulz s’est lancé plein d’entrain à l’assaut de la citadelle Merkel, porté par des enquêtes d’opinion alors encourageantes. Une chanson ayant fait un tabac sur Youtube devait porter l’offensive: «Quel Bonheur! Le train de Schulz roule/ Et il n’a pas de frein/ Il roule à toute vapeur vers la Chancellerie!». Désormais le convoi semble surtout à court de carburant. Selon une enquête récente, 26% des Allemands le voudraient comme chancelier, contre 49% pour Angela Merkel.

«Sale gosse»

«Tout porte à croire que le nom du vainqueur est déjà connu, tout comme le nom du perdant», écrit, fataliste, Der Spiegel. Et même si Schulz «se donne du mal», «il a les plus grandes difficultés à se positionner en alternative à Angela Merkel». Lui, malgré tout, veut y croire. Il voit dans son parcours erratique, étonnant pour un responsable politique de ce calibre, et dans les épreuves surmontées autant de preuve de ses qualités de combattant et d’«homme du peuple», face à la distante Angela Merkel.

Né en 1955 à Eschweiler, près d’Aix-la-Chapelle (ouest), il quitte le lycée sans diplôme. «A l’école, j’étais un vrai sale gosse», a-t-il confié au magazine Bunte. Passionné de football, ce fervent supporter du club de Cologne envisage un temps d’une carrière professionnelle, espoirs finalement ruinés par une blessure à un genou. Il noie alors son chagrin dans l’alcool : «A 20 ans, j’étais le jeune homme le plus déjanté de toute l’Allemagne. Le pire, c’était d’avoir chaque jour le sentiment d’avoir échoué», dit-il.

Une formation de libraire le remettra dans le droit chemin: onze ans durant, il tiendra son propre établissement à Würselen en même temps qu’il commence un carrière politique dans l’appareil du parti-social démocrate local. Il est élu maire de la ville à seulement 31 ans, et le restera pendant 11 ans (1987-1998).

«Catastrophes»

«Je crois que je suis le seul politique de premier plan en Allemagne à parler ouvertement de ses catastrophes personnelles», clame-t-il dans le Spiegel. Une pique évidente à l’adresse de la chancelière, connue pour sa réticence à se dévoiler. «Certains ont des difficultés avec cela mais d’autres disent: il a réussi à s’en sortir, il n’est pas aussi lisse que d’autres dirigeants politiques», ajoute-t-il.

Marié depuis 30 ans à une paysagiste, polyglotte autodidacte – il parle cinq langues -, ce père de deux enfants a mis rapidement le cap sur l’Europe, à un moment où ce type de carrière politique n’intéressait guère en Allemagne. Paris réussi. En 1994, il est élu au Parlement européen, où il siègera pendant 22 ans. Connu pour son éloquence et son franc-parler – ses détracteurs parlent de «brutalité» -, il présidera l’institution pendant cinq ans (2012-2017).

Ses détracteurs se gaussent du coup de sa prétention à apparaître en homme neuf, proche des gens en Allemagne, et voient en lui plutôt une incarnation d’eurocrate. Martin Schulz affirme de son côté que son parcours européen lui confère la carrure pour la chancellerie. Les médias jugent qu’il s’est trompé en faisant d’abord campagne sur la «justice sociale» dans une Allemagne à la santé économique enviée dans le reste de l’Europe.

Quant à sa volonté de briguer un nouveau mandat à la tête du SPD même en cas de revers aux législatives, elle a été interprétée comme un aveu qu’il n’y croyait pas lui-même. «Qui va se battre pour un candidat qui semble avoir accepté la défaite ?», s’interroge le Tagespiegel.

Le Quotidien/AFP