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Allemagne : l’extrême droite bientôt sous surveillance policière ?


Le gouvernement d'Angela Merkel étudie de très près le rapport de 1 000 pages des services de renseignements. (archives AFP)

Les nuages s’accumulent au-dessus de l’extrême droite allemande : en difficulté dans les sondages à huit mois des élections, le parti AfD est sous la menace d’un placement officiel sous surveillance policière.

L’Office de protection de la Constitution, le Renseignement intérieur allemand, doit annoncer prochainement s’il déclenche cette procédure contre la formation Alternative pour l’Allemagne (AfD). Un tel placement serait marqué du sceau de l’infamie politique dans le pays car en principe réservé aux groupuscules ultra-radicaux considérés comme dangereux.

La décision est donc très sensible à huit mois des élections générales. L’AfD, créée en 2013, est entrée en force en 2017 à la chambre nationale des députés, et y incarne la première force d’opposition aux conservateurs et sociaux-démocrates au pouvoir.

Le gouvernement d’Angela Merkel étudie d’ailleurs de très près le rapport de 1 000 pages des services de renseignements pour s’assurer qu’une telle démarche soit sûre sur le plan juridique.

Agents infiltrés

Le parti d’extrême droite a esquissé une contre-attaque avant même l’annonce de la décision en annonçant des plaintes contre les services de police. Au terme de nombreux mois d’enquête auprès de toutes les structures et associations affiliées au parti, les Renseignements pourraient désigner l’AfD comme « cas suspect » ou passer directement à l’étape au-dessus et cibler le parti comme « cas de surveillance ».

Ce traitement donne toute latitude aux services pour surveiller les échanges au sein du parti, placer sur écoute ses cadres et même avoir recours à des agents infiltrés ou informateurs.

Le parti a prévenu qu’il contesterait en justice toute décision en ce sens. Il a d’ores et déjà mandaté un cabinet d’avocats, auquel appartient l’ancien patron des renseignements, Hans-Georg Maassen, démis de ses fonctions en 2018 à cause de sa complaisance apparente à l’égard de l’extrême droite.

Les dirigeants les moins radicaux de l’AfD tentent aussi d’organiser la contre-attaque en affichant une image plus policée. Le parti a ainsi récemment publié une « Déclaration » adressée à « toutes les personnes qui possèdent la citoyenneté allemande », indépendamment de leur « origine ethnique et culturelle, de la date de sa naturalisation ou de celle de ses ancêtres ». Un tournant pour un parti jusqu’ici obnubilé par les racines germaniques.

La police avait déjà placé sous surveillance en mars 2020 le courant le plus radical de l’AfD, appelé « L’Aile », puis en juin une fédération régionale, celle du Brandebourg qui entoure Berlin, aux mains de cette mouvance. Les autorités accusent ses sympathisants d’avoir par leur discours contribué à la résurgence dans le pays du terrorisme d’extrême droite, érigé après plusieurs attentats ces dernières années au rang de menace numéro un. Mais, en dépit des promesses réitérées de débarrasser le parti de ses militants les plus radicaux, l’AfD continuerait d’abriter parmi ses 35 000 membres nombre de militants proches de la mouvance néonazie.

Luttes internes

L’un de ses représentants, Andreas Kalbitz, a longtemps dirigé le Brandebourg, avant d’être récemment exclu. Il continue toutefois de peser en interne et de contester en justice son éviction.

« L’AfD peut être déclaré parti suspect car il est dominé par l’aile radicale du parti, dont l’influence a encore augmenté ces derniers mois », explique Hajo Funke, professeur de sciences politiques à l’Université libre de Berlin.

Créée il y a huit ans sur un créneau eurosceptique, la formation a bâti son succès en surfant sur les craintes de la population liées à l’accueil de centaines de milliers de réfugiés à partir de 2015. Mais le parti est désormais cantonné à environ 10% dans les sondages, loin derrière la droite conservatrice, les Verts et sociaux-démocrates.

L’AfD ne parvient pas à capitaliser sur les difficultés économiques et sociales liées à la pandémie, ni sur le mouvement anti-masques, pourtant vivace en Allemagne et qui attire nombre de sympathisants d’extrême droite. Accaparé par des luttes internes sans fin, le parti s’est « contenté de ne dire que l’inverse de ce que proposait le gouvernement et n’a pu définir de ligne claire », relève Hajo Funke. Ses bastions d’ex-RDA sont même devenus des foyers d’infection, faute de respect des restrictions.

LQ/AFP

 

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