Jurant de « garder le cap de la loi islamique », les talibans ont célébré mercredi le 3e anniversaire de leur reconquête de l’Afghanistan avec un long défilé militaire dans l’ancienne base américaine de Bagram et des sports de combat dans un stade de Kaboul.
Des centaines d’invités ont assisté, en matinée à Bagram, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, à un défilé militaire de plus d’une heure en présence des responsables talibans et des hauts gradés. Un ballet d’hélicoptères a survolé la procession de dizaines de véhicules militaires soviétiques ou récupérés par les talibans aux forces américaines et à l’armée afghane lors de leur victoire éclair il y a trois ans.
Une longue file de lance-roquettes BM-21 Grad multiple soviétiques, de camions ZIL-135 et de blindés légers transports de troupes a avancé devant les tribunes fleuries où se trouvaient des centaines d’invités, dont quelques diplomates chinois ou iraniens. De l’artillerie lourde mobile et des chars soviétiques T-54 ou des chars américains ont aussi défilé dans l’ex-base aérienne américaine qui était le centre névralgique des opérations contre l’insurrection talibane.
Les talibans ont aussi fait défiler des motos transportant leurs emblématique bidons jaunes qui ont mené tant d’attentats meurtriers à l’explosif durant leur insurrection.
Dans un message lu à l’assistance, le Premier ministre afghan Mohammad Hassan Akhund, dont la présence avait été initialement annoncée, a promis de « garder le cap de la loi islamique ». Nos responsables « doivent être attentifs au fait que nos devoirs n’ont pas cessé avec le jihad (la guerre sainte), nous avons maintenant la responsabilité de garder le cap de la loi islamique », a-t-il déclaré dans ce message.
Le 15 août 2021, les talibans entraient sans résistance dans Kaboul, entraînant la fuite du gouvernement et la débâcle de la coalition occidentale menée par les États-Unis qui les avait chassés du pouvoir 20 ans plus tôt. Cet anniversaire est célébré avec un jour d’avance, d’après le calendrier afghan.
Drapeau et kalachnikov
Les célébrations se sont déplacées en milieu de matinée à Kaboul, dans le grand stade de Ghazi, où des centaines d’hommes portant des casquettes et des T-shirts blancs faisaient des démonstrations de boxe ou de lutte. Aucune femme ne participait aux festivités et les journalistes femmes se sont vu interdire de couvrir les cérémonies de cet anniversaire.
Les talibans appliquent la loi islamique de manière ultra-rigoriste et ont multiplié en trois ans les mesures liberticides contre les femmes, de plus en plus écartées de l’espace public. Des milliers d’Afghans ont été conviés dans la capitale depuis une demi-douzaine de provinces du centre, avec d’importantes mesures de sécurité.
Les avenues, ronds-points et parcs de Kaboul étaient décorés de milliers de drapeaux blancs et noirs de l’Émirat islamique. De nombreux membres des forces de sécurité sillonnaient Kaboul accrochés à des pick-up, drapeau de l’Emirat en bandeau autour de la tête et kalachnikov ou autres fusils automatiques à la main.
Les forces de sécurité ont été mobilisées en masse, le risque principal semblant être un nouvel attentat du groupe jihadiste État islamique, après celui qui a fait un mort dans un quartier chiite de Kaboul dimanche dernier.
– Crise humanitaire –
Depuis plusieurs jours, la télévision a multiplié les programmes autour de cet anniversaire pour mobiliser la population: logo spécial et longues interviews de ministres talibans.
Sur un bandeau de la chaîne RTA, on pouvait lire: « La fierté (des Afghans) vient du sang versé par des milliers de martyrs ».
Après trois ans d’administration talibane, l’Afghanistan reste l’un des pays les plus pauvres du monde, avec une croissance anémique, un chômage massif et une grave crise humanitaire.
Le gouvernement taliban n’est toujours reconnu par aucun pays en raison de ses mesures liberticides contre les femmes, progressivement exclues du monde du travail et de l’éducation.
Mais Kaboul a enregistré des gains diplomatiques en nouant des relations avec les pays voisins ainsi que la Chine et la Russie et a ouvert un dialogue avec l’Occident en participant en juin, pour la première fois, aux discussions de Doha.
« Les pays qui coopèrent avec les talibans devraient leur rappeler leurs abus contre les femmes et les filles », a déclaré l’ONG Human Rights Watch dans un communiqué à l’occasion de cet anniversaire. « Les donateurs devraient apporter une aide à ceux qui en ont le plus besoin et oeuvrer à une solution durable à la crise humanitaire en Afghanistan ».
Vraiment pas de quoi pavaner!