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Affaire Pelicot : les sentiments contradictoires des compagnes des accusés


(Photo : AFP)

Colère, incompréhension, mais aussi compassion, voire déni total : au procès d’un mari qui a drogué sa femme pour la faire violer par des dizaines d’inconnus pendant une décennie en France, les sentiments sont partagés chez les compagnes ou ex-compagnes des coaccusés, certaines allant jusqu’à endosser la responsabilité de leurs actes.

Pour Vanessa P., qui n’a « plus aucune considération pour » son ex-compagnon, la colère est froide.

Comme la cinquantaine d’autres hommes jugés, âgés de 26 à 74 ans, Quentin H., 34 ans, alors gardien de prison, avait répondu à l’invitation de Dominique Pelicot de venir violer son épouse, à leur domicile conjugal de Mazan, dans le sud de la France.

« Quand on voit de quoi il est accusé, on peut douter de tout », « c’est un manipulateur », avait ajouté cette auxiliaire-puéricultrice, sans lancer un regard à son ancien partenaire.

« Manipulateur », un qualificatif également utilisé par Emilie O., 33 ans, à propos d’Hugues M., 39 ans. Leur union a pris fin en novembre 2020, quand les faits visant Dominique Pelicot et son mari avaient été révélés. Au passage, elle a découvert les multiples relations extraconjugales de celui qui partageait sa vie.

Pour « protéger les enfants »

« Je pensais vivre une vie paisible et épanouissante, mais j’étais en erreur ». Depuis, elle vit avec le doute d’avoir été victime elle-même de soumission chimique, comme Gisèle Pelicot, assommée d’anxiolytiques et violée pendant dix ans par son mari et une soixantaine d’hommes qu’il avait recrutés sur internet, dont 50 ont été identifiés et sont jugés à ses côtés.

Un doute que n’a plus Cilia M. : entre 2015 et 2018, son mari, Jean-Pierre M., 63 ans, et Dominique Pelicot, 71 ans, l’ont violée une dizaine de fois en reproduisant sur elle le procédé utilisé sur Gisèle.

« C’était quelqu’un de merveilleux. Il nous a anéantis », a-t-elle témoigné, ajoutant qu’elle ne « pardonnerait jamais » à son ex-mari, dont elle a cependant gardé le nom et contre qui elle a refusé de porter plainte, pour « protéger leurs cinq enfants ».

D’autres s’interrogent encore, quitte à trouver des excuses à leurs ex-compagnons.

« Il a toujours été respectueux : quand c’était non, c’était non. Il n’a jamais insisté (…) Je ne comprends absolument pas pourquoi il est là aujourd’hui », s’est lamentée Corinne M., déjà séparée de son mari, Thierry P., lors des faits qui lui sont reprochés.

Leur couple avait été brisé par le décès de leur fils dans un accident de la route à la suite duquel Thierry P. avait sombré dans l’alcoolisme.

Samira T. cherche, elle, « des réponses à (ses) questions depuis trois ans et demi » au sujet de son compagnon, Jérôme V., accusé d’avoir violé à six reprises Gisèle Pelicot en 2020. Mais elle ne l’a pas quitté et elle persiste à « le soutenir » : « si on s’est rencontrés, ce n’est pas un hasard, j’avais cette mission ».

« Il a voulu voir ailleurs »

« Il n’avait pas de raison d’aller voir ailleurs », a ajouté, en pleurs, celle qui acceptait pourtant ses demandes de relations sexuelles quasi quotidiennes, « à 22 h », de prises de photos intimes ou encore de promenades dénudées.

Allant jusqu’à s’accabler, Hien B., elle, se sent responsable « d’avoir refusé tout le temps » les avances de son mari, Jean-Luc L., à une époque où elle s’occupait de sa mère malade : « Je pense qu’en tant qu’homme, il a voulu voir ailleurs ».

Comme elle, Sonia R., en relation avec Patrice N. depuis 16 mois, ne veut penser qu’à « l’avenir » : « Je le soutiens et lui donne ma confiance totale. Pour moi, il y a un présent et il y aura un après, quoi qu’il en coûte, quoi qu’il en soit, quoi qu’il se passe ».

« Dans les affaires de violences sexuelles, les proches des accusés ont parfois eux-mêmes du mal à imaginer la violence, parce que c’est au-delà de leur entendement », explique Véronique Le Goaziou, chercheuse associée au Laboratoire méditerranéen de sociologie et spécialiste des violences sexuelles : « Et, dans certains cas, ils n’apportent pas crédit aux faits rapportés par les victimes : ils ne peuvent ou ne veulent le croire ».

Et d’ajouter : « Les violences sexuelles n’impactent pas seulement les auteurs et leurs victimes, (…) ce sont des familles entières qui en subissent les conséquences. (…) Quant (aux compagnes), elles sont dans une forme de sidération ».

« Je ne le vois pas du tout comme un violeur. Ce n’est pas lui », a ainsi assuré Lucie B., concubine de Grégory S. depuis sept ans, de qui elle attend un troisième enfant. « Il m’avait précisé que c’était surtout un délire du mari et sa femme. Qu’elle était bourrée ».