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A l’hôpital, d’improbables voisins de chambres liés par le Covid


Des vies totalement différentes, mais un même combat contre le coronavirus. (photos AFP)

D’un côté Gérard, sans abri depuis 24 ans, de l’autre Jean-Gabriel, neveu d’un ancien président de la République, galeriste connu.

Après des vies aux antipodes, les deux hommes, terrassés par le Covid, sont voisins de chambre dans un service de rééducation.

Jean-Gabriel Mitterrand

Jean-Gabriel Mitterrand

Jean-Gabriel Mitterrand, 79 ans, a la presse du jour déposé au bout de son lit à l’hôpital Fernand Widal à Paris : tout y est de Libération au New York Times. « Cognitivement ça va, je peux toujours lire, même une demie heure sans me fatiguer ».

Le septuagénaire, qui n’avait jamais eu de soucis de santé avant, est assis dans un fauteuil roulant. Son corps frêle flotte dans un cardigan à capuche. Il a perdu dix kilos, et une grande partie de ses capacités musculaires et pulmonaires, après un passage de 20 jours en réanimation, pour une forme très sévère de Covid. « Allez-y, soufflez, ventilez bien, sinon ça va pas », lui rappelle sans cesse Thibaut Ferreux, le kinésithérapeute, qui l’entraine à monter les escaliers. « Quand il est arrivé chez nous, rien que de se mettre assis au bord du lit était déjà très fatiguant », se rappelle le kiné. « J’ai fait des progrès, c’est un miracle de reprendre du souffle, je n’y croyais pas au début », confirme-t-il de ses yeux bleus, étincelants de fierté.

« Un peu comme le purgatoire »

Sur la table de nuit de « M. Mitterrand », comme s’amusent à insister les soignants, sont posés une aquarelle, le dernier livre de son frère, Frédéric, l’ancien ministre de la Culture, et une carte montrant un poing levé et le message « still alive » (toujours en vie). « Quand on revient de là où je reviens, ça vous donne une conscience de la mort, ils ont mis deux jours à me réveiller et ils ont appelé mes enfants pour dire qu’ils n’y arrivaient pas », souffle Jean-Gabriel dans une grimace. « C’était un peu comme le purgatoire », s’amuse-t-il.

Gérard Guérin

Gérard Guerin

Dans la chambre d’à côté, avec la même vue sur la cours caillouteuse et grise du centre de rééducation, Gérard Guerin, 66 ans est assis sur son fauteuil roulant. Sous la blouse siglée de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, il a la même silhouette filiforme de rescapé. Toutes ses affaires tiennent dans un sac plastique rouge.

Gérard a été victime début janvier d’une crise cardiaque, en allant à la boulangerie. « Boum je m’écrase, les pompiers sont venus me prendre, ils m’ont mis l’oxygène, tout une bouteille y est passée et ils m’ont emmené ici aux urgences », raconte-t-il avec son fort accent du nord. Alors qu’il est déjà dans ce service de rééducation, pour les suites de son AVC, il développe les premiers symptômes du coronavirus. « Un infirmier est venu me dire : M. Guerin vous êtes positif », se souvient-il.

« Ça bousille »

Puis ce fut le retour aux urgences et en soin intensifs. « Ça c’est sûr que c’est pire que la grippe, ça bousille », confie le sexagénaire qui a donc contracté le virus à l’hôpital, en dépit des précautions de l’équipe. Malgré des années d’alcoolisme, de rue et le récent AVC, son corps a tenu le coup. Gérard a passé une semaine en soins intensifs mais n’a pas eu de complications.

Néanmoins, il doit encore rester sous surveillance et reprendre des forces. Et il faut surtout, trouver un dispositif adapté à sa sortie, pour qu’il ne se retrouve pas à la rue. « Il n’a pas d’identité, le nom qu’il nous a donné ne matche pas, on a aussi compris que c’est un ancien militaire, on essaye avec cette piste là, de trouver des proches », témoigne auprès l’un des médecins responsable du service.

Jean-Gabriel doit sortir dans quelques jours et s’applique à convaincre les médecins de ses progrès, espérant pouvoir déguerpir plus tôt. Gérard, lui, a reçu une piste pour un petit boulot de gardiennage à la sortie.

LQ/AFP