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A la COP28, les pays appelés à adopter un compromis inédit sur les fossiles


Le document préparé par le président émirati de la conférence, dont la publication a été attendue toute la nuit par des négociateurs privés de sommeil, propose pour la première fois dans l'histoire des conférences sur le climat des Nations unies de mentionner toutes les énergies fossiles. (Photo : AFP)

Les pays du monde entier se réunissent mercredi à Dubaï à la COP28 pour débattre et éventuellement approuver un compromis qualifié d’historique par des Européens pour son appel inédit à abandonner progressivement les énergies fossiles.

Le document préparé par le président émirati de la conférence, dont la publication a été attendue toute la nuit par des négociateurs privés de sommeil, propose pour la première fois dans l’histoire des conférences sur le climat des Nations unies de mentionner toutes les énergies fossiles, largement responsables du changement climatique, dans une décision à adopter par tous les pays.

Le ministre danois du Climat, Dan Jørgensen, a qualifié mercredi le texte d' »historique » juste avant de se rendre en séance plénière de la COP.

« Cela peut être un moment historique qui pour la première fois en 30 ans identifie, pointe la source du problème et appelle au changement et à s’y attaquer », a réagi le ministre irlandais de l’Environnement, Eamon Ryan.

Le texte, dont chaque mot a été négocié par les Emiratis, appelle à « transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques ». L’appel à accélérer l’action dès la décennie en cours était une exigence de l’Union européenne et de nombreux autres pays.

En choisissant le terme de « transitioning away » (« transitionner hors de », « s’éloigner », « abandonner » selon les traductions possibles en français), le texte ne parle plus de « phase-out » (« sortie ») du pétrole, du gaz et du charbon, un terme devenu depuis des mois la bannière derrière laquelle se rangeaient plus d’une centaine de pays et des milliers d’ONG.

Reste à voir à quel point la nuance fera débat à la COP. Une source proche de la présidence émiratie estime que le texte a été finement « calibré » pour tenter de réconcilier des points de vues opposés, et notamment éviter un blocage de l’Arabie saoudite. Tout en laissant volontairement un peu d’ambiguïté dans les formulations pour que chacun y trouve son compte…

« Je pense que personne n’est super heureux ou super triste », résume cette source.

L’alliance des petits Etats insulaires (Aosis), en pointe pour réclamer des mesures fortes contre les énergies fossiles, a ainsi à la fois salué une « amélioration » et signalé des « inquiétudes ».

Mais l’émissaire chinois pour le climat, Xie Zhenhua, est arrivé tout sourire et les deux pouces levés.

Pour entrer dans l’histoire, ce texte de compromis, fruit de pénibles négociations entre notamment l’Union européenne, les petits pays insulaires, les Etats-Unis, la Chine et l’Arabie saoudite, devra en effet être approuvé par le consensus de près de 200 pays.

L’Emirati Sultan Al Jaber, patron de la compagnie pétrolière émiratie Adnoc, préside la conférence.

Un seul pays peut objecter à l’adoption d’une décision à la COP, selon les règles de l’ONU Climat.

Amélioration, selon les ONG 

« Si Glasgow (2021) était la première fissure dans le barrage avec l’appel à réduire le charbon, maintenant c’est une grosse rupture avec l’extension au pétrole et au gaz », s’est féclicité Alden Meyer, du groupe de réflexion E3G. « Les Saoudiens essaient de colmater furieusement le barrage mais le sens de l’histoire est clair », juge-t-il.

« Le génie ne retournera jamais dans la bouteille », ajoute Mohamed Adow, directeur de Power Shift Africa, autre groupe de réflexion.

« Ce n’est pas la promesse historique » du « phase-out » mais « transition hors, cela envoie quand même un signal important. Et si c’est adopté, ce serait quand même la première fois qu’on a de tels mots, qui couvrent non seulement le charbon, mais aussi le pétrole et le gaz », a réagi Caroline Brouillette, directrice du réseau d’ONG Réseau Action Climat Canada.

Elle a regretté cependant l’inclusion de « distractions dangereuses comme la capture et le stockage du carbone, le nucléaire. »

L’ONG WWF a qualifié le nouveau projet d’accord d' »amélioration » concernant les énergies fossiles, par rapport à la version précédente, tout en notant l’absence d’appel à une « sortie complète » des fossiles. Mais « si ce texte est adopté, il représenterait un moment significatif », a estimé Stephen Cornelius, de WWF.

Sultan Al Jaber s’évertuait depuis plus de 24 heures à sauver une COP qu’il avait annoncée comme « un tournant », à même de préserver l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, adopté il y a huit ans: limiter l’élévation de la température mondiale à 1,5°C.

Le premier projet de texte émirati, lundi, avait suscité un tollé car il listait trop d’options au choix et n’appelait pas à la « sortie » des énergies fossiles, dont la combustion depuis le XIXe siècle est largement responsable de l’élévation actuelle des températures mondiales de 1,2°C, par rapport à l’ère pré-industrielle.

A ce jour, seule la « réduction » du charbon avait été actée à la COP26 à Glasgow. Jamais le pétrole ni le gaz n’avaient été désignés.

Dans le projet d’accord des Emirats figure une reconnaissance du rôle joué par des « énergies de transition », allusion au gaz, pour assurer la « sécurité énergétique » des pays en développement, où près de 800 millions de personnes manquent d’accès à l’électricité.

Le texte contient de multiples appels liés à l’énergie: tripler les capacités d’énergies renouvelables et doubler le rythme d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030; accélérer les technologies « zéro carbone » et « bas carbone », dont le nucléaire, l’hydrogène bas carbone, et le balbutiant captage et stockage du carbone, défendu par les pays producteurs de pétrole pour pouvoir continuer à pomper des hydrocarbures.

L’Arabie saoudite, le Koweït ou l’Irak étaient sur une ligne dure, refusant tout accord s’attaquant aux énergies fossiles qui font leur richesse.