Vladimir Poutine, Emmanuel Macron, le vice-président américain Mike Pence : Israël se prépare à accueillir une quarantaine de dirigeants cette semaine pour marquer le 75e anniversaire de la libération du camp nazi d’Auschwitz, dans l’un des plus grands rassemblements de leaders jamais organisés à Jérusalem.
Des milliers de policiers et autres forces de sécurité quadrilleront la ville dès mardi pour l’arrivée des premiers dirigeants, en grande partie européens, qui discuteront cette semaine d’antisémitisme, mais aussi de géopolitique moyen-orientale. « Je vais discuter avec eux de l’Iran, des développements dans la région et des moyens de renforcer les relations entre nos pays », a déclaré dimanche le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, voulant ainsi donner le « la » de la semaine, Israël considérant Téhéran comme l’une des principales menaces à son existence.
Benjamin Netanyahu avait déjà prévenu l’Iran d’une riposte « retentissante » en cas d’attaques sur son sol visant à venger l’assassinat, le 3 janvier dans une frappe américaine en Irak, du général Qassem Soleimani, chef des opérations extérieures iraniennes et grand ennemi d’Israël. Outre la crise régionale, avec la récente montée des tensions entre les États-Unis et l’Iran, les dirigeants mondiaux auront un aperçu de la crise politique en Israël, qui se dirige en mars vers ses troisièmes législatives en moins d’un an après deux scrutins ayant placé Benjamin Netanyahu et son rival Benny Gantz au coude-à-coude et incapables de rassembler une majorité. Dans ce contexte, et pour ne pas montrer de préférence dans cette joute électorale, le président français Emmanuel Macron rencontrera non seulement Benjamin Netanyahu mais aussi Benny Gantz, ancien chef de l’armée, à la tête du parti centriste « Bleu-Blanc ».
Point d’orgue au mémorial Yad Vashem
Il s’entretiendra aussi avec son homologue Reuven Rivlin, qui accueillera mercredi soir les chefs d’une quarantaine de délégations pour un dîner à Beit Hanassi, sa résidence officielle de Jérusalem, où ses équipes sont déjà à pied d’oeuvre. « C’est la première fois qu’autant de leaders viennent ici », à Jérusalem, a déclaré Harel Tubi, le directeur général de la présidence, précisant que le nombre de dignitaires étrangers serait plus important que lors des funérailles des anciens Premiers ministres Yitzhak Rabin, assassiné en 1995, et Shimon Peres, décédé en 2016. « Nous ne nous attendions pas à une réponse aussi importante d’un aussi grand nombre de dirigeants », a déclaré le milliardaire russo-israélien Moshe Kantor, président du Conseil juif européen et organisateur de ce 5e Forum mondial de la Shoah.
Le point d’orgue des commémorations est prévu jeudi au mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, où Emmanuel Macron, le président russe Vladimir Poutine, le prince britannique Charles et les présidents allemand Frank-Walter Steinmeier et Reuven Rivlin doivent prononcer les principaux discours pour commémorer la mémoire des millions de Juifs assassinés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Andrzej Duda, le président polonais, pays sous occupation nazie pendant la guerre et où était notamment situé le camp d’Auschwitz libéré par l’Armée Rouge en janvier 1945, ne participera pas aux commémorations car n’ayant pas été invité à prononcer un discours lors de la cérémonie.
Des fortes tensions
Le tout se déroule sur fond de tensions avec Vladimir Poutine, qui a récemment accusé la Pologne d’avant-guerre de collusion avec Hitler et d’antisémitisme. Le président russe sera au cœur des commémorations à Jérusalem où il doit inaugurer un monument en l’honneur des victimes du siège de Leningrad par les nazis, fatal à au moins 800 000 personnes de 1941 à 1944. Il arrivera peut-être avec une « bonne nouvelle », a par ailleurs affirmé Benjamin Netanyahu, se disant « confiant » de la libération prochaine de Naama Issachar, une Israélo-Américaine emprisonnée en Russie pour « trafic de drogues » et dont le sort s’impose à la une de la presse en Israël.
Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, ainsi que le prince Charles, doivent aussi aller en Cisjordanie occupée afin de s’entretenir, chacun séparément, avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Ce dernier devrait évoquer le « plan de paix » que Washington doit encore présenter mais qui est déjà boycotté par les Palestiniens, ainsi que le soutien américain aux colonies israéliennes en Cisjordanie occupée et le projet israélien d’annexion de la vallée du Jourdain. Les autorités israéliennes ont dit récemment vouloir doubler le nombre de colons en Cisjordanie au cours de la prochaine décennie pour le faire passer à un million, ce qui est considéré comme une menace à tout processus de paix, selon les Palestiniens. En sortant de leur dîner mercredi à la résidence du président israélien, les leaders européens auront un rappel de l’impasse actuelle, à la vue d’une grande banderole installée sur le balcon d’un voisin, citant John Lennon : « Give peace a chance » -« Donnez une chance à la paix ».
AFP/LQ