Accueil | Luxembourg | Vins luxembourgeois : bonne année, et surtout pas de gel !

Vins luxembourgeois : bonne année, et surtout pas de gel !


Les vignes dans les environs de Bech-Kleinmacher (Schengen), au printemps. Une image que l'on aime ! (Photo d'archives : Editpress).

Les vignerons indépendants ont lancé mercredi la saison des pots de nouvel an. L’occasion de se souhaiter une bonne année mais aussi de soulever quelques dossiers chauds, comme celui de l’assurance contre le gel.

À l’heure de trinquer pour la nouvelle année, on regarde autant dans la longue-vue que dans le rétroviseur. Et il est facile d’imaginer le cœur des propos tenus au domaine Cep d’or (Hëttermillen) qui accueillait les festivités : la Moselle viticole entend bien vivre une meilleure année que la précédente, qui n’a pas fait de cadeau avec le double impact des gelées printanières du début du mois de mai et des brûlures causées par la canicule fin juillet.

«Depuis une trentaine d’années, il est évident que le climat change», avançait Ern Schumacher, le président de l’Organisation professionnelle des vignerons indépendants (OPVI), rappelant que les maturités des raisins sont systématiquement atteintes depuis plus de 35 ans. Ce qui était loin d’être le cas auparavant.

Mais ce réchauffement climatique a également des côtés pervers car, avec lui, le risque de voir se répéter les gelées tardives augmente. Puisque la chaleur arrive plus vite à la sortie de l’hiver, les ceps se réveillent plus tôt et la sortie des bourgeons n’a jamais été aussi précoce. Mais, au printemps, le mercure n’est pas stable et les chutes de températures sont fréquentes. En conséquence, lors de ces quatre dernières années, trois épisodes de gel tardif ont été recensés (lire par ailleurs). C’est beaucoup et, surtout, le rythme de ces coups durs semble se trouver sur une courbe ascendante.

4 millions d’euros versés en 2019

Heureusement, les vignerons luxembourgeois sont bien couverts par leur assurance. L’État et la profession ont négocié afin de permettre aux producteurs d’intégrer une structure allemande qui regroupe des domaines de plusieurs pays (Allemagne, Autriche, Italie…), ce qui permet de mieux supporter les risques. Généreux, l’État soutient les vignerons à hauteur de 65 % du montant de leur prime d’assurance, le maximum permis par l’Union européenne.

Si les questions abordées étaient importantes, l’ambiance était franchement cordiale entre les vignerons indépendants et le ministre Romain Schneider (Photo : Claude Lenert).

Si les questions abordées étaient importantes, l’ambiance était franchement cordiale entre les vignerons indépendants et le ministre Romain Schneider (Photo : Claude Lenert).

De ce fait, même les exploitations les plus touchées ne risquent pas de mettre la clé sous la porte même si, bien sûr, elles n’ont pas beaucoup de vins à vendre ce qui n’aide pas à fidéliser la clientèle et trouver de nouveaux marchés. «L’indemnisation de la part de l’État est très forte même si je suis bien conscient que les vignerons préfèrent vendre leurs vins plutôt que toucher des subventions», soutenait mercredi Romain Schneider. Le ministre rappelait ainsi que «les agriculteurs et les viticulteurs étaient en première ligne face au réchauffement climatique» et qu’«il était nécessaire de trouver de nouvelles pistes pour s’adapter à ces nouvelles situations».

Mais ce qui commence à inquiéter les vignerons, c’est la récurrence avec laquelle l’assureur doit mettre la main à la poche. Trois fois en quatre ans, c’est beaucoup. Rien que pour l’année 2019, le chiffre de 4 millions d’euros d’indemnités est avancé, rien que pour la Moselle viticole. Le ministre et les vignerons se sont déjà rencontrés pour évoquer la question car l’assureur commence à faire la moue.

La crainte de nouvelles règles

Les producteurs doivent-ils s’attendre à une hausse des cotisations? Romain Schneider temporise : «Ce sont des questions qui se posent sur l’observation de longues périodes et il faut espérer que 2020 ne ressemble pas à l’année passée», avance-t-il. Dans l’immédiat, il assure «ne pas avoir reçu d’indicateurs sur une hausse des primes d’assurances nettes».

Pas de hausse des cotisations, peut-être, mais il ne s’agit pas du seul levier pour l’assurance. Ce que craint Ern Schumacher, ce sont de nouvelles clauses limitant le montant des remboursements. «Il est question que l’assureur ne paye plus les premiers 20 % de pertes et n’aille jamais au-delà de 80 % même au cas où la parcelle est totalement perdue, explique-t-il. Ça, on ne peut pas l’accepter! Cela signifie qu’en cas de récolte nulle sur une vigne assurée, nous ne toucherions plus que 60 % du montant des dégâts. La différence serait énorme.»

Pour l’instant, tout est encore sur la table et aucune décision n’a été prise. Mais il est certain que les vignerons auront tout à gagner de profiter d’une belle récolte en 2020, une de celles qui laissent les déclarations de dégâts bien au fond du tiroir. Leur assurance leur dira bien merci !

Erwan Nonet

Les aléas climatiques sur la Moselle depuis dix ans

Les effets de la grêle sur la vigne peuvent être dévastateurs (Photo d'illustration : AFP).

Les effets de la grêle sur la vigne peuvent être dévastateurs (Photo d’illustration : AFP).

Les gelées printanières

2009 : pas de gel.
2010 : il a gelé le 21 avril, sans faire de dégât.
2011 : il a gelé le 13 avril, peu de dégâts, puis le 5 mai avec beaucoup plus de conséquences. Les pertes vont jusqu’à 70 % dans les zones sensibles d’Erpeldange, Niederdonven, Mertert et Bous
2012 : il a gelé les 17 avril et 17 mai, les dégâts sont importants dans quelques parcelles sensibles.
2013 : pas de gel.
2014 : il a gelé le 17 avril, peu de dégâts dans les vignobles de Stadtbredimus et Mertert.
2015 : il a gelé le 29 avril, très peu de dégâts.
2016 : il a gelé le 25 avril, les dégâts sont importants, jusqu’à 50 à 80 % de pertes sur 350 hectares.
2017 : il a gelé le 20 avril, les dégâts sont importants, notamment dans les zones sensibles de Mertert, Stadtbredimus et Remerschen.
2018 : il a gelé le 2 mai, légers dégâts à Lenningen.
2019 : il a gelé le 5 mai, les dégâts représentent entre 20 % à 100 % dans presque tout le vignoble luxembourgeois. La situation est comparable à celle causée par les gels des 21 et 24 avril 1991.

La grêle

2009 : la grêle est tombée le 9 mai, dégâts importants à Contz-les-Bains (en France, où plusieurs vignerons luxembourgeois possèdent des vignes), mais aussi le 9 juin (dégâts légers à moyen à Remich, Bech-Kleinmacher, Erpeldange, Wellenstein, Greiveldange, Ehnen et Wormeldange) et le 8 juillet (pertes légères à Wellenstein).
2010 : la grêle est tombée le 2 mai, très peu de dégâts à Remerschen.
2011 : pas de grêle.
2012 : la grêle est tombée le 27 juillet, dégâts moyens à Greiveldange, Ehnen et Wormeldange.
2013 : la grêle est tombée le 23 mai et le 8 juin à Wormeldange, sans faire de dégâts significatifs dans les vignes.
2014 : la grêle est tombée le 25 juillet à Mertert, légers dégâts.
2015 : pas de grêle.
2016 : la grêle est tombée le 4 juin, dégâts légers à Ahn, Machtum et Remich.
2017 : la grêle est tombée le 28 mai occasionnant des pertes importantes à Bech-Kleinmacher et Remich, le 29 mai, dégâts moyens à Ahn, Dreiborn, Niederdonven et Machtum, mais aussi le 31 juillet, légers dégâts à Gostingen et Niederdonven.
2018 : la grêle est tombée le 29 avril, dégâts légers à Mertert.
2019 : pas de grêle significative.

Source : Institut viti-vinicole