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Luxembourg : le procès… de l’homme aux 15 briquets


Les quinze briquets ? «Je les avais simplement pour les avoir... Quelquefois des gens au travail m'en donnaient...» (Illustration : DR).

Vendredi, le parquet a requis 5 ans de prison contre le quinquagénaire poursuivi pour avoir mis le feu à une moto et une voiture la nuit à Esch, en 2018. L’expert psychiatre parle d’un pyromane.

En l’espace de 24 heures, deux véhicules étaient partis en fumée à Esch-sur-Alzette au printemps 2018. Le 31 mars, vers 1 h 30, les flammes avaient jailli sur plusieurs mètres de hauteur. La résidence jouxtant la moto en feu rue de Belvaux avait dû être évacuée. Dix personnes étaient à l’intérieur. Le 1er avril, toujours la nuit, c’est une Seat Ibiza qui était en proie aux flammes, place Benelux.

Grâce à la caméra de vidéosurveillance de la pharmacie, la police avait vite pu identifier un suspect. Elle avait relié l’individu à la moustache tenant un morceau de tissu dans sa main gauche à José P., 56 ans aujourd’hui, déjà connu des autorités. En 2016, il avait été condamné pour avoir mis le feu deux ans plus tôt à un camion dans la Grand-Rue à Esch (lire également ci-contre).

Interpellé à son domicile à Esch le 5 avril 2018, le quinquagénaire avait d’abord nié les faits. Confronté aux images, il avait fini par reconnaître le deuxième fait. «La voiture, c’était moi», a-t-il répété vendredi face aux juges. Mais ce n’est pas pour autant qu’il y aurait mis volontairement le feu. D’après ses explications, c’était un accident : lors de sa promenade, il aurait pris un torchon pour essuyer des gouttes de sang sortant de son nez. Sans arrière-pensée, il aurait ensuite emballé son mégot dans ce torchon avant de le jeter… La suite, on la connaît.

Problème : si l’on suit la vidéosurveillance, tout cela a eu lieu en 19 secondes. «Cela peut toutefois suffire pour aller jusqu’à la voiture, allumer le tissu avec l’un des 15 briquets, puis le jeter», observe la présidente de la 13e chambre criminelle. Lors de son arrestation, le quinquagénaire avait en effet 15 briquets dans son sac à dos. Pourquoi? «Je les avais simplement pour les avoir… Quelquefois des gens au travail m’en donnaient…»

«Une morue, mais pas de traces d’hydrocarbure»

Ce n’est pas le seul élément qui attise les soupçons sur le prévenu en détention préventive depuis 21 mois. Le morceau de tissu saisi près de la voiture carbonisée comportait des traces d’essence (hydrocarbure), conclut l’expert. La voiture roulant au diesel, elles ne pouvaient provenir de son réservoir. Sous le feu des questions du tribunal, le prévenu campera sur sa position : «Il n’y avait pas d’essence sur le tissu.»

«Lors de la perquisition à son domicile, aucun bidon n’a été retrouvé. À la différence de la première affaire, a renchéri Me Frédéric Veneau. Même au frigidaire où marinait une morue, aucune trace d’hydrocarbure.» Peut-être était-ce un tissu imbibé d’huile qu’il utilisait pour nettoyer des coffrages sur le chantier?

Pour l’incendie de la moto, l’avocat demandera tout simplement l’acquittement : «Il faut des preuves plus solides (aveux, témoins, images, traces ADN…) pour confondre mon client. Il ne suffit pas qu’il ait reconnu le fait du 1er avril et que l’incendie de la moto ait eu lieu à 40 m de son domicile.» Quant aux briquets, il dira : «Il y a des personnes qui ont des stylos, d’autres des rouges à lèvres… Mon client avait 15 briquets. Ce n’est pas pour autant qu’il est un pyromane.»

Vu son antécédent, un expert psychiatre a qualifié le prévenu de pyromane. «Les pyromanes aiment voir jaillir les flammes», a-t-il soulevé, notant la proximité géographique de son domicile. Selon le spécialiste, le pronostic est défavorable. Il relève aussi un risque de récidive. «Les faits de 2014 sont accrochés sur le dos de mon mandant comme une pieuvre», regrette  Me Veneau.

Pour le parquet, si les 15 briquets ne démontrent pas que José P. a mis le feu, ils soulèvent bien des questions. Il estime que le prévenu est bien l’auteur des deux incendies. «Ce n’est pas un hasard s’il a été filmé le 31 mars quatre minutes avant qu’on appelle la police.» Vu le crachin, l’incendie à la suite d’une défectuosité mécanique paraît invraisemblable : «Il a fallu plus pour mettre le feu», analyse le parquetier. L’incendie avait endommagé une partie de la gouttière. Que la façade de l’immeuble n’a pas brûlé ne serait cependant pas le mérite de José P.

Un sursis n’est plus possible

N’empêche, il échappe aux lourdes peines encourues (jusqu’à la réclusion à vie) si le parquet avait pu prouver que c’était son intention de mettre le feu à l’immeuble. Pour la «destruction volontaire» des deux véhicules, il a requis au final cinq ans de prison. Cette peine tient compte de l’atténuation de responsabilité (article 71.1 du code pénal) retenue par l’expert. La défense avait proposé un suivi psychiatrique pour que le quinquagénaire ne constitue plus un danger. Vu son antécédent, plus aucun sursis n’est possible, estime toutefois le parquet. Les propriétaires de la moto et de la voiture se sont constitués parties civiles. Ils réclament 5 500 euros de dommages et intérêts au total.

Prononcé le 4 février.

Fabienne Armborst

Déjà condamné pour avoir mis le feu à un camion en 2014…

Ce n’est pas la première fois que José P. (56 ans) se retrouve devant la justice. En octobre 2016, il a été condamné par la Cour d’appel pour avoir mis le feu, le 14 mai 2014, vers 23 h 20, à un camion garé Grand-Rue à Esch-sur-Alzette. À l’époque, deux habitants du quartier avaient affirmé avoir reconnu le quinquagénaire en train de rôder autour du camion. Grâce à l’intervention rapide d’un témoin avec un extincteur, les flammes qui s’échappaient du réservoir avaient pu être éteintes. En première instance, le quinquagénaire avait pris trois ans de prison, dont deux avec sursis. La Cour d’appel a allégé sa peine en la ramenant à 30 mois avec sursis intégral. Jusqu’au bout le quinquagénaire avait contesté le fait dont le modus operandi était un peu le même que pour ceux qu’on lui reproche aujourd’hui. À l’époque, l’expertise d’un chimiste avait établi que le drap déchiré saisi à son domicile correspondait aux lambeaux retrouvés sur le bouchon du réservoir du camion. À son domicile, on avait aussi retrouvé un jerricane…

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