En 2023, l’université du Luxembourg va fêter son 20e anniversaire. Le Pr Dr Catherine Léglu, la vice-rectrice académique, évoque les perspectives de l’Uni.lu. La relance post-Covid est entamée.
Depuis lundi, les étudiants peuplent à nouveau en plus grand nombre le campus Belval. Il en va de même au Limpertsberg et au Kirchberg. L’université du Luxembourg va continuer à miser sur ces trois sites pour accentuer son développement. Côté pratique, le Covid Check n’est pas une option pour le Pr Dr Catherine Léglu. Dans l’entretien accordé au Quotidien, la vice-rectrice académique évoque aussi les nouvelles formations proposées à l’Uni.lu.
Mardi, le recteur Stéphane Pallage a annoncé qu’il ne briguera pas de deuxième mandat à la tête de l’université du Luxembourg. Est-ce que cette décision vous a surprise ? Et dans quelle mesure le retrait annoncé pourrait-il influencer le travail au sein du rectorat ?
En principe, ça ne changera rien. Au niveau du rectorat, nous avons tous un mandat de cinq ans. C’est parfaitement normal de se positionner après la troisième année. On s’attendait donc à ce qu’une décision tombe. C’est la sienne et on la respecte. Le seul changement qui nous attend est que l’on sait que dans 15 mois, on aura un nouveau recteur, peut-être une nouvelle rectrice, ce qui serait quelque chose de nouveau pour l’université.
Est-ce que le successeur du recteur Pallage pourrait être un des deux vice-recteurs ? Ou autrement demandé : est-ce que ce poste pourrait vous intéresser ?
Non, honnêtement, ce genre de discussion sera mené dans un cadre beaucoup plus large. L’université a toujours recruté des recteurs venus de l’extérieur. Rolf Tarrach s’est retrouvé dans la situation particulière de devoir prendre en 2005 la relève du premier recteur, François Tavenas, décédé inopinément. Ont suivi avec Rainer Klump et Stéphane Pallage deux autres recteurs recrutés à l’étranger.
La rentrée universitaire a été lancée lundi dernier. Comment se sont passées les retrouvailles avec les étudiants après les longs mois de cours à distance, dus à la pandémie de coronavirus ?
Il est trop tôt pour dresser un véritable bilan, mais jusqu’à présent, cela s’est passé relativement bien. Nous restons encore en mode hybride. On essaie toutefois de planifier le plus possible la progression par phases vers les 100% de cours en présentiel, même si je pense que l’on va quand même garder toujours un peu de distanciel. Les grands cours magistraux devraient ainsi continuer à être organisés à distance. Bon nombre d’universités sont en train de prendre des décisions à long terme par rapport à ce qui a été mis en place dans le cadre du Covid. Nous aussi, on va voir ce que l’on va garder comme méthodologies et ce qui sera remis dans le cadre pré-Covid.
L’effet Covid va plutôt se faire ressentir au fil des années à venir
Le régime Covid Check pourrait-il être une option pour permettre ce retour à un plus grand nombre de cours en présentiel ?
On fait très attention aux décisions qui sont prises par le gouvernement. Nous avons ainsi pris note de la discussion qui est entamée au sujet de l’introduction du Covid Check dans les entreprises. Ici à l’université, c’est quand même un peu différent. Au-delà de dix personnes, tout le monde porte le masque. Dans la plupart des cas, nos cours comptent un nombre supérieur d’étudiants. On ne veut pas faire de Covid Check, car il interdit notamment l’accès aux étudiants dont le vaccin n’est pas reconnu par l’UE. Et puis, il y a bien entendu des étudiants qui ont décidé de ne pas se faire vacciner. Pour une question d’égalité et d’accessibilité, il faut garder une ouverture aux cours. Si nous avons des étudiants non-vaccinés, mieux vaut donc porter le masque et ne pas de faire de Covid Check. Mais l’événementiel organisé sur le campus pourra se faire sous le régime Covid Check.
Les restrictions sanitaires ont fait que bon nombre de nouveaux étudiants n’ont encore jamais mis un pied à l’intérieur de l’université, que ce soit ici au Luxembourg ou dans d’autres villes européennes. Cette obligation de rester à distance a pu avoir un impact négatif sur le bien-être des jeunes concernés. Quelles ont été vos expériences dans ce domaine ?
La santé mentale des étudiants a en effet été très touchée par cette pandémie. En étant jeune, on veut se défouler, se faire des amis. Ce n’est donc pas normal de rester à distance. En ce qui concerne notre université, le campus de Belval n’a jamais été fermé. Le Learning Center est resté accessible tout comme les restaurants universitaires. Nous avons aussi mis des salles de cours à la disposition de ceux qui ont souhaité suivre le cours à distance, mais travailler ensemble.
Quel a été l’impact du Covid sur les nouvelles inscriptions ?
On voit une légère augmentation des étudiants luxembourgeois et une légère diminution des étudiants issus de pays tiers. Le changement n’est pas très dramatique pour autant. Il est encore un petit peu tôt pour en dire beaucoup plus, car nos listes d’inscriptions ne sont pas encore clôturées à 100%. L’effet Covid va plutôt se faire ressentir au fil des années à venir.
Une des critiques qui ont concerné avant la pandémie le campus universitaire a été le manque de véritable vie estudiantine. Le Covid constitue-t-il un coup supplémentaire aux efforts pour insuffler plus de vie à Belval ?
Avec le retour au présentiel, nous avons aussi cherché à améliorer la vie étudiante. Nous savons que le Fonds Belval parle d’un centre de sports qui, d’ici quelques années, sera mis à la disposition des étudiants. En attendant, la Maison des arts et des étudiants est vraiment un endroit dédié aux étudiants. Les efforts fournis ont eu pour objectif de faire revivre cette maison. Les étudiants auront notamment une gestion plus directe de cet espace. La Student Lounge a également rouvert et on cherche à la rendre plus conviviale. Les associations estudiantines n’ont également jamais arrêté leur travail. Certaines ont soufferts, mais les réseaux de soutien ont été maintenus, dont celui de l’association qui se charge de l’encadrement des étudiants Erasmus.
Par le passé, la relation entre rectorat et étudiants a été jugée défaillante. Est-ce que les relations se sont aujourd’hui améliorées ?
La délégation des étudiants en place lors de l’année académique écoulée a été superbe. Ce n’est pas pour critiquer la précédente, qui fut très jeune, mais les délégués sortants ont accompli un super travail. Ils ont été très enthousiastes pour vraiment avoir un dialogue plus rapproché avec les dirigeants de l’université.
Un Centre hospitalier universitaire n’entre pas dans notre stratégie
Comment l’université se positionne-t-elle par rapport à la particularité dont dispose toujours le Luxembourg qui voit une majorité d’étudiants partir se former à l’étranger ?
Pour les Luxembourgeois qui partent étudier à l’étranger, nous entretenons un bon contact avec l’ACEL et l’UNEL. Notre délégation des étudiants a beaucoup travaillé pour resserrer les liens avec ces deux associations estudiantines. Il est vraiment positif qu’il y ait à ce niveau un vrai dialogue et un partage d’expériences et de connaissances.
Depuis la création de l’université, la question du logement constitue un des défis majeurs. Quelle est la situation en cette année 2021 ?
Nous sommes en mesure de proposer un logement à environ un sixième de nos étudiants. Cela inclut les doctorants et les chercheurs postdoctoraux. Un système de priorisation est en place. Les étudiants qui arrivent en Erasmus bénéficient donc d’une priorité. Les étudiants issus de pays tiers sont par la loi obligés d’habiter au Luxembourg. Mais nous accordons aussi une priorisation pour les étudiants luxembourgeois qui habitent dans le nord du pays et qui doivent pouvoir se rapprocher du campus.
L’Uni.lu continue à figuré parmi les meilleures jeunes universités. Un autre classement vient de la placer dans le top 250 des meilleures universités du monde. Ces rankings internationaux ont quelle influence sur l’attractivité du Luxembourg comme pôle universitaire ?
Notre orientation internationale est parmi les éléments les plus importants. C’est un atout aussi bien pour le pays que pour l’université en elle-même. Nous travaillons pour développer davantage cette stratégie. Elle se retrouve vraiment partout : au niveau du recrutement des étudiants, des alumni qui partent partout dans le monde et aussi à l’échelle de nos projets de recherche. Nous restons en effet une université de recherche dont la réputation sur le plan international est grandissante dans certains domaines.
Dans cet ordre d’idées, l’offre de bachelors et de masters s’est diversifiée davantage ces dernières années. Le bachelor en médecine constitue une de ces toutes nouvelles formations. Un an après son lancement, quel bilan intermédiaire peut être tiré ?
Ce qui est important, c’est de travailler de très près avec les hôpitaux. Cela fait partie du projet et de nos ambitions. Et cette collaboration est très utile, car en fin de compte, l’objectif est de former les nouveaux médecins et le nouveau personnel soignant. On peut citer les soins infirmiers qui doivent venir s’ajouter à l’offre de formation. Les travaux préparatifs sont en cours. En revanche, nous n’avons pas encore de date de lancement. Il reste à définir si cette formation pourra être proposée dès 2022 ou s’il faudra attendre 2023.
Le retard pris par le projet Südspidol, censé sortir de terre dans le voisinage direct du campus Belval, pourrait-il avoir un impact négatif sur la formation de nouveaux médecins ?
Cela ne nous fait ni chaud ni froid. On n’en parle pas, car nos médecins sont actuellement formés à Belval et au campus Limpertsberg. La coopération avec les hôpitaux existants fonctionne très bien.
Qu’en est-il de la création d’un centre hospitalier universitaire, réclamé par l’Association des étudiants en médecine ?
Un Centre hospitalier universitaire n’entre pour l’instant pas dans notre stratégie. On suit par contre attentivement ce qui se passe sur le terrain.
Les professions de santé ne sont pas le seul domaine dans lequel le gouvernement a appelé l’université à former davantage de jeunes. C’est aussi le cas dans l’enseignement, où il est toutefois reproché que le nombre de diplômés est trop faible. Des améliorations sont-elles à noter ?
Nous sommes en négociation avec le ministère de l’Éducation nationale. Des pourparlers ont encore eu lieu mercredi. Nous sommes assez optimistes de pouvoir développer une offre qui s’harmonise avec leurs attentes. L’enthousiasme pour cette formation et cette profession reste présent.
Quelles sont les perspectives du campus Limpertsberg et de celui du Kirchberg ? À terme, un regroupement à Belval est-il envisagé ?
L’ancien bâtiment historique a été complètement vidé en 2020. Le bâtiment des Sciences, en revanche, continue à tourner et il n’existe pas de perspective pour le fermer. Au Kirchberg, un grand projet est en cours pour revoir ce campus et le reconstruire en partie.
L’université se rapproche tout doucement de ses 20 ans d’existence. Quelles sont les perspectives qui sont fixées à moyen terme ou long terme ?
Nous envisageons de ne pas nous agrandir davantage. Le principe du « small is beautiful » va continuer à être respecté. Nous ne cherchons pas à grandir à tout prix. L’ambition est de continuer à rester une université de recherche importante et de continuer à servir la population avec dynamisme. Et puis, nous souhaitons aussi contribuer à l’évaluation de la pandémie.
Entretien avec David Marques
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