L’avenue de la Gare affiche un nouveau visage, sans places de stationnement pour les voitures. La place de la Constitution ne leur fera pas un meilleur sort. La Ville de Luxembourg précise sa stratégie en la matière.
Certaines villes européennes, comme Bruxelles, ont décidé de réduire le nombre de stationnements sur la voie publique, le long des trottoirs. Le but, chez nos voisins belges, est de réduire l’emprise du stationnement sur l’espace public tout en favorisant le stationnement hors voirie, c’est-à-dire les parkings de grande taille. Le gouvernement bruxellois s’est même lancé l’objectif de supprimer 65 000 places d’ici 2030.
Sans avoir annoncé une telle stratégie, la Ville de Luxembourg a dans une tout autre mesure déjà «supprimé » des places de stationnement en voirie, comme lors de la réorganisation de l’avenue de la Gare, afin de laisser la place à une bande de bus et une piste cyclable bidirectionnelle. Faut-il y voir une stratégie de la Ville visant à réduire le nombre de places de stationnement en surface? Réponse avec Paul Hoffmann, directeur mobilité de la capitale : «Nous avons bien une stratégie sur la question. Mais nous ne sommes pas du tout dans la même optique qu’à Bruxelles. Nous n’allons pas nous fixer un objectif chiffré sur une date déterminée. Disons que nous allons agir davantage au fil du temps et profiter de certains chantiers pour redéfinir les espaces publics dédiés à la mobilité, comme ce fut le cas sur l’avenue de la Gare, qui va d’ailleurs se prolonger dès novembre sur la seconde partie de l’avenue.»
À terme, toute l’avenue de la Gare sera donc uniquement accessible aux bus, aux livraisons, aux riverains et aux vélos – pour le moment, seule la première partie de l’avenue est dans cette disposition –, qui chasseront les places de stationnement. «On parle ici de la suppression de 40 à 50 places de stationnement. On redéfinit la mobilité mais également la qualité de l’espace public, pour les piétons, les cyclistes et tous ceux qui circulent », assure le directeur mobilité de la capitale. Cette approche similaire va se répéter sur d’autres axes et lieux de Luxembourg, comme l’avenue de la Liberté, sur le trajet du tram mais également au niveau de la place de la Constitution. «Avec le tram, il va y avoir une réduction de l’espace dédié à la circulation individuelle et la création d’une piste cyclable bidirectionnelle. Et donc là aussi, à terme, il n’y aura plus d’espaces de stationnement sur tout le long de l’avenue de la Liberté», précise Paul Hoffmann.
Toujours une place en parking couvert
Si cette stratégie se combine bien avec la multiplication des offres (à venir) de déplacement comme le tram, le vélo ou la gratuité annoncée des transports en commun, elle pourrait quand même rendre plus complexe la recherche d’une place de parking dans les rues de la capitale. «Là encore, c’est un ensemble. Je prends l’exemple de la gare où, d’un côté, il y a la stratégie d’enlever des espaces de stationnement et de redéfinir l’espace public et, de l’autre, il y a la rénovation du parking Neipperg > qui pourra offrir environ 680 places. Il y a également le Knuedler qui sera rénové et encore la création récente du parking Royal-Hamilius. Donc il y aura des parkings couverts qui pourront répondre à la demande de stationnement. Mais plus dans la logique de la voie publique, mais plutôt, si cela est nécessaire, un stationnement courte et moyenne durée dans les parkings couverts qui continueront à être rénovés au fur et à mesure afin d’en améliorer la qualité», souligne encore Paul Hoffmann.
La stratégie de la Ville de Luxembourg en matière de stationnement s’articule également autour de l’évolution des infrastructures aux portes de la capitale avec les P+R et les parkings sur les futurs pôles d’échange, notamment près du futur stade mais également au Kirchberg. Le directeur de la mobilité de la capitale souligne qu’actuellement les parkings couverts de la Ville n’affichent jamais complet. «On peut très facilement le voir sur internet et les applications. Pour le quartier de la Gare, il y a toujours des disponibilités, même en heure de pointe, dans des parkings couverts, que ce soit à la Rocade, au parking des CFL ou le Fort-Wedell. Même chose pour la Ville- Haute où, pour le moment, le parking Hamilius reste faiblement fréquenté», affirme Paul Hoffmann.
Une place pour quatre habitants
En ce qui concerne le faible taux de fréquentation du parking Royal- Hamilius, le directeur de la mobilité de la Ville de Luxembourg précise qu’il faudra «de deux à trois ans pour changer les habitudes. Nous l’avons vu lors de l’ouverture du parking Monterrey, il faut du temps pour que les gens changent d’habitudes. Il y a des parkings, comme le Knuedler, qui affichent complet dès 10 h du matin. Mais il y a Monterrey et Royal-Hamilius ou encore le Glacis ou le parking Schuman. Il n’y a donc pas de réel problème de stationnement actuellement à Luxembourg dans la mesure où il y a toujours des alternatives».
Actuellement, la Ville de Luxembourg compte environ 30 000 places de stationnement sur la voirie et entre 11 000 et 12 000 places dans les parkings couverts dynamiques (c’est-à-dire les infrastructures connectées où il est possible de voir en temps réel, via internet, les places disponibles). Pour ajouter de la complexité au sujet, il faut savoir que la capitale compte 120 000 habitants, dont 50 000 sont actifs. Et elle compte 180 000 postes de travail. Autrement dit, Luxembourg compte une place sur la voirie pour quatre habitants (Bruxelles affiche une place pour cinq habitants). «Nous savons qu’avec le développement de la Ville, la demande en mobilité ne va faire que croître. Pour aller travailler, pour les loisirs, pour aller manger à midi, etc. Il faut donc optimiser, planifier, améliorer les différentes alternatives à la voiture pour que celle-ci soit finalement le choix le moins attirant», explique Paul Hoffmann, «mais cela passe par une meilleure organisation des espaces ».
Pas de stratégie agressive
Pour autant, il ne faut pas y voir une intention agressive de la Ville envers les automobilistes, comme cela peut être le cas dans certaines cités en Europe où des sociétés privées s’occupent de verbaliser à la vitesse de l’éclair les voitures en défaut de ticket, pour justement décourager complètement l’usage de la voiture en ville, et faire entrer de l’argent dans les caisses. «Ce n’est pas notre intention et cela ne le sera jamais. Évidemment, nous allons lutter contre les abus ou les stationnements sur les places dédiées aux personnes handicapées, mais l’usage d’entreprises privées pour le faire n’est pas dans notre réflexion», explique Paul Hoffmann, avant de nuancer : «Mais il est évident que nous allons tenter de rendre moins attrayant, si je peux dire, le choix de la voiture afin de rediriger les gens vers de la mobilité douce. Cela passera par une stratégie au niveau de la gestion et de la tarification du stationnement en voirie. Nous sommes en train de réfléchir dans cette direction, mais encore une fois, l’objectif est en premier lieu de mettre en place les alternatives à la voiture, le tout dans une gestion globale de la Ville.»
Jérémy Zabatta