Ce lundi, jusqu’à 19h, c’est le dernier jour de l’Antiques & Art Fair à Luxexpo, traditionnel rendez-vous des antiquaires de la région… qui regorge de trésors.
Les uns viennent pour l’histoire qui se cache derrière chaque objet et parce qu’un vieux meuble, un candélabre, un fauteuil ou un tableau titille toujours notre imagination. Qui a bien pu en être le propriétaire ? À quel moment de l’histoire a-t-il été fabriqué et qu’a-t-il pu vivre depuis ? Dans quelle région, dans quelle maison ? Autant d’émotions dont regorgent les objets qui nous parviennent, parfois de la profondeur des temps.
Mais les antiquités ont également quelque chose de rassurant. À part elles, tout passe : les évènements et les hommes qui les initient. L’objet, lui, est toujours là et nous apprend beaucoup sur le sens de la vie, la responsabilité entre générations. Il y a également les mélancoliques qui aiment s’entourer d’objets anciens pour digérer un deuil ou alors pour fuir une époque – la nôtre – qui semble trop instable pour s’y sentir chez soi. Au moins le passé, lui, est fixe. Il est donc un refuge idéal. Il y a enfin, l’investisseur bourgeois soucieux d’asseoir son aisance sur un fondement stable d’objets de valeur ou alors l’anonyme qui achète par intermédiaire des objets généralement très chers et dont on ignore s’il le fait par amour ou par froid intérêt…
Objets de curiosité à part
Pour qui se promène dans les couloirs feutrés du salon des Antiquaires à Kirchberg, s’offre également le spectacle des antiquaires eux-mêmes, gent toute aussi diverse et hors du commun que les objets qu’ils mettent en vente. Il y a le collectionneur passionné, un brin arrogant qui lorgne au-dessus de ses lunettes, quand le client un peu vulgaire s’approche des pendules de cheminée Napoléon III. Enfin, il y a ceux que l’extravagance de la collection d’objets qu’ils exposent a transformé en objets de curiosité à part entière, tellement ils entrent dans le décor par leur manière de s’habiller et de se comporter.
Mais qu’en est-il de la clientèle ? «Il y a eu un passage de générations. Les générations précédentes meublaient leur intérieur sur le même style. La nouvelle génération fait le choix des pièces, que ce soit une pièce d’argenterie ou un tableau, qu’ils mélangent avec un objet contemporain», explique un consultant de Luxexpo, organisateur d’Antiques & Art Fair. «Dans un salon spécialisé comme ici, il n’y a que des gens qui s’intéressent aux antiquités avec un pourcentage important d’acheteurs», poursuit-t-il.
Mais comment survivre en tant qu’antiquaire à l’époque d’IKEA et de l’inondation du marché par un meuble bon marché qui pourra être remplacé à chaque instant ? «Il y a moins d’antiquaires spécialisés dans le mobilier. Le mobilier se vend toujours, mais il faut un intérieur qui puisse convenir et les appartements sont plus exigus que dans le temps. Mais le mobilier reste une valeur sûre», estime le consultant. En règle générale : «Il y a moins de jeunes antiquaires, parce qu’on est dans une situation économique beaucoup plus difficile aujourd’hui et ceux qui arrivent à l’âge de la retraite ne sont pas nécessairement remplacés. Donc il faut qu’ils bougent, il faut qu’il sortent de chez eux.»
Ce qui saute aux yeux c’est justement la présence, au milieu des stands d’antiquités, de vendeurs d’art contemporain : «Depuis une dizaine d’années, tous les salons mélangent l’antiquité et le contemporain. C’est une façon de faire connaître aux jeunes l’art ancien et vice versa.»
Frédéric Braun
Un métier de riches ?
Cela va faire 35 ans que Michel vient exposer «sur la foire». Bientôt, il prendra sa retraite, car il est l’un des plus vieux exposants et a depuis quelque temps des soucis de santé. Entouré d’ébénistes, de doreurs à la feuille et de tapissiers pour les sièges, il s’occupait jusqu’à il y a peu des cires, des patines, des étagères et des serrures afin que le mobilier soit en parfait état le jour de la livraison.
Au départ technicien en biologie, Michel est devenu antiquaire par passion. Il a pensé à en faire son métier le jour où il a déménagé pour la troisième fois parce que sa maison était devenue trop petite. Il a ensuite eu, avec son épouse, l’occasion d’acheter une belle surface de vente et, au bout d’un an, a arrêté son métier de biologiste pour se consacrer entièrement aux antiquités.
Très content qu’il ne l’ait pas fait
Spécialisé dans les beaux meubles français et luxembourgeois du XVIIIe siècle, Michel vend également des meubles anglais, mais «avec parcimonie». En effet : «Il faut savoir, en ce qui concerne les meubles anglais, que plus de la moitié de ceux qui sont en vente dans le commerce sont carrément neufs. Il faut donc être sûr de ce qu’on achète. Si on vous vend une pièce neuve en la faisant passer pour de l’ancien, c’est de l’arnaque.» Mais depuis quelques années, Michel n’arrive plus guère à vendre : «C’est une question de philosophie et de mentalité. Les jeunes n’ont plus envie de s’amuser à astiquer des meubles. Il y a la crise économique et aussi le fait qu’aujourd’hui les gens divorcent plus souvent. Les jeunes ne sont plus sûrs d’être encore ensemble dans trois ans et veulent éviter d’avoir à faire des partages un peu scabreux.»
Quelle différence alors entre les meubles anciens et ce qui se vend aujourd’hui, parfois en masse ? «Si on regarde comment est monté un meuble IKEA, c’est en fait beaucoup plus cher qu’un beau meuble ancien parce que ce n’est que de la cochonnerie. Cela ne se démonte pratiquement pas, alors qu’une armoire du XVIIIe, dans 200 ans, elle sera toujours là», explique Michel pour qui le métier d’antiquaire est ouvert à tout le monde. «Je ne connais personne qui soit allé dans une école pour devenir antiquaire. Pour être simple revendeur, l’expérience se fait sur le terrain. Il y a des médecins, des pharmaciens et des gens qui ont travaillé dans un bureau et qui en ont eu marre…»
Et pour subsister en tant qu’antiquaire aujourd’hui, il faut faire quoi exactement ? «Si vous décidez de faire le métier d’antiquaire et que vous n’avez pas de gros capital au départ, je pense honnêtement que cela sera impossible pour vous de vous en sortir. Au départ, j’étais déçu que mon fils ne suive pas mes pas dans ce genre de métier et maintenant je suis très content qu’il ne l’ait pas fait. Un stand dans un endroit comme celui-ci, cela coûte 3 000 euros pour le week-end.»