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Réfugiée d’Irak au Luxembourg : toute une vie de violence à seulement 30 ans


Petit à petit, Nour, rayonnante et heureuse, s'émancipe de sa vie passée. «Je fais une croix sur ma vie d'avant. Je veux vivre. J'apprécie chaque instant aujourd'hui». Cette quête a été longue, terrible. (photo Sarah Melis)

Nour, 30 ans, est irakienne. Arrivée en 2016 au Luxembourg, elle n’a pas uniquement fui la violence de la guerre. Car la violence, toute sa vie, a été son lot quotidien. Elle raconte.

C’est un petit bout de femme, belle et souriante, qui sort de l’ombre et entre dans la lumière. Nour* (lumière, en arabe) ne veut plus jamais vivre dans la violence. Et la violence, elle la connaît, elle est née avec. Son père battait déjà sa maman lorsqu’elle était enfant. Son enfance à elle n’a pas duré longtemps. Nour a été mariée de force alors qu’elle n’avait que 13 ans dans son pays d’origine, l’Irak.

C’est «à une connaissance d’une voisine», un jeune homme de huit ans son aîné et qui l’a maltraitée dès le premier jour, qu’elle a été mariée. Un homme qui, nuit et jour, «quand l’envie lui prenait», lui portait des coups, partout sur le corps, sur le visage, lui faisant subir des sévices psychologiques, physiques et sexuels approuvés par sa belle-mère, qui vivait avec eux.

Brisée, mais digne

Interdite d’école et donc analphabète, Nour n’avait pas le droit de sortir, de s’exprimer, et encore moins de prendre une contraception. «Il m’a interdit d’assister aux obsèques de mon oncle», dit-elle. Elle a dû apprendre à se débrouiller pour nourrir ses cinq enfants, car son mari travaillait, mais ne lui donnait pas d’argent. Elle cuisinait donc, puis vendait ses plats pour gagner un salaire, clandestinement. C’était ça, sa vie. Pour elle, c’était «normal», pour lui et sa mère «la moindre des choses» : avoir une femme (et une belle-fille) qui supportait tout mais qui, surtout, ne disait rien, même lorsqu’il s’agissait de lui faire subir l’impensable. «Lui et sa mère m’obligeaient à avoir des rapports sexuels avec lui alors que je venais d’accoucher à domicile. Les souffrances étaient terribles», raconte-t-elle, difficilement, mais toujours dignement.

En 2016, la vie en Irak devient insupportable à cause de la guerre, des agressions et des viols de plus en plus fréquents. Le mari de Nour emprunte de l’argent pour partir en Europe, laissant mère, femme et enfants derrière lui. Quatre mois plus tard, c’est par téléphone qu’il lui demande de faire le nécessaire pour le rejoindre. Elle paiera toutes ses dettes et le voyage. Les deux femmes et les cinq enfants commencent un périple qui durera 20 jours : à pied, en barque, ils traverseront ensemble «environ neuf pays» pour rejoindre le Luxembourg, où le mari de Nour avait trouvé refuge.

Un long et tortueux chemin

«C’était difficile, raconte-t-elle. En Turquie, notre barque a coulé. Nous aurions pu mourir, mais nous avons été sauvés. Après cela, nous avons passé une semaine en prison, avec les enfants. C’était rude.» En octobre 2016, après un passage en Allemagne (et un retour à la case «prison»), deux semaines au Foyer Don Bosco, à Luxexpo, puis un bref passage au foyer de Strassen, c’est au foyer de Dudelange que Nour et sa famille rejoignent le mari, qu’elle a retrouvé tel qu’il avait toujours été. «Il a continué à me battre, poursuit-elle, et ce sont des gens de la sécurité au foyer qui m’ont expliqué que je ne pouvais pas continuer à vivre comme cela. Il n’avait aucun mal à me défigurer aux yeux de tous. Un jour, ça a été le coup de trop, je lui ai dit que je voulais divorcer.»

S’en sont suivies des menaces du mari, de la belle-mère, de la famille de Nour et même des communautés syrienne et irakienne du foyer, qui n’ont pas compris son choix. «J’étais une femme facile pour eux, une mère indigne, qui abandonnait sa famille.» Une procédure d’éloignement a ensuite été enclenchée et le mari et sa mère ont été déplacés dans un autre foyer. Par la suite, Nour et ses quatre autres enfants ont été transférés au Foyer pour femmes en détresse Paula Bové. Ils y ont vécu pendant un an, avant qu’un logement social leur soit proposé au Findel.

Du bonheur, enfin

Petit à petit, Nour, rayonnante et heureuse, s’émancipe de sa vie passée. «Je fais une croix sur ma vie d’avant. Je veux vivre. J’apprécie chaque instant aujourd’hui et ne cesse de remercier Dieu pour la force qu’il m’a donnée. Et puis je ne le dirais jamais assez : les personnes que j’ai croisées sur mon chemin, et notamment au foyer pour femmes en détresse, m’ont entourée de bienveillance. Ici, au Luxembourg, on m’a fait entrevoir que je pouvais être une femme libre, épanouie. Aujourd’hui, j’apprends petit à petit à parler français. Dès septembre, je vais apprendre le luxembourgeois. Je ne veux pas lâcher la chance que le Luxembourg me donne, je la saisis à pleines mains. Et puis, je veux être un exemple de courage pour mes enfants.»

Outre l’apprentissage des langues, Nour a aujourd’hui un autre projet : passer son permis de conduire.

Sarah Melis

* (Son prénom a été changé, c’est elle qui l’a choisi symboliquement)

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