Lilia Andrade est une mamie dynamique passionnée de tricot. Elle a rejoint en 2017 l’ASBL Mamie et Moi et participe au projet Collectif au Carré, qui reproduira une œuvre d’art au tricot.
C’est avec un grand sourire que Lilia Andrade nous reçoit chez elle. Le temps de se passer un peu de rouge sur les lèvres pour la photo et la pimpante mamie de 61 ans se met à tricoter «à la portugaise» – le fil autour du cou – avec une dextérité qui laisse pantois. Elle a beau répéter qu’elle n’est pas experte, ses doigts manient les aiguilles avec agilité et rapidité tandis qu’elle nous parle dans un français impeccable sans même poser les yeux sur le bonnet qu’elle est en train de faire. Sur la petite table du salon, une bonne vingtaine de petits carrés de laine de différentes couleurs sont déposés dans un panier. Lilia en a déjà tricoté pratiquement 300 de ce type pour le projet Collectif au Carré mené par Mamie et Moi, l’ASBL qui tisse du lien entre les générations par le biais du tricot (lire notre édition du 23/03/2020).
Dans le cadre de cette initiative, tout un chacun est invité à tricoter ou crocheter des carrés de laine de 5 cm de côté qui, une fois assemblés, représenteront un détail comme pixellisé du tableau La Petite Histoire du peintre impressionniste luxembourgeois Corneille Lentz. L’œuvre sera à découvrir en avril 2021 au Lëtzebuerg City Museum. «C’est un projet qui est très motivant, on participe à la création d’une œuvre d’art !» se réjouit Lilia, très impliquée dans le projet.
Cela fait maintenant trois ans que Lilia a rejoint Mamie et Moi. Au départ, c’était pour apprendre à mieux tricoter. «J’ai appris le tricot en autodidacte. Ma mère m’a enseigné le crochet quand j’avais 8 ou 9 ans, mais dans ma famille personne ne tricotait. Et c’était quelque chose qui me faisait envie. Alors un jour, j’avais 23 ans et j’étais enceinte de mon premier enfant, j’ai acheté un livre et je me suis lancée ! J’ai commencé par tricoter de la layette et des petits chaussons, ce qui n’est pas facile en fait ! Je dois encore les avoir d’ailleurs !»
Elle poursuit le tricot jusqu’à la naissance de son deuxième enfant, puis arrête tout pendant 25 ans. Il faut dire que le temps lui a manqué, entre sa vie de famille et une carrière bien remplie – Lilia a servi des repas aux malades dans une clinique, a travaillé ensuite dans une usine de thermostats avant d’entrer chez Paris 8, où elle a gravi tous les échelons jusqu’à devenir directrice et acheteuse pour la chaîne de parfumeries. Elle y restera 31 ans.
C’est une fois pensionnée qu’elle reprend ses aiguilles, à raison d’une à deux heures par jour, surtout le soir en hiver (l’été, elle préfère le crochet), parfois en journée lorsque le temps ne se prête pas à de longues marches comme elle les affectionne avec son mari José. «J’ai toujours aimé créer des choses avec mes propres mains. Et puis, tricoter, c’est une véritable thérapie, et une forme de méditation aussi. C’est une activité qui m’apaise, moi qui ne suis pas toujours patiente. Les projets de l’association me permettent aussi de me sentir utile, parce qu’on peut avoir l’impression du contraire quand on ne travaille plus. Ça permet de garder le moral. D’entretenir sa mémoire et sa concentration aussi, puisqu’il faut compter les mailles par exemple.»
Du contact et des échanges
À peine deux mois à la retraite, elle prend contact avec Mamie et Moi. «Quand je travaillais, j’étais tombée sur un magazine qui parlait de cette association. J’avais gardé cette page en me disant que je les rejoindrais lorsque j’aurai plus de temps, ce que je me suis empressée de faire.»
Une décision qu’elle se réjouit encore aujourd’hui d’avoir prise. «Rejoindre Mamie et Moi m’a permis de garder un contact social que j’avais jusque-là l’habitude d’avoir par mon métier, et aussi de rencontrer des gens de toutes nationalités, de tout horizon et de tout âge. Car on pourrait penser qu’il n’y a que des mamies de 65 ou 80 ans, mais en fait non ! Il y a eu des jeunes femmes de 40 ans, même si elles ne peuvent pas venir à chaque réunion en raison de leur travail.»
Elles sont une petite quinzaine à se retrouver régulièrement dans le cadre des cafés tricot organisés par l’association. L’occasion d’échanger, en français et en anglais surtout, autour du tricot bien sûr, mais pas seulement. «On parle de nos recettes de cuisine, de nos pays respectifs, de lecture… On échange sur plein de choses. J’aimerais que plus de personnes encore puissent profiter de cela. Parce que parfois les femmes s’enferment chez elles, qu’elles travaillent ou non, alors qu’il y a tant de choses à faire et à partager. Ça nous fait grandir. Et ce n’est pas parce qu’on a arrêté de travailler qu’on doit penser qu’on ne sert plus à la société, on peut faire plein de choses !»
Malheureusement, les rencontres en face à face sont suspendues pour le moment en raison de la crise sanitaire. Qu’à cela ne tienne ! Les mamies se sont mises au virtuel (lire encadré ci-dessous). «Le contact réel me manque, mais c’est bien de pouvoir quand même se voir et discuter», confie Lilia.
En attendant, Lilia ne perd rien de son dynamisme. Elle continue de s’obliger à sortir de sa zone de confort en se lançant des défis. «Je ne lâche rien, j’ai toujours été une battante ! Pour ce qui est du tricot, je vais par exemple sur Pinterest, je m’inspire des modèles que je vois pour les faire ensuite à ma façon. J’aime prendre des risques dans le tricot aussi ! Mais parfois ça me dessert, parce que je suis obligée de tout défaire et de recommencer ! Mais la vie vaut d’être vécue lorsqu’on cherche à se dépasser et qu’on se remet en question.»
Tatiana Salvan
Le tricot version 2.0
Crise sanitaire oblige, les cafés tricot organisés par l’ASBL Mamie et Moi se tiendront jusqu’à la fin de l’année de façon virtuelle.
Elles avaient l’habitude de se retrouver régulièrement au sein du Luxembourg City Museum pour tricoter et échanger sur tout un tas de sujets. Mais la crise sanitaire est venue perturber ces moments privilégiés. Pas question pour les mamies de l’ASBL Mamie et Moi de se laisser aller pour autant ! Entraînées et épaulées par les fondatrices de l’association, Camille Alexandre et Cristina Picco, elles se retrouvent désormais sur la toile, où elles manient tout aussi bien les aiguilles que la souris.
Elles étaient une quinzaine vendredi à être connectées sur l’application zoom pour l’un de ces cafés tricot – virtuels donc jusqu’à ce que la situation permette les retrouvailles en face-à-face. Lilia, Barbara, Sue, Rose, Lotty… Sourire aux lèvres, tasse de thé ou aiguilles à tricoter à la main, elles ont échangé pendant une heure sur le projet Collectif au Carré, une initiative lancée par Mamie et Moi qui consiste à collecter environ 5 000 petits carrés de laine pour reproduire un détail de La Petite Histoire, un tableau du peintre impressionniste luxembourgeois Corneille Lentz. Deux mois seulement après le lancement de ce défi, les «mamies» (certains participantes ont la trentaine seulement) en ont déjà tricoté ou crocheté 2 500 !
Discussions et défis
Ces rendez-vous sont l’occasion de tricoter ensemble bien sûr et de faire le point sur le projet aussi, de relever les défis soumis par Cristina et Camille également (tricoter un maximum de carrés verts durant les quinze prochains jours) et de lancer des idées («Pourquoi ne pas créer une page pour faire une sorte de bourse à la laine afin de mettre en contact celles qui ont besoin de laine et celles qui peuvent en donner?», suggèrent-elles à travers l’écran).
Mais c’est aussi et avant tout un moment de partage. D’astuces tricot bien sûr, mais pas seulement. Les discussions sont ouvertes et l’art y a une place de choix, d’autant que l’ASBL Mamie et Moi a développé un partenariat avec la Villa Vauban, qui propose des petites vidéos explicatives avec une guide au sujet d’un tableau particulier, diffusées pendant le café tricot. Un moment chaleureux, qui permet de ne pas perdre le lien tissé entre (m)amies.
Les prochains rendez-vous
Les prochains cafés tricot virtuels se tiendront de 10 h à 11 h les samedis 21 novembre et 13 décembre ainsi que le jeudi 17 décembre. Pour s’inscrire, il suffit d’envoyer un mail à moien@mamieetmoi.lu
Les rencontres en face-à-face reprendront à partir du vendredi 15 janvier au City Museum, de 10 h à 12 h. Toutes les dates sont à retrouver sur le lien ci-dessous.
Tatiana Salvan
https://www.mamieetmoi.com/les-cafes-tricot-virtuels-du-projet-collectif-au-carre/