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Pol Leuck : «Comme partout, il y a des moutons noirs»


Pol Leuck dans sa Wäistuff de Lenningen au 6a, rue de Canach. (photo : archives Mélanie Maps pour Yermat)

Les cafés et restaurants fermeront-ils la semaine prochaine ? Pol Leuck est vigneron à Ehnen (domaine Leuck-Thull) et restaurateur à Lenningen (Wäistuff Leuck-Thull). Il revient sur une année sans équivalent.

La situation est indécise. Le rebond de la pandémie imposera-t-il de fermer à nouveau les bars et les restaurants, comme l’a rappelé le Premier ministre, Xavier Bettel, vendredi, après avoir prévenu le pays mardi ? Les derniers chiffres ne sont pas franchement rassurants, en tout cas.

Environ la moitié des bouteilles produites par les producteurs luxembourgeois partent dans la restauration, alors certains domaines qui misaient beaucoup sur la gastronomie tirent la langue. Pol Leuck (caves Leuck-Thull, à Ehnen) a choisi en 2013 de diversifier ses sources de revenus en ouvrant son propre restaurant. Une décision qu’il ne regrette pas.

Il est fort probable que vous soyez obligé de fermer votre restaurant la semaine prochaine. Ce serait un coup dur de plus dans une année compliquée… ?
Pol Leuck : Bien sûr, ce serait dommage… Depuis deux ou trois semaines, alors que la situation sanitaire se dégrade, nous constatons que beaucoup de gens annulent leurs réservations. La baisse de fréquentation ne s’est pas faite en un jour. Près de 200 personnes ont déjà téléphoné pour nous dire qu’elles ne viendraient pas pour les fêtes de Noël alors qu’elles avaient déjà réservé. Cette mauvaise fin d’année, on la sent venir alors que cela se passait plutôt bien depuis le déconfinement.

Les clients étaient donc revenus après la première fermeture forcée ?
Oui, nous sommes ouverts du jeudi au dimanche et nous étions complets au moins deux ou trois soirs par semaine, c’était vraiment bien! Cet été, nous avions même installé des tables dans la cour, cela permettait de compenser la diminution du nombre de couverts à l’intérieur pour respecter les distances. Les gens étaient contents de sortir, on le voyait bien. Ça faisait plaisir ! Tout a changé le dernier week-end d’octobre…

C’est à ce moment-là que les clients sont moins venus ?
Oui, ce week-end et le suivant n’ont pas été bons. Il y avait beaucoup moins de monde… Heureusement, la Fête des vins et crémants (NDLR : qui a commencé le week-end dernier et se poursuit celui-ci) a permis de retrouver une bonne dynamique. Grâce à elle, les gens sont revenus. Nous sommes complets ce soir (NDLR : vendredi), samedi et dimanche. Au moins, nous ferons un bon dernier week-end… si ça doit être le dernier !

Quand le restaurant marche bien, il entraîne la cave avec lui

Combien de couverts servez-vous et combien d’employés travaillent au restaurant ?
Dans les conditions actuelles, nous pouvons installer entre 32 et 35 personnes et quatre personnes s’occupent du restaurant. Il y a mon épouse Sandra, un cuisiner, un aide-cuisinier et quelqu’un en salle. Grâce au chômage partiel, nous avons pu garder tout le monde pendant le confinement.

Dans une année comme celle-ci, est-ce que vous continuez à vous dire qu’ouvrir un restaurant était une bonne idée ?
Absolument ! Nous l’avons créé en 2013, avec un seul employé, dans la cave de la maison qui nous appartient à Lenningen et aujourd’hui, la Wäistuff est le meilleur client de ma cave ! Lorsque les gens viennent manger, ils apprécient les vins qu’ils boivent et ils repartent souvent avec des cartons dans le coffre de la voiture. Quand le restaurant marche bien, il entraîne la cave avec lui. Avoir les deux est donc une sécurité pour nous, ces deux structures sont parfaitement complémentaires.

Une deuxième fermeture dans l’année serait donc une mauvaise nouvelle pour votre cave…
Oui, les clients qui ne viennent pas au restaurant sont potentiellement des clients en moins pour la cave et un domaine de 13 hectares, cela fait du vin à vendre! Mais, honnêtement, je ne me plains pas. Pendant le confinement, les ventes depuis notre site internet ont beaucoup augmenté et elles restent à un niveau intéressant grâce aux particuliers. Malgré le Covid, j’ai bien vendu mes vins. Je remercie vraiment mes clients. Ça fait plaisir de voir qu’ils nous soutiennent, moi et mes collègues, en continuant d’acheter. Ils avaient envie de boire des bouteilles de leur région, de leur pays pour nous soutenir : cela rassure de voir ça!

Est-ce que vous comprendriez, finalement, si vous deviez fermer votre Wäistuff ?
Je comprendrais… et je ne comprendrais pas. La situation sanitaire est difficile et il faut faire des efforts, c’est évident. Mais chez nous comme chez tous les restaurateurs que je connais, les règles sont parfaitement respectées et l’hygiène irréprochable. Je remarque aussi que nos clients sont calmes et respectent les consignes. Nous n’avons eu aucun problème avec eux. Mais comme partout, il y a des moutons noirs. Quand je lis que l’on a trouvé plus de 100 personnes dans un restaurant après 23 h, je me dis que l’on risque de subir une fermeture à cause de ceux-là, qui ne sont certainement pas très nombreux mais qui sont irrespectueux. C’est dommage, mais c’est un peu pareil partout…

Recueilli par Erwan Nonet

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