Un moment de fraîcheur, un rayon de soleil ? Les deux à la fois. Assister à un cours de philo avec des écoliers de 7 ans est une belle expérience qui renseigne sur leur capacité à livrer eux-mêmes des réponses.
Il est bientôt 10h45, Céline Veitmann s’apprête à entrer en scène ou plutôt dans le cercle. Celui des petits philosophes qui suivent ses ateliers pas comme les autres. Nous sommes à l’École internationale de Mondorf-les-Bains, dans une classe francophone et en ce vendredi matin, c’est l’heure du débat philo pour une classe d’enfants âgés de 7 ans. Et pour quoi faire ? Les aider à grandir en discernement et en humanité, selon les principes de l’association SEVE, pour Savoir être et vivre ensemble.
Quand la porte de la classe s’ouvre, les enfants manifestent leur plaisir de voir Céline Veitmann : «Oh oui trop cool !», s’enthousiasme un élève qui met tout le monde d’accord. Visiblement, cette heure de questionnements les réjouit et ils en connaissent les règles. Quand tout le petit groupe se retrouve assis en cercle autour de l’animatrice, psychopédagogue de métier, la première question qu’elle adresse aux enfants concerne les règles à respecter pendant l’atelier.
«Je respecte les idées des autres», «je demande la parole en levant le doigt», «j’écoute les autres», répondent les enfants à tour de rôle, bataillant parfois pour participer. «J’ai le droit de poser des questions et de répondre à des questions par des questions», complète Céline. «Si on n’a pas envie de parler, on n’est pas obligé», ajoute un petit garçon, et surtout «il ne faut pas couper la parole aux autres», réplique un autre. «Des fois, quand je parle, mes parents me coupent la parole et ça m’énerve», témoigne un enfant. Pourquoi? «Je ne me sens pas respecté», répond-il à l’animatrice.
Après cette petite introduction, les enfants sont invités à faire un petit exercice de respiration. «Posez votre main sur votre cœur et dites-moi si vous l’entendez battre», leur demande Céline. Les enfants ont les yeux fermés, ou pas, et lèvent le doigt dès qu’ils perçoivent les battements. «Voilà, on se rend compte qu’on est vivant», leur fait constater l’animatrice. «Mon cœur, il ne bat pas», constate tout de même un enfant.
En assistant à un atelier philo avec de jeunes écoliers, il faut s’attendre à vivre des émotions, à sourire face à la spontanéité des enfants. C’est souvent drôle, mais toujours authentique.
La différence entre les humains et les objets
La question du jour posée au cercle des petits philosophes porte sur les humains et les objets. Ce qui les différencie, ce qu’ils représentent aussi. Céline sort un bonnet de son grand sac et l’agite devant les enfants, toujours assis en tailleur autour de l’animatrice qui se met toujours à leur hauteur. À quoi sert un bonnet ? «C’est quand on est malade et qu’on a froid aux oreilles», «C’est quand il pleut», participent les enfants. «Non, quand il pleut c’est la capuche», rectifie un autre. «C’est pour se protéger», lâche une fillette assez satisfaite de sa réponse.
Quand Céline lance le bonnet à travers la pièce, elle leur demande s’il a mal. On entend alors une moitié dire oui, l’autre non. Intéressant. Pour les partisans du non, c’est assez simple : «C’est la vie qui a mal et le bonnet n’est pas vivant», «il ne sent rien», «il ne respire pas». Un autre estime que «ça peut faire mal au cœur de jeter son bonnet», histoire de justifier son oui.
Céline extrait cette fois une feuille morte de son sac. Une belle feuille d’érable aux couleurs automnales. Et ça sert à quoi ? «Ça sert à donner de l’air» pour certains ou «ça sert à faire un album» pour une fillette. Un moment, en l’absence du maître, la classe oublie la discipline. Certains écoliers n’hésitent pas à demander le silence. Tout revient vite dans l’ordre et les règles reprennent le dessus. Les doigts se lèvent pour répondre à la prochaine question.
Quand l’animatrice sort une peluche du grand sac, une émotion envahit le petit groupe. On entend des «oh» et des «ah» et on voit des yeux s’écarquiller. Pour la peluche, ça va être plus compliqué vu les réactions. La classe est d’ailleurs très divisée quand il s’agit de savoir si le doudou a soif. «Il a besoin de câlins», décrète un petit garçon. «Si on le jette ou on le tape, on a l’impression qu’on ne l’aime plus», conclut une fillette. «Il n’est pas vivant, il ne parle pas, il n’a pas de cœur, il ne sent rien et il a une étiquette derrière», intervient un autre garçon avant de comparer avec un arbre qui lui «respire et grandit».
Au final, pour différencier l’humain et les objets, l’humain et les vivants, les enfants seront invités à dessiner une différence. «C’est quoi la différence entre moi et un objet», leur demande-t-on et ils ont une demi-heure pour l’illustrer. «On peut mourir, mais pas les objets : on peut les réparer», «les singes sont les descendants des humains, on a vu un film», «les Barbie sont amoureuses»… Choisissez parmi ces réponses et à vos crayons !
Geneviève Montaigu
«La vie a-t-elle un sens ?»
Le 22 novembre, Frédéric Lenoir, le fondateur de l’association Savoir être et vivre ensemble (SEVE), sera à Belval et plus précisément à la Maison du savoir (université) à 19 h pour donner une conférence intitulée «La vie a-t-elle un sens ?». Une conférence organisée à l’occasion des deux ans de l’antenne luxembourgeoise de SEVE et qui sera suivie d’un échange avec le public et d’une séance de dédicace.
Le philosophe est prolifique, il publie en moyenne un livre par an et quand il n’écrit pas dans sa cabane de pêcheurs en Corse, il fait la promotion de son œuvre et anime des conférences ou des émissions de radio sur France Culture. Le prix d’entrée est fixé à 25 euros. À quoi sert cet argent ? À la mission de SEVE qui forme des animateurs et des formateurs aussi pour ses ateliers de philosophie et de méditation.
Mais la mission de SEVE c’est aussi «de soutenir, faire connaître et accompagner les projets qui à travers la réflexion philosophique, la pratique de l’attention, l’activité ludique ou artistique œuvrent pour mieux préparer les enfants et les jeunes à devenir des humains et des citoyens confiants, actifs, responsables et respectueux du vivant», selon son site internet. «Frédéric propose de démocratiser la philosophie avec des enfants, il est spinoziste. Ce n’est pas si évident pour tous les académiciens. Il est très humain, très accessible», dit de lui Jean-Philippe Wagnon.
Une commande de 200 ateliers
L’association Seve Luxembourg a une commande du ministère de l’Éducation nationale qui consiste en 200 ateliers destinés à 34 classes entre janvier et juillet 2020. «Nous travaillons dans les écoles internationales, mais nous aimerions que tous les enfants du Grand-Duché puissent en profiter. Il s’agit ici d’un projet pilote et en luxembourgeois», explique Jean-Philippe Wagnon, cofondateur il y a deux ans avec Céline Veitmann de l’antenne luxembourgeoise de SEVE.
Ces cours de philo ont-ils les retombées voulues ? «Oui, des choses changent dans le comportement des enfants en classe, pendant la récréation. Ils commencent à résoudre par eux-mêmes les choses différemment. Ils commencent à parler, à échanger, à s’écouter, à avoir un esprit critique et à pouvoir accepter que l’autre n’a pas les mêmes idées», poursuit-il.
Dans les familles, des parents s’interrogent et finissent par demander aux animateurs ce qu’ils peuvent bien enseigner en atelier philo pour que leur enfant leur dise que ce n’est «pas comme cela que ça se passe» et «qu’on devrait en parler, prendre le temps» et que les parents devraient «respirer un grand coup».
«Tout est cadré par des règles»
D’autres sont effrayés à l’idée que leur enfant puisse penser par lui-même. «Nous avons eu des ateliers avec des enfants de 6 ans et la question était à quoi ça sert l’école et l’un d’eux répond que ça sert à aller à l’université pour avoir un travail plus tard. Oui, peut-être, mais qu’est-ce qui vient de lui dans cette réponse ?», interroge Jean-Philippe Wagnon, qui sort lui aussi d’un atelier donné en langue anglaise à la même école internationale de Mondorf-les-Bains.
L’école est faite pour accompagner les enfants dans leur questionnement, selon la philosophie de SEVE. «On n’accepte pas n’importe quoi non plus. Tout comportement n’est pas nécessairement bon parce qu’il vient des enfants. Tout est cadré par des règles», rappelle-t-il.
Les bénévoles de l’association se disent absorbés par ce projet. «Nous avons 30 personnes en formation. Pour les 200 ateliers, nous aurons cinq personnes pour les ateliers en langue luxembourgeois», précise l’animateur, qui va lancer un appel à projets pour les écoles intéressées, via le SCRIPT. «C’est gratuit pour les communes», précise-t-il à toutes fins utiles.
C’est sans doute très intéressant, mais qu’est-ce que cela a avoir avec la philosophie? je ne vois nulle part de la sagesse, et encore moins de l’amour de la sagesse. C’est simplement un cours où les enfants apprennent ce qu’ils devraient en fait apprendre en famille: se comporter selon des règles afin de pouvoir communiquer et témoigner du respect à l’autre.