La saison de la cueillette des champignons est ouverte avec quelques semaines de retard, changement climatique oblige. Coup de projecteur avec Liliane Chillon, du Groupe de recherche mycologique (GRM).
Les champignons n’ont plus aucun secret pour Liliane Chillon, membre du Groupe de recherche mycologique (GRM) de la Societé des naturalistes luxembourgeois (SNL).
En effet, le GRM propose – en période hors Covid – une formation en plusieurs séances afin d’apprendre à reconnaître les champignons les plus communs. C’est ce qu’on appelle «la détermination» (lire l’encadré plus bas). Ainsi, les membres du GRM organisent des excursions mycologiques, des expositions et des séances de détermination. Ils donnent des conseils sur la toxicité des champignons et veillent à la sauvegarde des biotopes d’intérêt mycologique. Avant l’apparition de la pandémie sanitaire, les réunions se tenaient à la Maison de la nature de Kockelscheuer.
«Jusqu’à l’année dernière, chaque samedi se tenait une séance de détermination, pour définir quels champignons sont comestibles et lesquels ne le sont pas. En temps « normal », de 20 à 30 personnes venaient faire une détermination sur place. Cette année, à cause du coronavirus, nous avons donc renoncé aux déterminations faites sur place : nous ne faisons ainsi que des déterminations sur la base de photos qui sont postées sur le site. La détermination se fait ainsi par le biais de courriels», précise Liliane Chillon.
«La saison commençait toujours début septembre»
Pour ce qui est de la saison des champignons, force est de constater que celle-ci a été impactée par le changement climatique.
«La saison des champignons ? Il n’y a pas de dates fixes. Cela dépend de la température extérieure, de la sécheresse… La saison a presque été décalée d’un mois et cela, depuis cinq ans environ. À l’époque, la saison commençait toujours au début du mois de septembre. Cette année, la saison vient tout juste de débuter. De manière générale, les champignons n’ont pas de saison; ils s’adaptent au temps et au climat. Logiquement, la saison démarre deux à trois semaines après les premières pluies. Le changement climatique joue bien entendu un rôle : de début septembre, la saison démarre maintenant vers la mi-octobre. Auparavant, on arrêtait la cueillette au début du mois de novembre. Mais comme il n’y avait plus le grand froid qu’on connaissait depuis toujours, on trouvait encore des champignons en décembre. À savoir tant que le gel est retardé, car le gel est synonyme de fin de saison», détaille encore la membre du GRM.
Au niveau des espèces les plus fréquentes au Luxembourg, la spécialiste indique que les champignons les plus connus au pays sont : les girolles, les cèpes, les champignons parasol, et puis les espèces que l’on peut acheter au marché, originaires du Grand-Duché, de Belgique ou de France. Par contre, dans les enseignes de la grande distribution, on trouve notamment des champignons qui viennent de Russie de Pologne.
Quelles régions pour quels champignons ?
Et puis, il ne faut surtout pas oublier les différentes sortes de bolets, qui sont gros et comestibles; eux préfèrent les forêts constituées d’un mélange de hêtres, de chênes et de sapins. «Des forêts « anciennes », car dans une forêt « jeune », vous ne trouverez pas grand-chose», confie Liliane Chillon. Par ailleurs, il ne faut pas qu’il y ait trop de végétation, sinon on ne pourra trouver de champignons, ajoute-t-elle, avant d’énumérer d’autres «espèces phares» de nos contrées : les pieds-de-mouton, les trompettes de la mort, les chanterelles et les champignons des prés.
Sur le territoire national, Liliane Chillon indique qu’il faut savoir de quoi se nourrit le champignon, pour connaître sa région d’origine : «Il y trois sortes de champignons. Les champignons saprophytes, qui recyclent les matières organiques, les champignons mycorhiziens qui s’associent avec un autre organisme – tel un arbre – pour l’échange de nourriture, et les champignons parasites, qui peuvent faire des dégâts dans l’environnement naturel. En clair, on retrouve les différentes sortes de champignons dans les régions du pays où leurs besoins sont satisfaits. Au Ellergronn (Esch-sur-Alzette), par exemple, la situation est particulière, souligne Liliane Chillon. Les espèces y sont variées, puisque les biotopes le sont également. Plus on aura de biotopes et plus les champignons y seront présents; cela dit, très peu de champignons sont comestibles au Ellergronn. Au centre du pays, du côté du Waldhaff, de même que vers Consdorf et Echternach, il y a beaucoup de forêts, où se trouvent des champignons qui sont intéressants», dévoile la membre du Groupe de recherche mycologique.
Par ailleurs, Liliane Chillon précise que cette année on trouvait encore des champignons au Mullerthal à cause de la présence l’Ernz, car les endroits humides le long des ruisseaux et rivières sont propices au développement des champignons.
«En général, on trouve des champignons dans les prés et certaines espèces en forêt. Le champignon dit « normal » pousse dans les prés, mais uniquement où il n’y a pas trop d’engrais. On trouve aussi des champignons au bord des chemins et routes, ou des cèpes en forêt. Lorsque les forêts sont composées d’arbres mixtes, lesquels sont aussi d’âge mixte, on trouve de tout.»
Et qu’en est-il des champignons vénéneux ?
Selon l’experte en mycologie, «il y a très peu de champignons comestibles, ou qui valent d’être mangés, c’est-à-dire qui apportent un plus en termes de valeur nutritive. J’ai pour habitude de dire : « Vous pouvez aussi manger du papier toilette et vous n’en mourrez pas, mais cela ne vous apporte pas d’un point de vue amélioration d’un plat pour sa valeur nutritive. Sinon, pour ce qui relève des champignons vénéneux, ils sont bien présents au Luxembourg : nous avons l’amanite qui est vénéneuse, mais surtout l’amanite verte qui, elle, est mortelle. Il y a beaucoup de champignons appartenant à cette famille au Luxembourg, dont l’amanite citrine. Lors des cueillettes que nous organisons, nous disons toujours aux gens de ne pas toucher aux amanites, car il y a trop de champignons vénéneux dans cette espèce : de légèrement vénéneux jusqu’à mortels. En ce qui concerne l’amanite verte, celle-ci attaque le foie, et si l’on ne décède pas très rapidement, la personne qui en a consommé aura son foie fortement endommagé.»
Claude Damiani
Mais qu’est-ce que donc que la détermination d’un ou de plusieurs champignons, qu’organisait le Groupe de recherche mycologique en période pré-Covid à Kockelscheuer? «Ce sont des séances méticuleuses et il faut un bon livre de détermination pour comparer l’aspect des champignons, à savoir un livre avec des photos et descriptions très précises. Ensuite, il faut observer bon nombre de détails : le chapeau du champignon, son dessous, regarder s’il y a des lamelles… Ce travail de détermination consiste également à éduquer les gens : il s’agit d’expliquer aux gens que s’ils ne reconnaissent pas un champignon qu’il vienne de cueillir, ils ne peuvent qu’en prendre trois exemplaires et ne peuvent se présenter avec un panier plein de cette sorte. Car, après, s’il n’est pas comestible, il faut jeter tout le panier. Idem si un panier contient une seule amanite verte : le panier entier est jeté. De plus, on conseille de ne jamais manger de champignon que l’on ne connaît pas, même si on croit l’avoir déterminé dans son livre, puisqu’il y a des ressemblances : presque tous les champignons comestibles ont un « copain » vénéneux : il faut connaître le champignon qu’on mange et on ne mange pas quelque chose qu’on doit déterminer! Pour connaître les champignons, c’est bien de suivre des gens qui font des balades, et d’avoir le champignon en main, de le regarder, de le sentir… L’odeur est aussi très importante pour la détermination ! Il existe des sortes qu’on détermine immédiatement à l’œil nu, comme un bolet, une girolle, ou un pied-de-mouton. Mais en cas de doute, c’est confisqué, et je ramène chez moi le(s) champignon(s) pour les observer au microscope : pour les sortes non comestibles, il faut un microscope pour une détermination exacte», conclut Liliane Chillon.