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Les oiseaux refusent de mourir en silence


Les oiseaux expriment leur ras-le-bol de laisser des plumes dans la crise climatique. (capture YouTube)

La liste des oiseaux en danger vient d’être publiée, elle est «dramatique». Les principaux acteurs de l’écologie se sont réunis pour demander une action politique. Un spot décalé est en ligne.

Cinq organisations de protection de la nature s’unissent pour la préservation des oiseaux et de leur environnement. Il s’agit de l’Association des biologistes luxembourgeois (Abiol), du Mouvement écologique (Meco), du musée national d’Histoire naturelle (MNHN), de natur&ëmwelt et de la Société des naturalistes luxembourgeois (SNL). Scientifiques et associations font front pour avoir plus de poids et être entendus dans leur combat pour l’environnement.

«La situation au Luxembourg est dramatique», insistent à tour de rôle les acteurs de l’écologie qui avaient réuni la presse mercredi matin à la Maison de la nature à Kockelscheuer pour délivrer un message clair à la population civile et aux politiques : «il faut agir immédiatement». Un spot décalé, d’un peu plus d’une minute, montre les revendications des oiseaux eux-mêmes qui ne veulent pas dépérir. Les oiseaux qui s’expriment dans le spot sont représentatifs des espèces en danger qui apparaissent dans la nouvelle édition de la liste rouge des oiseaux nicheurs. Cet état des lieux publié tous les cinq ans montre que «la situation va de mal en pis», souligne Blanche Weber, la présidente du Meco.

57% des oiseaux en trente ans

Treize espèces au Luxembourg sont considérées comme éteintes, 7 sont menacées d’extinction, 8 sont très menacées, 11 espèces sont en danger et 24 espèces sont répertoriées dans la liste d’alerte où figure le moineau domestique, une espèce qui était jadis largement répandue.

«Les oiseaux sont des marqueurs de l’état de la biodiversité», souligne Patric Lorgé, de la Centrale ornithologique, et ils sonnent l’alarme avec environ 57% d’oiseaux en moins en trente ans en Europe.

Toutes les espèces sont menacées par cette catastrophe environnementale, mais certaines sont plus sensibles que d’autres selon leurs besoins nutritionnels ou leur habitat. «Le traquet motteux, qui vivait dans les friches industrielles au sud du pays, a quasiment disparu, indique Patric Lorgé. Le tarier des prés, qui était très commun il y a trente ans au Luxembourg dans les zones herbagères, ne niche plus ici. On voit toujours des oiseaux migrateurs passer, mais ils ne vivent plus dans la Grande Région. On comptait 400 couples de vanneaux huppés il y a 30 ans, cette année, il n’y en a qu’un seul.»

Les moineaux laissent les passants tranquilles

«On voit beaucoup d’espèces dont la survie est liée à l’agriculture qui remontent sur la liste rouge, car il y a moins de vaches laitières qui nécessitaient des prés composés de plantes variées sauvages et de haies autour, regrette Patric Lorgé. Ils sont souvent remplacés par des champs de maïs qui profitent moins à la biodiversité et les zones humides sont drainées. C’est très alarmant et cela ne concerne pas seulement les espèces d’oiseaux nicheurs.» Selon lui, la situation n’est pas désespérée, mais à condition d’agir immédiatement : «Les grues avaient quasiment disparu de la Grande Région. En 1979, l’Union européenne a mis en place un programme pour la sauvegarde de cette espèce. Il y a quelques jours, on en a compté 195 000 au lac du Der», en Champagne-Ardenne.

Au Luxembourg, les plus chanceux ont pu les entendre faire un vacarme en passant au-dessus de nos têtes les nuits précédentes. «Mais on voit que certaines espèces disparaissent très rapidement, on ne peut plus attendre. Quand vous étiez place d’Armes à Luxembourg il y a seulement dix ans, vous ne pouviez pas prendre une glace sans être embêté par un moineau. Aujourd’hui, si l’on en voit dix, c’est déjà bien.»

L’union créée pour la préservation de l’environnement veut aller plus loin et demande des lois plus ambitieuses : «Comme le dit l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), il faut changer la société et le système économique, indique Blanche Weber. En continuant d’avoir une économie croissante, on va dans la fausse direction, ce n’est pas compatible avec la protection de l’environnement. Nous sommes le pays le plus fragmenté d’Europe, ce qui affecte la nature. Nous sommes le deuxième pays mondial à consommer toutes nos ressources le plus tôt dans l’année, dès février. Il faut changer la politique agraire au niveau européen.»

«On n’a plus le choix»

Et quand on demande à Blanche Weber si ces mesures sont réalistes, la réponse tombe comme un couperet : «On n’a plus le choix. L’heure n’est plus à la discussion, mais à l’action. Nous perdons notre base de vie. Il est prouvé que la nature est un facteur clé pour notre bien-être. Il ne s’agit pas de beauté, c’est notre habitat qui est en jeu. Nous survivrons au problème climatique, peut-être pas le Bangladesh. Le Luxembourg est un pays riche qui pourra tenir avec des températures à 40 degrés, mais pas sans notre base de vie. La production de notre alimentation risque de s’effondrer si nous n’avons plus d’oiseaux.»

Selon les cinq organisations, l’une des premières choses à faire est de diminuer fortement les pesticides et de soutenir l’agriculture biologique, de ne pas souscrire aux accords de libre échange internationaux… Elles ont établi une liste détaillée des mesures à prendre en précisant quelles espèces cela sauvera. Selon Blanche Weber, actuellement, ce discours n’est que «partiellement entendu» par les pouvoirs publics.

Audrey Libiez

Quelles mesures pour l’avenir ?

À la suite de la présentation de la nouvelle liste rouge des espèces d’oiseaux, le député déi gréng François Benoy a envoyé mercredi une question parlementaire à la ministre de l’Environnement. Il souhaite connaître «les mesures qui ont été prises dans les cinq dernières années pour remédier à la dégradation de l’avifaune, et plus particulièrement pour protéger les espèces les plus menacées».

Il demande également à Carole Dieschbourg quelles sont les priorités pour l’avenir et si des décisions, notamment dans le domaine de la construction ou de l’agriculture, vont être prises.

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