Depuis quelque temps, on voit des Roud Léiwen partout dans les rayons des supermarchés du pays. Sur les bières, cafés, crémants… Rencontre avec Will Kreutz, l’homme qui est derrière cette affaire.
Will Kreutz a passé l’âge de s’emmerder, et surtout l’âge où l’on accepte de se faire emmerder. Doté d’une solide carrière de communicant et de marketeur derrière lui – mais d’un caractère entier –, il n’a plus envie d’être dans l’obligation de répondre aux désidératas de clients moins inspirés que lui. Et comme il n’a pas non plus l’intention de raccrocher son cerveau sur le porte-manteau de l’entrée, il a décidé d’être désormais le seul maître à bord. En développant lui-même les produits qu’il vend, au moins, si ça ne marche pas, il saura à qui en vouloir !
Avec sa fille Iyoshi à ses côtés, l’homme qui était aux commandes des très enthousiasmants projets artistiques Goodbye Monopol a conçu une nouvelle façon de travailler. «Je recherche le plaisir et le challenge créatif, et uniquement sur des projets gratifiants. Finalement, je me rends compte que lorsque j’avais mon entreprise et 50 salariés, je ne ressentais plus aucune satisfaction. J’étais constamment stressé par le fait de gagner suffisamment d’argent pour payer tout le monde à la fin du mois.»
Qui dit projets gratifiants, dit produits de qualité, de ceux que l’on est fier de vendre. Will Kreutz ne veut pas mettre sur le marché n’importe quoi : il ne vise donc que le haut de gamme. Pas forcément parce que cela rapporte plus, mais parce qu’il veut que sa marque représente pour ses clients un repère inattaquable.
«Mes cafés ne sont pas des calques»
Pour son café, par exemple, le premier torréfacteur avec qui il a travaillé n’aura tenu que trois mois. «Un jour, chez un revendeur, j’ai vu qu’il y avait du café moulu dans mes sachets. Or je ne produis que du café en grains !» L’affaire ne s’est pas éternisée. «J’ai immédiatement fait le tour de tous les points de vente pour racheter l’intégralité de mes sachets. Je les ai tous détruits.» Il a retrouvé fissa un nouveau partenaire (le moulin Dieschbourg, à Echternach) et recréé une nouvelle série de sachets. L’affaire lui a coûté un bras, mais il était prêt à payer le prix de son intégrité. «Maintenant, je dois dire que je suis ravi de travailler avec Yves (NDLR : Dieschbourg, le directeur). Plus j’apprends sur le café, plus je me rends compte qu’il travaille bien.»
La matière première est choisie avec le plus grand soin : «Je ne prends que du café bio et fairtrade. Pour moi, les labels sont importants car ils garantissent que les producteurs sont contrôlés régulièrement et qu’il n’y a pas de tricherie. C’est une sécurité indispensable.» Les grains proviennent d’Éthiopie, du Chiapas (au Mexique) et du Pérou.
C’est également lui qui teste et valide le mélange des différentes variétés. À l’écoute des professionnels, il goûte et goûte encore, une étape «très intéressante, mais aussi très stressante!». Les assemblages sont donc toujours originaux : «Je veux que tous mes cafés (NDLR : il en produit trois) soient authentiques. Ce ne sont pas des calques de produits qui existent déjà.»
En plus de ces trois cafés (Duusse Goût, Voller Kraaft et Espresso), Will Kreutz travaille aujourd’hui sur la création de capsules adaptables sur les appareils Nespresso. «Elles devraient sortir d’ici un mois ou deux», espère-t-il. Là encore, pas question de transiger sur ses principes. Les capsules seront biodégradables et compostables, donc sans aluminium. «Cela n’aurait aucun sens de vendre un café bio dans un emballage qui ne l’est absolument pas», assène-t-il. Et pour que la dégustation soit parfaite, il a tout prévu : tasses en porcelaine siglées ou en carton pour boire en route, toutes les situations ont leurs solutions! Il s’est même arrangé avec le Coffee Bike de Claude Nilles pour présenter ses petits noirs de manière non-conventionnelle. Le prochain rendez-vous est d’ailleurs fixé au jeudi 4 mai à l’entrée des casemates du Bock, le plus beau balcon du monde.
Plus près de nous, on peut trouver les Roud Léiwen Boune Kaffi un peu partout. Les supermarchés Alima, Pall Center, Cora, Match, Delhaize et Rewe (en Allemagne), tout comme les bonnes épiceries fines, l’ont en rayon. Auchan va suivre très prochainement.
Erwan Nonet
Après le lion, la Gëlle Fra
«Je ne sais pas pourquoi, je ne fais que des choses qui se boivent !», sourit Will Kreutz. Son dernier fait d’armes, c’est la sortie d’un crémant haut de gamme en collaboration avec Antoine Clasen (Bernard Massard). Pour créer ses bulles, Will Kreutz a dégusté les vins de base avec Antoine et son père, Hubert Clasen, et comme pour ses cafés, l’assemblage final est complètement original. Il ne s’agit pas d’une copie d’un crémant de la grande maison de Grevenmacher, mais d’une création propre au lion rouge. «J’ai notamment diminué le dosage parce que je préfère les crémants moins sucrés», souligne-t-il.
D’ici peu, de nouvelles bulles seront mises sur le marché. Cette fois, elles ne porteront pas l’image du Roude Léiw, mais celle, tout aussi emblématique de la Gëlle Fra : aucune icône ne résiste à Will Kreutz ! «Il s’agira de crémants blancs et rosés de très haute qualité provenant de trois vignerons mosellans très réputés. Ces vins auront dormi au moins trois ans sur lies (NDLR : la loi en impose deux pour les millésimés). Ce seront clairement des flacons exceptionnels où le contenant et le contenu seront de très haut vol. Comme les vins, la bouteille, le muselet et l’emballage seront particulièrement travaillés. Je compte d’ailleurs les mettre en vente à un prix plus élevé que les crémants millésimés traditionnels», explique Will Kreutz. Moralité : dans le gotha, c’est la Gëlle Fra qui gagne face au Roude Léiw !