Soucieux d’ouvrir l’art contemporain à tous les publics, le Mudam multiplie les projets inclusifs. Ce dimanche, le musée accueillait des personnes autistes et leur famille : nous avons suivi Clément, 8 ans, dans ses découvertes.
Ces dernières années, le musée d’Art contemporain de Luxembourg opère un virage vers l’inclusion à travers une série de projets portés par son service des publics : des collaborations avec différentes associations ont déjà permis aux personnes sans-abri ou encore malvoyantes d’entrer dans le monde de l’art. Hier, alors que le Mudam organisait pour la première fois une journée dédiée aux personnes autistes et leur famille, nous avons pu suivre Clément, 8 ans, dans la découverte des œuvres exposées.
En arrivant dans le grand hall, le petit garçon et ses parents, Livia et Philippe, sont accueillis par Ioanna Madenoglu, médiatrice du musée, très impliquée dans les projets inclusifs. «Le musée est un lieu ouvert à tous. Pour s’en assurer, il faut travailler avec des publics différents et pouvoir mieux répondre à leurs besoins», explique-t-elle. Après s’être rapprochée de la Fondation Autisme, elle a suivi une formation spécifique afin de s’adapter aux personnes autistes.
«On doit lever certaines barrières pour montrer que l’art contemporain n’est pas quelque chose d’élitiste ou d’inaccessible comme on peut parfois le penser. Surmonter ces obstacles, c’est mon job», lance la jeune femme. Des efforts qui portent leurs fruits puisque, sans cette initiative, la famille n’aurait sans doute pas fait le déplacement : «C’est génial de donner cette opportunité aux enfants comme Clément de venir profiter du musée. D’habitude, on fait une croix sur ce genre de visite, par peur des crises», confie Philippe.
Dès les premières minutes, le petit garçon, qui utilise une application sur tablette pour communiquer, suit volontiers Ioanna et écoute attentivement ce qu’elle lui raconte. Pour aider Clément à appréhender les œuvres qu’on ne peut, bien sûr, pas toucher, elle a réuni dans une boîte différents objets, couleurs et textures, rappelant ce qu’il voit. Une façon de mobiliser tous les sens de l’enfant dans son cheminement vers l’art.
Et ça marche : «Elle parvient à le faire participer, je vois qu’il profite de sa visite», se réjouit la maman. «Peu de gens sont sensibilisés au fonctionnement des personnes autistes, donc c’est difficile de trouver des activités adaptées», souligne-t-elle, racontant à quel point c’est une lutte de chaque instant. «Quand on ouvre notre monde à ceux qui ne rentrent pas le moule, là commence l’inclusion.»
Autour de la pièce centrale de l’exposition «Post-Capital : Art et économie à l’ère du digital», un avion de chasse du plasticien Roger Hiorns, Ioanna pioche dans sa boîte et propose à Clément de saisir un morceau métallique. Le petit garçon le garde en main tout en s’exprimant grâce à sa tablette : «C’est un avion, grand», affiche l’écran.
«Je ne suis pas professionnelle mais j’apprends»
Plus loin, sur la passerelle, les cordes nouées de l’artiste portugaise Leonor Antunes attire l’attention de Clément. Là, Ioanna prend le temps de s’asseoir au sol avec lui pour échanger à propos de ce qui les entoure. Cette volonté de s’adresser à un public plus large, la médiatrice l’observe dans de nombreux musées désormais : «Les choses changent, les musées et centres culturels optent de plus en plus pour l’inclusion. C’est un programme nouveau pour moi et je ne suis pas professionnelle, mais j’apprends», explique celle qui a encadré des colonies de vacances durant dix ans dont certaines accueillaient des enfants avec handicap.
Curieuse de ce qui se fait à l’étranger, elle n’hésite pas à s’en inspirer : elle a par exemple créé une carte sensorielle du musée, vue dans d’autres institutions. «Il s’agit de répertorier sur un plan les endroits du Mudam où le visiteur va être confronté à des lumières intenses, des sons forts, là où il y a de la vidéo, mais aussi les lieux apaisants et calmes. L’idée est de permettre aux personnes hypersensibles de venir seules, sans accompagnant», indique Ioanna Madenoglu.
Au sous-sol, place à l’exposition «mirror mirror : cultural reflections in fashion» centrée sur la mode. Sous les assemblages suspendus baptisés «TAPE» de Grit et Jerszy Seymour, Clément apprend qu’on peut créer toute une collection de vêtements à l’aide de ruban adhésif : il en colle un morceau sur son sweat, et un autre sur le pantalon de sa guide.
Arrivé face à la cagoule en laine «Terror mask» du styliste Walter Van Beirendonck, le petit garçon déroule une pelote avec Ioanna : «De quelle couleur est le fil?» interroge-t-elle. Clément pianote et lui présente sa tablette : «rose». Il demande même à l’enfiler! Un joli moment de partage, permis à la fois par le support numérique et le travail de la jeune médiatrice, remplie du sentiment gratifiant d’avoir été utile : «Pas besoin d’une visite classique pour se connecter à l’art», glisse-t-elle, dans un sourire, en saluant le petit garçon à la fin du parcours. Pour cette fois, c’est fini, mais la famille, ravie, a déjà prévu de renouveler l’expérience.
Christelle Brucker