Les allergies aux graminées durent plus longtemps, celles des arbres débutent plus tôt. Le dérèglement climatique a chamboulé le calendrier. En ce moment, c’est le bouleau qui fait éternuer.
Nez qui coule, yeux qui piquent, toux d’irritation, éternuements… inutile de vous faire un dessin, c’est bien la saison des allergies qui bat son plein. En ce moment, c’est le bouleau «qui crée le maximum de symptômes», explique le Dr François Hentges du service d’immunologie-allergologie du CHL. «C’est une année avec un pic assez relatif, mais suffisant pour dépasser le seuil critique de 50 à 100 pollens par mètre cube. Quand on atteint ce seuil, les réactions allergiques sont maximales peu importe ensuite qu’il y en ait 300 ou 1 000 ça ne change plus rien.» Le pollen du bouleau sera encore très actif cette semaine puis va baisser progressivement, mais ne nous réjouissons pas trop vite, puisque celui du chêne est déjà aux aguets. S’il est «souvent négligé, les réactions qu’il provoque sont pourtant comparables à celles du bouleau».
La saison des allergies des arbres va se terminer mi-mai pour donner le relais à une autre, celle des graminées qui se poursuivra jusqu’au 14 juillet… du moins c’était le cas avant. Le dérèglement climatique en a décidé autrement. «Les pollens des graminées commencent plus tôt et se terminent plus tard depuis quelques années. Ils sont en moins forte concentration mais suffisamment importants pour donner les mêmes problèmes sur une durée plus longue», note l’expert.
Il en va de même pour les allergies des arbres qui, contrairement aux idées reçues, commencent désormais dès la mi-janvier avec le noisetier et l’aulne. «En hiver, souvent les gens consultent parce qu’ils pensent qu’ils ont attrapé froid ou un virus. Ils n’imaginent pas que cela puisse déjà s’agir d’une allergie. Les pollens ont avancé significativement dans l’année, avant cela débutait seulement fin février-début mars.»
En septembre, on peut enfin souffler
Après les graminées, le calendrier des allergies se poursuit avec l’ambroisie, «mais celle-ci gêne moins de monde ici contrairement à Lyon ou en Hongrie ou Suisse», tempère le médecin. «Il y a aussi les spores de moisissures (à l’extérieur) qui jouent un rôle de juin-juillet à septembre, surtout les années humides».
Enfin, en septembre, on peut souffler, à moins d’avoir une allergie respiratoire liée aux acariens ou animaux, là c’est bien sûr toute l’année.
Si l’atmosphère est polluée ou que vous passez tous les jours des heures dans les embouteillages, c’est la double peine. «La pollution irrite immédiatement les muqueuses. On a rapidement le nez ou la gorge qui nous grattent. Certaines personnes sont particulièrement sensibles à l’ozone. Pour une partie de la population, elle peut aider à déclencher la réponse immunitaire aux pollens», confirme le Dr Hentges. Car l’allergie est un dérèglement du système immunitaire qui correspond à une perte de la tolérance vis-à-vis de substances a priori inoffensives. «Lors de la période de sensibilisation, la pollution peut jouer un rôle aggravant.» La sensibilisation est la période qui précède l’allergie durant laquelle nous sommes confrontés aux allergènes année après année.
Des astuces à connaître
Si on a un doute, des rhumes à répétition, que les lèvres ou la gorge nous grattent quand on mange des noisettes, des pommes ou certains autres fruits, mieux vaut aller se faire tester chez un allergologue. Un traitement n’est pas forcément indiqué, cela dépend de l’intensité et de la fréquence des symptômes. Chez certaines personnes, l’allergie est trop importante et il est nécessaire de traiter avec des gouttes pour les yeux, des antihistaminiques ou des sprays corticoïdes pour stopper et empêcher l’inflammation. Quand c’est possible, une désensibilisation peut être faite avec des gouttes ou des tablettes fondantes chez soi. Les enfants peuvent démarrer ce traitement à partir de l’école primaire, quand ils sont en mesure de garder le produit sous la langue et qu’ils sont coopératifs. «Ce traitement s’étale sur des mois, alors il faut être sûr que cela en vaut la peine. Si l’allergie dure trois semaines dans l’année, ce n’est pas forcément adapté.»
Pour éviter les ennuis quand ils sont concentrés sur une ou deux semaines, «on peut aller au bord de la mer, à la montagne, en altitude ou simplement rester à la maison pour diminuer l’exposition aux pollens. Si l’on reste longtemps à l’extérieur lorsqu’on revient par exemple d’une balade à vélo de plusieurs dizaines de kilomètres, il faut se laver les cheveux, le visage et les yeux», conseille le médecin. Il y a aussi des astuces pour profiter de la nature quand on est allergique, comme «sortir le matin avant 10 h quand il n’y a presque pas de pollen dans l’air».
Pour le Dr Hentges, «il faut trouver une juste mesure et si besoin avec les médicaments on peut avoir une vie presque normale».
Peut-on éviter à nos enfants d’être allergiques ?
Si on ne dispose pas de chiffres précis au Luxembourg, le Dr François Hentges du service d’immunologie-allergologie du CHL estime «qu’il y a environ 15 % élèves dans les petites classes qui sont allergiques, essentiellement aux graminées et 30 % chez les étudiants, chez eux s’ajoutent les pollens des arbres».
Heureusement, les allergies aux pollens commencent rarement chez les petits. «Il existe des cas d’enfants âgés de 3 ou 4 ans allergiques aux graminées, mais c’est exceptionnel. Les allergies respiratoires ne sont pas innées, elles s’acquièrent au fur et à mesure des saisons, à force d’être en contact avec les allergènes.» On peut d’ailleurs devenir allergique aux pollens de certains arbres jusqu’à 40-45 ans, notamment aux pollens relâchés par les arbres en hiver : «Lorsqu’il fait froid, on est souvent en intérieur donc la sensibilisation se fera sur de plus nombreuses années», analyse le spécialiste.
Alors peut-on éviter à notre enfant ce fardeau ? «En théorie oui, en pratique, c’est irréalisable. Surtout que même si on sait qu’un enfant dont les deux parents sont allergiques a entre 50 % et 60 % de chances de l’être aussi, on ne sait pas à quoi il va l’être. Pour les pollens, il faudrait l’empêcher de sortir durant les pics de telle ou telle plante ou arbre. Et demander à un petit enfant de rester enfermé, ce n’est pas possible, surtout avec les graminées. Imaginez, il faudrait ne pas sortir pendant trois mois. En plus, on a parfois fait le contraire de ce qu’il aurait fallu car les allergies sont paradoxales. Si on pense qu’il faut éviter les pollens, on a cru pendant longtemps que pour éviter les allergies aux animaux il fallait éviter de mettre les bébés en contact avec eux. Aujourd’hui, on a découvert que les bébés ayant un animal à la maison ont la même probabilité d’être allergiques aux poils, mais feront des formes moins graves qu’un enfant qui reçoit un chien à 4 ou 5 ans.»