Maladie, vieillesse, accident de la vie… Bien des situations peuvent amener chacun d’entre nous à devenir un jour l’aidant d’un de nos proches et bouleverser notre quotidien. C’est le cas de Paul Graglia, qui s’occupe depuis deux ans de son épouse, Marie, victime d’un AVC. Témoignage.
53 ans de mariage. Deux enfants. Des voyages à l’autre bout de l’Europe. Des albums photos entiers remplis de souvenirs. De l’amour, encore et encore. Et puis tout s’arrête, ou presque, en mai 2019. Paul se souvient des dates comme si c’était hier. Son quotidien se retrouve bouleverser, lorsque son épouse, Marie, alors âgée de 79 ans, est victime d’un AVC, qui la cloue à l’hôpital pour trois mois.
“Elle était assez mal en point lorsqu’elle est revenue à la maison début juillet”, relate son époux. Problèmes pour marcher, perte de la mémoire courte, Marie ne sort pas indemne de son attaque. Finis les voyages, place au foyer du jour, à la rééducation et à une toute nouvelle façon de fonctionner pour ce couple et leur famille.
Composer avec la maladie au quotidien
“C’est simple, je gère deux calendriers : le mien et celui de Marie”, explique cet habitant de Kehlen, qui, chaque matin, habille, nourrit, donne ses médicaments à sa femme, avant qu’elle ne quitte leur maison pour le foyer de Steinfort. Un vrai soutien pour le septuagénaire, qui profite de cette absence pour s’occuper de la maison, faire les courses et s’accorder un peu de temps pour lui. “Ils reconstruisent ma femme petit à petit là-bas” ajoute-t-il, confiant à demi-mot, qu’il “ne pourrait pas tenir 24 h sur 24” avec elle à la maison.
Car même s’il reste optimiste, l’ancien ingénieur électricien doit composer avec la maladie de Marie, qui prend désormais toute la place dans leurs vies. S’il tente de poursuivre leurs habitudes, en emmenant son épouse chez le coiffeur ou encore à la pédicure, il doit aussi faire face à des situations délicates.
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“Elle m’a déjà demandé pourquoi je n’allais pas voir ma mère, qui est décédée depuis plusieurs années. Ou elle-même veut téléphoner à sa mère, qui n’est plus là non plus”, relate-t-il. Lorsque des crises trop importantes surviennent, que Marie s’emporte, ne comprends pas ce qui lui arrive, Paul relativise : “j’attends et je réagis ensuite en conséquence”.
Une adaptation réussie grâce au soutien du réseau Help et à une assistante sociale, qui a su lui expliquer quel comportement adopter dans ce type de situation. “Ce n’est pas tous les jours faciles, mais à quoi bon s’énerver ? Je préfère rester positif”, glisse le retraité, l’œil rieur.
La méditation comme nouvelle alliée
Un sentiment qui prédomine dans sa façon de tout gérer et force l’admiration. “J’ai toujours eu cette vision de la vie qu’il faut toujours aider les autres. Nous sommes mariés pour le meilleur et pour le pire”, assène-t-il avec conviction.
Et lorsque le moral n’est pas au beau fixe, que lui aussi a besoin de repos, Paul se tourne vers la méditation, sa nouvelle alliée. “Ça m’aide beaucoup ! Ça et le jardinage aussi. Et bien sûr je regarde le sport à la télévision, ça m’aide à me vider la tête ».
L’homme de 77 ans n’ose d’ailleurs pas partager sa charge de travail, avec ses enfants notamment. “C’est à moi de gérer tout ça. Je sais qu’ils viendront si je leur demande, mais je gère”, assure-t-il.
C’est malheureusement là que réside le “piège” de l’aidant : beaucoup privilégie leur proche malade au profit de leur propre santé, physique et morale.
“Indispensables, mais invisibles”
C’est ici qu’intervient le réseau d’aide de la Croix-Rouge luxembourgeoise, avec notamment l’association Help, qui soutient près de 700 aidants à travers le pays. “Ils sont invisibles, mais indispensables”, appuie Chloé Kolb, chargée de communication pour ce réseau.
Invisibles “aux yeux de l’Etat” selon Paul Graglia, qui juge l’assurance dépendance (qui prend en charge les cotisations pour l’assurance pension, si celui ne dispose pas d’une pension personnelle, ndlr) mise en place par le gouvernement en 2018, insuffisante : “Ils ne nous voient pas, on reste dans l’ombre”.
Alors, il continue de voyager avec Marie, à travers leurs albums photos et leurs souvenirs communs. Ils se remémorent leurs instants passés et rêvent aux voyages futurs, « compliqués” pour l’instant, mais toujours envisageables. Îles de Ré, d’Oléron, côte belge… Et pourquoi pas retourner à Lisbonne, pour revivre leur lune de miel ?
Ce samedi 9 octobre marque la première journée nationale de l’aidant, créée par l’ASBL Help, spécialisée dans l’aide et le soin au Luxembourg.
Une initiative qui devrait devenir annuelle, selon les souhaits de l’association. “Nous voulons mettre en lumière toutes ces personnes qui fournissent un travail essentiel au quotidien auprès de leurs proches”, souligne Chloé Kolb, chargée de communication à la Croix-Rouge luxembourgeoise.
Au programme, “relaxation, sophrologie, concert de musique, café de l’aidant”… Une parenthèse bienvenue pour souffler et avoir l’opportunité de recueillir des informations-clés, de “trouver des réponses à ses questions, à ses difficultés”, et de partager son expérience. “Venez et on vous aidera à trouver des solutions”.
Dudelange, Esch-sur-Alzette, Steinfort… Neuf communes à travers le pays participent à cette première journée ce samedi.
Bonne leçon de courage, d’amour et d’abnégation.
Superbe reportage Sophie Wiessler, merci.