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Glyphosate : on peut s’en passer dans les vignes luxembourgeoises


De nouveaux produits arrivent sur le marché et les grandes marques commencent même à s'intéresser de près à des solutions novatrices. (illustration Jean-Claude Ernst)

À l’Institut viti-vinicole de Remich (IVV), on est formel : la Moselle pourrait se passer du glyphosate sans grand problème. Et pourquoi pas même l’inscrire dans l’AOP ? L’idée, en tout cas, est en route.

Le glyphosate est dans l’œil du cyclone, mais il tient toujours debout. Ses jours, toutefois, semblent comptés tant l’opinion n’en veut plus. À tort ou à raison, d’ailleurs, car d’autres produits phytosanitaires parfois plus nocifs pour la santé et l’environnement passent entre les gouttes. Il n’empêche, se passer du glyphosate sera une bonne nouvelle, attendue par de nombreux consommateurs.

À l’échelle du continent, l’Allemagne a permis de maintenir son autorisation pour cinq nouvelles années. La France, sous l’impulsion de son ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, songe à l’interdire d’ici trois ans sur son territoire. Ce que l’Europe ne pourra pas lui interdire.

Le Luxembourg lui aussi a montré son incompréhension de la volte-face des voisins d’outre-Moselle. Tant la ministre de l’Écologie, Carole Dieschbourg, que le ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen, sont engagés contre une prolongation excessive de l’autorisation d’utilisation du glyphosate. Pour autant, le Grand-Duché n’a pas avancé d’objectif calendaire, comme l’a fait la France. Sans doute que la proximité des élections législatives, en octobre 2018, freine cet élan.

Plus une goutte à Remich

La semaine dernière, à la Chambre des députés, Fernand Etgen avait annoncé qu’il ferait le tour des acteurs pour écouter leurs doléances et déterminer un plan d’action. Si un secteur est d’ores et déjà prêt à avancer sur la question, c’est bien celui de la viticulture. À l’Institut viti-vinicole de Remich (IVV), les vignes de l’État permettent de tester de nouvelles pratiques et de nouveaux produits. Depuis l’an dernier, par exemple, plus une goutte de glyphosate n’y est utilisée.

Serge Fischer, chef du service Viticulture de l’IVV, explique : «Dans la vigne, les herbicides sont utilisés sur 20% de la surface : uniquement sous les ceps. Ils permettent d’éviter la végétation qui deviendrait problématique pour l’aération des grappes.» Cette aération est primordiale puisque les maladies cryptogamiques (mildiou, oïdium…) ont besoin d’humidité pour se développer, il est donc impératif que l’air puisse circuler autour des baies pour les sécher.

Pour désherber, précise Serge Fischer, il n’y a que trois possibilités : «La solution mécanique avec des machines qui retournent la terre entre les ceps, la solution chimique qui est la plus facile, la moins chère et la plus rapide, et la solution thermique, on peut effectivement brûler cette végétation non désirée.»

La solution mécanique est de plus en plus utilisée car les fabricants sortent enfin du matériel adapté. Et depuis trois ans que le nouveau plan de développement rural est en place, des aides de l’État soutiennent l’équipement des agriculteurs, et donc des viticulteurs. «Beaucoup de vignerons sont désormais sensibilisés à l’aspect écologique de leur travail et ils sont nombreux à avoir investi dans ces nouvelles machines», soutient Serge Fischer.

Un herbicide à base d’acide gras de colza

Le souci, c’est que cette solution n’est pas applicable partout. D’une part, les terres lourdes ne sont pas idéales pour ces appareils. Et d’autre part, il subsiste des parcelles où ce moyen d’action est impossible. Il s’agit des vignes plantées sur des terrasses étroites dans de fortes pentes. Soit l’espace entre les rangs est trop étroit pour y passer en tracteur, soit il faut préserver les talus qui permettent d’éviter une érosion du sol toujours très dommageable.

Dans ces vignes difficiles d’accès (environ 10% du vignoble luxembourgeois), se passer d’herbicides chimiques est objectivement compliqué. La seule solution étant un travail de binage et de fauche manuels, évidemment très chronophage.

Mais de nouveaux produits arrivent sur le marché et les grandes marques commencent même à s’intéresser de près à des solutions novatrices. Ainsi l’IVV teste depuis l’an dernier un herbicide naturel qui s’avère très efficace : le Beloukha. «Il est conçu à partir d’acide gras naturel extrait du colza, explique-t-il. Son principe actif détruit la cuticule des feuilles (NDLR : la membrane imperméable) et la plante dessèche sous l’action du soleil.»

300 euros l’hectare

Photos avant/après à l’appui, Roby Mannes – également du service Viticulture de l’IVV – montre l’effet de ce produit créé par une petite entreprise française et racheté récemment par une grande firme belge : pas de doute, «ça marche !». Lors de l’application, il n’y a qu’une contrainte, la présence obligatoire du soleil.

Le Beloukha est homologué au Grand-Duché, tout un chacun peut donc l’utiliser. Bien que complètement naturel, il ne fait toutefois pas partie de l’arsenal bio, qui ne reconnaît pas les herbicides. Comme ses nouveaux concurrents qui ne manqueront pas de venir sur le marché, il représente toutefois une alternative très intéressante qui permet de se passer du glyphosate. Seul inconvénient : son prix. Environ 300 euros à l’hectare, dix fois plus que le glyphosate.

Erwan Nonet

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