Les 64 hectares de friche industrielle de l’aciérie d’Esch-Schifflange vont renaître de leurs cendres. Les projets de quatre groupes d’experts viennent d’être dévoilés. Il s’agit de la base du futur quartier innovateur.
Tout au long de cette semaine, les citoyens avaient leur mot à dire dans le cadre de l’atelier de conception urbaine lancé par la société de développement Agora. Le fait de réunir quatre équipes d’experts internationaux pour élaborer des concepts d’urbanisation de la friche industrielle est novateur. L’exercice a été intense mais réussi, selon les responsables.
Dossier réalisé par David Marques
« Valoriser la mémoire collective »
Composée d’experts anglais, allemands et néerlandais, l’équipe de Hawkins Brown propose aux décideurs un concept basé sur la revalorisation de la «mémoire collective». Le futur quartier doit, selon les concepteurs, témoigner de l’histoire industrielle du site tout en écrivant de nouveaux chapitres. «Les vestiges industriels ne doivent pas seulement être une coulisse», souligne l’une des expertes du projet.
La tour de refroidissement située près du four électrique sur le côté eschois du site doit rester partie intégrante de ce premier projet. Elle pourrait même servir de point de vue panoramique. Le four électrique doit aussi être conservé, éventuellement pour y implanter un musée. La ruelle qui a hébergé les ateliers est aussi partie intégrante de ce projet. Il en va de même des halles de l’ancien laminoir, pour y créer notamment un grand espace publique couvert ainsi que des logements. Les autres quartiers résidentiels seraient notamment localisés le long de l’Alzette. Comme demandé par Agora, toutes les équipes misent en effet sur des concepts pour permettre à cette rivière de refaire surface et d’être même renaturée et élargie.
Le tout doit permettre au quartier de se forger une identité, une mobilité durable, des infrastructures sociales et des espaces publics.
« Écouter les gens et les lieux »
L’équipe belgo-italienne, qui a notamment réuni des experts milanais et bruxellois, a voulu «écouter les gens et les lieux» pour établir son concept. «Pendant la journée, en soirée ou même pendant la nuit, on vit le site différemment», note Paola Vigano.
La spécificité de ce projet est de miser sur le dénivelé du site, dont les trois plateaux pointent à 293, 287 et 283 mètres. Il s’agit du passage du four électrique vers les halles du laminoir jusqu’à l’ancien portail d’accès central, situé à Lallange.
L’installation d’un parc est l’un des éléments centraux. Venant depuis le centre commercial, également situé à Lallange, mais qui va disparaître à terme, ce parc doit permettre d’accéder au nouveau quartier en toute quiétude. Inspiré par un citoyen, les concepteurs ont même intégré une plage le long de l’Alzette à leur projet.
Autre élément novateur : le recyclage. Les experts italiens et belges ne comptent pas exporter les sols contaminés. Il s’agit d’en faire le meilleur usage possible sur le site même. «Il faut résoudre le problème à l’intérieur du site», clament les concepteurs.
Cette même équipe souhaite aussi conserver le four électrique, baptisé le «dinosaure», ainsi que la tour de refroidissement. Seule différence notable par rapport aux autres projets : la voiture –et, donc, les parkings– joue un rôle plus central.
« Fabriquer une ville flexible »
Baptisés COBE, les experts danois et luxembourgeois ont décidé de «fabriquer une ville» sur les friches d’Esch-Schifflange. Cette dernière doit être «flexible», selon les concepteurs.
«Notre intention est de transformer ce site unifonctionnel en un quartier multifonctionnel», explique l’un des experts danois. Comme leurs collègues, ils ont beaucoup misé sur l’intégration des sites naturels encerclant les lieux dans leur projet. Et comme pour l’équipe belgo-italienne, le recyclage joue un rôle clé dans leur concept. Autre parallèle: le chapitre consacré à l’assainissement des sols.
Pour ce qui est des vestiges industriels, l’équipe luxo-danoise souhaite conserver le four, les spectaculaires poches de coulée, les ateliers ainsi que les halles du laminoir.
Le vélo et les pistes cyclables sont la base du concept de mobilité, qui va également intégrer une nouvelle gare ferroviaire, le bus à haut niveau de service pour la région Sud ainsi que le tram rapide qui, à terme, doit relier Belval à Luxembourg. Ces trois derniers éléments se trouvent d’ailleurs dans les projets des trois autres équipes.
Les Danois veulent lancer les travaux par la renaturation de l’Alzette et un premier quartier résidentiel situé à l’extrémité du site. Cela permettrait de maintenir en état les halles du laminoir, éventuellement pour permettre à l’année culturelle Esch2022 de les exploiter.
« Une ville à pied »
Des experts français et suisses se sont retrouvés sous le nom d’Ilex pour soumettre un projet d’urbanisation de la friche aux décideurs. Leur fil rouge est de créer un quartier aux différentes ambiances et facultés. Près de 60% du site doit être consacré à des espaces publics. Un autre objectif est de «reconquérir la nature».
Contrairement aux autres équipes, les spécialistes franco-suisses n’ont pas intégré la tour de refroidissement dans leurs plans. Par contre, ils misent sur une véritable allée boisée pour connecter le centre-ville d’Esch au nouveau quartier. Même une réinstallation de la passerelle vers le Galgenberg, démontée il y a quelques années, est envisagée.
Globalement, cette dernière équipe en lice veut miser sur «le silence» et, donc, «une ville à pied». «Sans aucun bruit, les sens se réveillent au bout de 2-3 jours», avance un spécialiste suisse. Le but est donc de donner la priorité aux piétons, aux transports en commun et à la mobilité douce. Les voitures doivent être tenues en dehors du site. «Le plus longtemps possible sur l’autoroute», clame cette équipe. Des parkings seront ainsi installés tout autour du futur quartier, avec une concentration plus importante au bord des bretelles autoroutières (Lallange). Reste à convaincre le jury et, à terme, une population dont l’amour passionnel pour son parc automobile est bien connu.