La salle historique d’Esch-sur-Alzette a fermé ses portes début janvier, sans faire de bruit. Raymond Massard, président de l’ASBL gestionnaire, s’explique.
C’est une petite mort qui a surpris de nombreux Eschois et, du coup, la fin d’un mythe sans fleur ni couronne.
À travers la vitre, on regarde désormais le Ariston comme Cabrel chante les manèges d’antan : «Tournez jolies girouettes / Fusées de carton / Comme la vie est mal faite / Un jour les enfants s’en vont».
La salle historique d’Esch-Sur-Alzette, ouverte en 1962, a baissé le rideau début janvier.
Une fin symbolique, avec le film Star Wars VII, Le Réveil de la force.
La force justement, l’association Images animées, gestionnaire de la structure depuis 2006, ne l’avait plus. «Nous avons porté la salle à bout de bras, dans une certaine indifférence, lâche Raymond Massard, le président de l’ASBL. Il y a la place pour du cinéma de proximité, encore faut-il être aidé.»
Raymond Massard, figure des exploitants cinématographiques au Grand-Duché – quatre générations à Rumelange ! – pointe une double défaillance : celle de la municipalité eschoise et celle, plus épineuse du Centre de diffusion et d’animation cinématographique.
Concernant la municipalité eschoise, le verdict du président est sans appel : «Toutes les salles associatives sont subventionnées. Qu’avons-nous reçu à Esch en dix ans d’exploitation ? Rien.» Une absence d’autant plus remarquée que la salle, propriété de l’Église depuis toujours, était vieillissante. «L’Église n’a jamais voulu rénover les lieux, la municipalité n’a jamais mis la main à la poche. Une association comme la nôtre, qui embauche quatre personnes, n’aurait pas pu financier un tel chantier.» Raymond Massard décrit des sanitaires vieillissants, des rafraîchissements nécessaires, un passage au numérique dans la douleur… «Le rôle de l’ASBL est d’abord d’assurer la programmation et l’ouverture quotidienne.»
Reconversion difficile
Malgré une certaine aigreur, le président reconnaît d’autres facteurs : l’implantation d’Utopolis-Belval dès 2008, l’impossibilité de changer le Ariston en cinéma d’art et essai aussi. «Nous avons longtemps eu un bar-bowling-discothèque en dessous de la salle», décrit Raymond Massard.
Pourtant, en 2006, la reprise s’annonçait bien. Dès 2007, la salle attirait 26 000 spectateurs. «Les choses n’ont fait qu’empirer, nous avons été étranglés par la nécessité d’investir, insiste Raymond Massard. Ça s’est terminé par des séances trois jours par semaine seulement. La commune s’est penchée sur notre cas en 2014, trop tardivement. Ils disent qu’ils veulent le reprendre, j’attends de voir.»
Le cinéma n’est plus qu’une carcasse vide, en plein centre-ville. «Ça va susciter beaucoup de nostalgie», estime Maxime, un trentenaire qui visiblement, se souvient autant des films que des jolies filles que l’on croisait dans le clair-obscur de ces salles, que l’on croyait au charme intemporel.
Hubert Gamelon