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Dudelange, septembre 44 : le sanglant retour des nazis


Le bourgmestre de Dudelange, Dan Biancalana, s'est notamment chargé de rappeler les faits de ce tragique 1er septembre 1944 (Photo Julien Garroy).

Ils pensaient être libérés le 1er septembre 1944. Mais les Allemands sont revenus le lendemain et ont tiré dans le tas. Six Dudelangeois sont morts il y a 75 ans. Les commémorations ont eu lieu lundi soir.

L’émotion était palpable lundi soir au centre culturel Opderschmelz de Dudelange. En présence du Premier ministre, Xavier Bettel, les responsables de la Forge du Sud ont commémoré les 75 ans d’un jour noir pour la commune sudiste.
«Le 1er septembre 1944, la place de l’Hôtel-de-ville était noire de monde. L’espoir était grand de voir arriver les troupes américaines via Volmerange. L’occupant nazi avait quitté la ville. Mais le lendemain, la Waffen-SS est revenue…», rappelle le député-maire de Dudelange, Dan Biancalana. Il y a 75 ans, les habitants pensaient en effet que l’occupation, qui perdurait depuis le 10 mai 1940, allait enfin prendre fin. «Les troupes allemandes ont quitté Dudelange en direction de Hellange. Elles s’étaient encore emparé de 12 485 Reichsmark des caisses communales avant de partir», indique l’historien Jean Reitz, conférencier de la cérémonie de commémoration.
Des rumeurs avaient fait le tour de la ville disant que les troupes américaines se trouvaient à quelques kilomètres de la frontière franco-luxembourgeoise, non loin de Volmerange-les-Mines. «La population n’avait plus les moyens d’écouter la radio», précise Jean Reitz. Malheureusement, car les Américains n’avaient pas encore quitté Sedan, ville éloignée de 120 kilomètres du Grand-Duché, en ce début septembre 1944.

Le drapeau national mitraillé

Le drame débuta alors. Le matin du 2 septembre, les clochers de l’église paroissiale de Dudelange sonnaient pour célébrer la fin de l’occupation. La population attendait impatiemment les libérateurs américains devant l’hôtel de ville. Les habitants avaient ressorti les drapeaux luxembourgeois, tenus en cachette pendant l’occupation. Les panneaux de signalisation allemands avaient été arrachés des murs et les symboles nazis brûlés. «L’euphorie qui avait gagné la population s’est brutalement envolée. Vers 14 h, deux camions de la Waffen-SS ont remonté la Niddeschgaass, l’artère centrale du centre de Dudelange, alors baptisée rue Adolf Hitler. Surpris par le rassemblement populaire, les soldats se sont mis à tirer dans le tas. Le drapeau luxembourgeois hissé sur l’hôtel de ville a été détruit à l’aide de mitraillettes», évoque Jean Reitz. Les impacts sont toujours visibles à côté de l’horloge de l’hôtel de ville.
Dans la foulée, une véritable chasse à l’homme s’est mise en place. Elle coûtera finalement la vie à six Dudelangeois, dont une petite fille de 9 ans. «J’ai lu son nom, Nicole Fossati, sur la plaque de commémoration. Elle venait de fêter son anniversaire. Pourquoi a-t-elle été tuée? La guerre se résume à la volonté d’ôter l’avenir et la vie aux gens», dira lors de la cérémonie le Premier ministre, Xavier Bettel. «La rage d’un régime sans scrupules a parlé. Des victimes humaines inutiles ont été faites, une semaine avant la libération du pays», complète le bourgmestre Dan Biancalana.

Le Prince Jean accueilli triomphalement

Le cauchemar prendra seulement fin le 9 septembre avec l’arrivée au Luxembourg des premières troupes américaines. La capitale sera libérée le lendemain. Mais les Dudelangeois, tellement éprouvés, ont dû attendre en vain l’arrivée des troupes américaines. Les émissaires de la commune n’ont pas réussi à convaincre les Américains de leur accorder une libération symbolique. «Par hasard, un des émissaires est finalement tombé au quartier général sur le Prince Félix. Il a promis de se déplacer à Dudelange à bord d’un char américain», détaille Jean Reitz.
L’époux de la Grande-Duchesse Charlotte a tenu parole. Le Prince Félix a été accueilli triomphalement avec son fils, le Prince Jean, le 12 septembre 1944 à Dudelange. Tous deux avaient participé au débarquement en Normandie. Le jeune Prince Jean, qui allait devenir Grand-Duc, a été porté sur les épaules des Dudelangeois, qui ont payé un lourd tribut pour retrouver la paix et la liberté. Le 16 septembre 1944, une grande fête de la libération est venue clôturer ce chapitre tragique de l’histoire de la Forge du Sud. Et il n’est pas prêt d’être oublié.

David Marques