L’utilisation des drones pour traiter les vignes contre les maladies n’est pas une lubie. Les tests menés pendant trois ans par l’Institut viti-vinicole le démontrent.
Roby Mannes travaille au service Viticulture de l’Institut viti-vinicole (IVV), à Remich. Il teste et expérimente de nouvelles pratiques sur les vignes de l’État et se doit donc d’avoir un coup d’avance sur les questionnements des vignerons et l’arrivée de nouveaux appareils. En 2016, il lançait ainsi un projet de trois ans qui visait à évaluer la pertinence de l’utilisation de drones pour la pulvérisation des vignes.
Pour obtenir des résultats exploitables, il a mis en place une procédure scientifique. Sur une parcelle de 20 ares plantés de pinot blanc, il a traité des ceps depuis les airs avec le drone, depuis le sol avec un pulvérisateur tunnel (un appareil dont on peut contrôler très précisément l’ouverture des buses) et il a laissé vierge de toute application (et protégées par des bâches lors des traitements des ceps voisins) des vignes de référence. Les huit pulvérisations annuelles étaient réalisées le même jour.
Roby Mannes vient de livrer les résultats de cette expérience et il est affirmatif : « traiter les vignes avec des drones est tout à fait faisable ! ».
Une application précise
Le drone vole à un mètre au-dessus des vignes. C’est évidemment beaucoup moins que l’hélicoptère (15 mètres) et cela permet de diffuser les produits avec une grande précision. Du fait de cette proximité, les traitements parviennent bien sur les feuilles et sont très peu dispersés par le vent, un gage d’efficacité.
En 2018, par exemple, les feuilles des vignes non traitées ont été touchées à 38,9% par le mildiou tandis que celles traitées par le pulvérisateur depuis le sol ont été marquées à 1,28% et celles traitées par le drone à 3,56%. « L’application terrestre est meilleure, mais celle par drone reste très bonne et largement suffisante », assure Roby Mannes.
Petit bémol, l’application par drone est excellente sur le dessus des feuilles mais les traitements atteignent difficilement la face inférieure. Ce n’est toutefois pas un problème lorsque l’on utilise des produits systémiques (qui pénètrent dans la plante) ou le soufre, qui œuvre par évaporation.
Une aire d’utilisation large
Jusqu’à ces dernières années, l’hélicoptère était majoritairement utilisé pour traiter les vignes mais son périmètre d’action se réduit de plus en plus. Il est désormais interdit de pulvériser une parcelle située à moins de 20 mètres d’une habitation ou d’un jardin. L’urbanisation des coteaux réduit considérablement les zones autorisées. À Ehnen, par exemple, il n’est plus possible de l’utiliser.
« Nous revoyons régulièrement la cartographie des limites de vol, explique Roby Mannes. Nous sommes même parfois obligés de couper en deux les grandes parcelles où une des limites est proche d’une zone interdite mais pas le reste de la surface. Mais même dans ce cas, les vignerons préfèrent souvent passer avec les machines partout pour avoir un traitement homogène et abandonnent l’hélicoptère. »
Légalement, jusqu’à présent, le drone est considéré comme un moyen terrestre et pas aérien, on peut donc l’utiliser partout. Avec sa faible envergure et sa précision de vol (guidé par GPS et radar) il peut même survoler les vignes qui jouxtent des obstacles naturels, lisières de forêt ou falaises par exemple.
Le drone permet également d’éviter de sortir le tracteur pour traiter les vignes. Non seulement les sols ne sont pas tassés par le passage des machines, ce qui nuit à la biodiversité, mais cela permet aussi de protéger les ceps lorsque les conditions sont difficiles, après une grosse pluie par exemple, lorsqu’il est dangereux de manier le tracteur sur un terrain boueux en forte pente.
Parfait pour une viticulture de précision
Un des inconvénients majeurs de l’hélicoptère vient de la lourdeur de l’organisation de ses vols. La société qui preste ce service est allemande et ne traite pas que les vignes luxembourgeoises. Les intervalles sont donc déterminés longtemps à l’avance et il est très compliqué de les modifier.
Le drone, lui, est beaucoup plus flexible. S’il est indispensable d’avoir l’autorisation de la Direction de l’aviation civile (DAC) pour le sortir, elle s’obtient rapidement et les vignerons peuvent s’adapter à la météo pour traiter au meilleur moment. Un avantage certain tant au niveau de l’efficacité de l’opération que de la quantité de produits utilisés à l’année.
Alors que toute la Moselle s’oriente vers une production de plus en plus qualitative et respectueuse de l’environnement, ce sont des éléments intéressants à prendre en compte.
Un matériel qui évolue
Le drone utilisé pour les tests était un appareil de première génération sorti des usines de DJI en 2015. Il est muni de huit rotors, de quatre buses, d’une pompe et est capable d’emporter 10 litres de traitements.
Le dernier modèle de la même marque est bien plus efficace puisqu’il est équipé de quatre pompes, de huit buses et peut emporter 20 litres de produits. « Le drone du test pouvait traiter 0,7 hectare à l’heure alors que sur la même durée, un nouveau peut en faire 1,7 », précise Roby Mannes.
Qui plus est, les prix baissent ce qui rend les drones plus accessibles, même s’ils ne sont pas donnés (entre 4 et 5 000 euros).
Quel avenir au Luxembourg ?
Les différents tests effectués au Grand-Duché sont positifs. L’an dernier, pour la première fois, un domaine privé (L&R Kox, à Remich) avait également utilisé un drone sur une parcelle. Plusieurs vignerons s’étaient intéressés de près à cette expérience menée par Corinne Kox et Luxaviation, l’opérateur du drone. Car il n’est pas évident de piloter ce type d’engin qui peut peser jusqu’à 40kg.
Il s’agit d’une des limites de l’utilisation des drones. Si un vigneron souhaite en utiliser, il doit se former ou faire appel à un prestataire. Le fait que Luxaviation soit déjà dans la boucle est certainement un point positif.
Mais pour qu’il devienne une option réellement plausible, un seul drone ne suffit pas. En revanche, il est d’ores et déjà possible de les faire voler en essaim. Compte tenu de la taille moyenne des exploitations au Luxembourg, on peut imaginer que cinq drones permettraient de répondre aux besoins de la majorité des exploitations.
À l’heure actuelle, les différents observateurs estiment peu probable qu’un système similaire à la coopérative qui gère l’hélicoptère voit le jour pour les drones. Cela pourrait cependant être une solution.
De notre collaborateur, Erwan Nonet