La Provençale, en partenariat avec quatre familles d’aviculteurs, va lancer une gamme de poulets élevés au pays, sans OGM et dans le respect d’une agriculture durable.
Un Luxembourgeois consomme en moyenne près de 20 kg de volaille par an, soit un peu moins que la moyenne annuelle européenne qui est d’environ 23 kilos. Mais seulement 1,3% de la consommation totale de volaille au Grand-Duché provient d’une production nationale. «Avec très peu de fermes avicoles de capacité importante, le marché n’a donc d’autre choix que de s’approvisionner auprès des pays voisins qui fournissent actuellement plus de 98% de la volaille consommée», indique la Provençale, le géant national de la distribution de produits alimentaires.
Pourtant, la population semble désirer plus que jamais des aliments de qualité issus d’une agriculture durable et locale. La Provençale a donc décidé de se saisir de ce débouché et après quatre ans d’études et de concertations, en partenariat avec quatre familles d’aviculteurs luxembourgeoises (la famille Annet à Weiler, la famille Kaes à Bastendorf, la famille Thiry à Schouweiler et la famille Zigrand à Niederpallen), l’entreprise s’apprête à lancer sur le marché une toute nouvelle gamme de poulets entiers et de découpes baptisée «Lët’z Poulet».
«Nous projetons avec cette filière de couvrir 2,5% de la consommation nationale, soit 300 tonnes de poulet, ce qui correspond à 4 200 poulets par semaine. Une fois le lancement réussi, nous envisagerons de doubler ce volume», annonce Georges Eischen, associé-gérant de la Provençale. Pas question donc à l’heure actuelle de couvrir plus de 20% du marché. «On préfère rester humble», insiste le patron, qui mise à fond sur la qualité de cette nouvelle filière, entre bien-être animal et volailles nourries à partir de céréales locales garanties sans OGM.
Respect du bien-être animal
Pour commencer la production, quelque 8 400 poussins issus d’un couvoir situé en Wallonie (le Luxembourg n’en disposant pas), sont acheminés tous les 15 jours aux fermiers après un examen vétérinaire et vaccination. 53 jours durant («contre 32 à 35 jours pour un poulet standard à croissance rapide»), ils seront élevés dans l’un des cinq poulaillers construits expressément dans le cadre de ce projet, nourris d’après un régime élaboré par un nutritionniste jusqu’à ce qu’ils atteignent environ 2 kg, afin de correspondre au 1,3 kg standard prêt à la consommation.
«Des ouvertures sur le toit du poulailler apportent de la lumière naturelle. Un système de ventilation permet de renouveler l’air et un système de brumisation a été installé pour les mois chauds afin de garantir le bien-être animal», décrit Georges Eischen. Le sol du bâtiment, en béton, est quant à lui recouvert d’une litière épaisse, faite de copeaux ou de paille. «À la fin de l’élevage, le poulailler est entièrement nettoyé, désinfecté, et on procède à un vide sanitaire de dix jours avant la mise en place d’une nouvelle litière», précise le patron. Compromis entre un poulailler totalement fermé et un parcours entièrement libre (qui exposerait davantage les volailles à la grippe aviaire et aux renards, et pourrait aussi contaminer les nappes phréatiques), les poulaillers ont tous été agrémentés d’un «jardin d’hiver», une petite parcelle en extérieure, grillagée et recouverte d’un toit, pour permettre aux animaux de prendre l’air.
Un revenu minimum garanti dix ans
Concernant le nombre de poulets au mètre carré, la filière Lët’z Poulet assure respecter une densité inférieure à la directive européenne de protection des poulets de chair (c’est-à-dire destinés à la consommation), laquelle permet d’entasser les poulets jusqu’à 42 kg/m². «Nous nous sommes limités à 33 kg/m²», indique le responsable qualité de la Provençale, Philippe Brulet. Sachant que les poulets sont abattus à 2 kilos, cela correspond à une quinzaine de bêtes environ.
Pas d’antibiotique en amont non plus pour la volaille, certifie le responsable qualité. «Les poussins sont soignés s’ils sont malades, mais il n’y a pas d’additifs préventifs». En outre, il ne sera pas procédé au broyage des poussins mâles comme cela a pu être constaté dans certaines filières de pontes. «Les poussins sont sexés à la naissance et les poulets sont destinés à la consommation, c’est donc différent. Nous gardons les mâles et les femelles», confirme-t-il.
Mais surtout, cette coopération se veut garante d’une agriculture équitable, en assurant aux aviculteurs un revenu minimum pendant dix ans. C’est d’ailleurs ce qui a poussé Claude Thiry à se lancer dans l’aventure aux côtés de la Provençale. Ce fermier laitier a suivi une formation en ligne dispensée par l’Institut technique de l’aviculture (ITAVI) pour devenir aviculteur et participer au projet Lët’z Poulet. «C’est difficile en tant que cultivateur de gagner sa vie, on cherche donc toujours à se diversifier. Et ce partenariat garantit un revenu. Pour nous, c’est vraiment très important de mettre en avant les agriculteurs luxembourgeois, c’est quelque chose qu’on espérait depuis longtemps.»
Tatiana Salvan