Ce n’est pas parce qu’on veut, qu’on peut. Parfois l’univers (ou du moins les administrations) conspire à vous rendre la tâche particulièrement difficile. Je le découvre avec le nouveau pass sanitaire.
Il n’y a pas que sur les routes que le passage de la frontière franco-luxembourgeoise n’est pas toujours évident. Travailleuse frontalière depuis plusieurs années et habituée à un certain confort administratif grâce aux nombreux accords qui existent entre la France et le Grand-Duché, le covid me rappelle, si besoin était, que je vis et travaille bien dans deux pays différents et que l’automatisation ne va pas de soi.
Une méconnaissance de la procédure à suivre et la faute à pas de chance font qu’aujourd’hui je me retrouve en télétravail forcé. Une aubaine, diront certains ! Je ne me plains pas, j’ai en effet cette chance et cette possibilité. Mais quid de ceux pour qui ce n’est pas le cas ?
Mon pass sanitaire n’est en effet pas valide au Luxembourg. J’ai l’impression d’être une fraudeuse, une antivax de première, une rebelle au système (ce que je suis dans d’autres domaines, je l’avoue !). Pourtant, là, j’ai fait les choses en bonne et due forme.
C’est au moment de faire ma troisième dose de vaccin contre le covid début janvier que, face à certains symptômes, la pharmacienne préfère me soumettre à un test antigénique. La réponse tombe 15 minutes plus tard : «Vous n’allez pas pouvoir faire le booster, c’est positif !»
Si les conséquences du vaccin injecté sur une personne ayant le covid ne semblent pas faire consensus, pour ma pharmacienne, c’est clair : «Ça ne sert à rien et ça n’est pas bon du tout pour votre système immunitaire !»
Pass «refusé»
Me voilà donc en route pour me rendre chez mon médecin (qui ne fait pas de téléconsultations, heureusement que je ne suis pas à l’agonie et que ce jour-là son cabinet est vide) pour obtenir un arrêt maladie.
C’est là la première déconvenue en effet : il m’informe que de nombreux frontaliers ont des problèmes de reconnaissance par la CNS de l’arrêt maladie fourni automatiquement par la Sécurité sociale (la CNS française), ce document n’étant pas signé.
S’ensuit la deuxième déconvenue : mes deux premières doses ne s’avèrent plus valables au 16 janvier, j’ai atteint les six mois réglementaires pile au moment où le nouveau pass sanitaire entre en vigueur en France et où le Covid Check au travail est mis en place au Luxembourg. Il me faut donc attendre le certificat de rétablissement qui sera fourni onze jours après le test positif.
Certificat qui, je le découvre, n’est pas un véritable document ou un nouveau QR code, mais simplement le QR code du test positif mis à jour sans aucune information pour l’indiquer (le QR code en question indique toujours «positif» et c’est celui-là qu’il faut montrer, pas le résultat négatif).
Forte de ce QR code rafraîchi, je me rends enfin à nouveau sur mon lieu de travail : «Refusé». Au restaurant : «Refusé». À une conférence : «Refusé». Si ce certificat de rétablissement fonctionne en France, je découvre qu’il ne passe pas automatiquement au Luxembourg.
La pharmacie ne sait pas quoi me répondre, la Sécurité sociale me renvoie vers l’assistance téléphonique française consacrée au covid – je n’aurai jamais personne au bout du fil. J’appelle la CNS, qui me renvoie quant à elle vers la hotline luxembourgeoise.
Au bout de 25 minutes, une dame fort sympathique prend mon appel et m’indique enfin la marche à suivre : malgré l’envoi de mon arrêt maladie, j’aurais dû faire une déclaration de cas positif sur le site covid19.public.lu.
À l’instar des «nombreux» autres frontaliers dans le même cas que moi aujourd’hui, dit-elle, il me faut envoyer un mail reprenant les principales données de ce formulaire initial et ma fiche de résultat positive au covid au ministère de la Santé (declarationcovid@ms.etat.lu) pour obtenir un certificat de rétablissement par le Luxembourg.
Tous les jours un test ?
Depuis près d’une dizaine de jours, cette situation ubuesque a des répercussions sur mes collègues, obligés d’adapter l’agenda à cette contrainte que je leur impose. Je ne suis cependant pas mal lotie : je ne suis pas obligée de me rendre sur un chantier et mon patron ne m’oblige pas à écouler mes jours de congé en cette fin janvier pluvieuse. Toutes les entreprises ne pourront ou ne voudront pas se montrer aussi compréhensives.
Alors certes, je pourrais faire tous les jours des tests, mais à mes frais (alors que je ne suis pas contre le protocole imposé, puisque je l’ai suivi), mais surtout, cela implique de me rendre tous les jours dans des laboratoires déjà débordés, faire la queue pour ne peut-être pas recevoir à temps le résultat qui me permettrait d’honorer mes rendez-vous matinaux.
Dépitée, j’ai été jusqu’à demander qu’on m’injecte malgré tout cette troisième dose ! Ce qui pour des raisons évidentes a été refusé : je devrais bel et bien attendre trois mois avant d’avoir le booster.
Pour l’instant, je n’ai toujours pas entre mes mains le fameux laissez-passer. La mise en place abrupte du système, en plein essor du covid (avec quelque 3 000 contaminations par jour au Luxembourg et des centaines de milliers en France) et alors que beaucoup de personnes arrivent à l’échéance de leurs deux premières doses, ne pose des problèmes pas seulement aux antivax ou aux gens de mauvaise volonté, qu’on se le dise.
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