La révision de la Constitution du pays se superpose aux réaménagements de la place de la Constitution. Une occasion unique pour trois hommes de lancer un appel à une revalorisation de celle-ci.
Trois hommes se sont rencontrés à l’occasion de la Fête nationale et, spontanément, l’idée du président de la Cour administrative et vice-président de la Cour constitutionnelle, Francis Delaporte, a séduit les deux autres interlocuteurs, à savoir le député-président Mars Di Bartolomeo, le président de la Commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle de la Chambre, et le désormais président honoraire de la Cour constitutionnelle, Jean-Claude Wiwinius.
Francis Delaporte, président de la Cour administrative et vice-président de la cour constitutionnelle relate comment a mûri cette idée dans son esprit : «Il s’agit d’un présent d’anniversaire pour Monsieur Jean-Claude Wiwinius que cette lettre ouverte (adressée au gouvernement et à la bourgmestre de Luxembourg), car nous l’avons cosignée le dernier jour où il exerça ses fonctions, vendredi dernier, alors que tout avait été convenu le jour de la Fête nationale, lorsqu’il était encore en fonction. Pour nous, juristes, et pour ceux qui travaillent à la Cour constitutionnelle, la Constitution est ce qu’il y a de plus précieux au niveau national ! Elle est fondamentale et consacre l’État de droit. Grâce à elle, notre quotidien doit être régulé par la norme de droit, afin que les relations sociales se passent de manière civilisée. Or la place de la Constitution porte ce nom depuis les années 1870, mais peu de gens savent ce qu’elle représente, malgré le fait qu’ils connaissent la Gëlle Fra. Nos aïeux ont déjà pris le soin de la nommer ainsi et il serait bien, que de nos temps, où tout est visuel, l’on puisse visualiser la Constitution : c’est cela l’idée ! Car nous sommes d’avis que trop peu de gens savent qu’il y aura une révision de la Constitution. Il faut mettre au diapason tous les habitants du pays avec ce texte qui est primordial qui garantit notre bien vivre-ensemble», souligne Francis Delaporte.
«À la croisée des chemins»
Et d’ajouter : «Cette démarche est faite pour que l’on prenne conscience de ce texte fondateur de 1948, qui garantit les libertés fondamentales, lesquelles ont quand même été malmenées ces derniers temps.» Le courrier adressé à l’État et à la Ville a donc pour but de lancer des idées pour les inspirer et les éclairer dans le cadre de leur projet d’aménagement de la place. Outre l’idée de visualisation, le plus important est quand même de donner des informations et des approches aux jeunes, afin qu’ils s’y intéressent. Surtout pour qu’ils s’intéressent à la chose et comprennent d’où viennent les libertés fondamentales, telles que les libertés de circuler, de s’associer, d’exprimer ses opinions… «Il s’agit d’un ancien et long combat et il faut l’expliquer à la population. Il y a donc une dimension et une vocation pédagogiques et d’instruction civique. La Constitution est un peu comme une arlésienne, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas se défendre toute seule. Et je suis optimiste quant à la valorisation concrète de la place, en ce sens, car les bonnes idées font leur chemin et parfois d’une manière inattendue.»
Mars Di Bartolomeo et Jean-Claude Wiwinius ont d’emblée trouvé cette idée excellente. Et le député-président de la commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle de la Chambre, Mars Di Bartolomeo, explique pourquoi il allait de soi de cosigner cette lettre ouverte et en explique concrètement ce qui pourrait être envisagé : «La Constitution consacre ce que l’on ressent comme étant normal et évident. Au Parlement, nous avons l’obligation, et nous le ferons, de rapprocher la Constitution de ceux qui sont concernés en première ligne, c’est-à-dire les gens qui vivent au Luxembourg. Et la révision partielle de celle-ci donne une très bonne occasion pour la populariser et la rapprocher des citoyens. Dans cette lettre ouverte, nous proposons des suggestions (telles que la mise en place d’une pierre «fondamentale», originaire du pays et représentative de la loi fondamentale que constitue la Constitution, la création d’un lieu de présentation de la Constitution, la mise en place d’un circuit Unesco afin de mieux symboliser les institutions principales du pays, le développement d’une optique pédagogique et d’instruction civique…)», explique le député.
Avant, pour lui, de poursuivre : «Nous avons estimé qu’il faut donner une impulsion, au moment même où nous nous trouvons à une croisée de chemins : le réaménagement de la place et la révision constitutionnelle. Rappelons aussi que le Parlement est déjà en train de préparer une grande exposition sur les 150 ans de la Constitution, assise de la société. Liberté, résistance, loi fondamentale : tout se retrouve à quelques centaines de mètres entre le Parlement, le Conseil d’État, les juridictions. Tout se prête donc à aller en profondeur pour montrer ce qui est l’ADN de notre État.»
Un cadeau pour Wiwinius
Comme précédemment mentionné, l’initiative trouve son origine dans la volonté d’offrir un cadeau de départ à la retraite au (tout) fraîchement président honoraire de la Cour constitutionnelle, Jean-Claude Wiwinius, lequel salue le geste : «Il s’agit d’une excellente idée. Monsieur Delaporte a joué un rôle de moteur. Je ne serai malheureusement plus en exercice, mais la Cour constitutionnelle fêtera ses 25 ans l’année prochaine. Je pense qu’il est donc évident que la Cour soit associée à cette initiative, d’autant plus que ces dernières années, sous ma présidence, nous avons rendu, selon moi, un certain nombre d’arrêts importants. C’est une bonne chose que la Chambre des députés, la Cour administrative et la Cour constitutionnelle s’unissent pour porter ce projet. Et comme l’idée me semble neutre au niveau politique, je suis donc optimiste que cela se réalise. Et, je le répète, il fallait l’avoir cette idée, et au moment opportun !», conclut Jean-Claude Wiwinius.
Claude Damiani