Ce week-end, à Luxembourg, la Croix-Rouge a tenu son traditionnel Bazar. L’occasion de se faire doublement plaisir : s’acheter des pépites à moindre coût tout en aidant les autres.
Voilà pas moins de 75 ans que la Croix-Rouge met le bazar dans la capitale ! L’organisation avait en effet organisé ce week-end son traditionnel marché, si typique au Luxembourg. Une occasion immanquable de dénicher de jolies choses à quelques semaines des fêtes de fin d’année tout en apportant son aide aux autres : les sommes récoltées serviront en effet à financer des actions en faveur de la jeunesse, au Grand-Duché et dans le monde.
Dans un contexte sanitaire toujours incertain, le Bazar de la Croix-Rouge (qui n’a de bazar que le nom !) s’est réinventé cette année, tant dans sa forme que dans son contenu. Les amateurs d’antiquités avaient ainsi rendez-vous rue d’Eich pour la «Brocante coup de cœur», tandis qu’un grand chapiteau spécialement dressé sur la place du Glacis attendait les visiteurs désireux de trouver des objets artisanaux et design, ainsi que des gourmandises toutes plus appétissantes les unes que les autres.
Place du Glacis, de chaque côté d’une large allée (covid oblige), on pouvait ainsi se procurer aussi bien des bijoux (notamment ceux de la créatrice luxembourgeoise Anne-Marie Herckes, capable de rendre tendance des porte-clés distributeurs de sacs à crottes !) que du petit mobilier, des jouets…
Bonnes affaires
Si les vêtements sont d’occasion – «Mais de très bonne qualité !», certifie Manou Hoss, la présidente de la section locale de Luxembourg – les autres objets sont neufs, achetés pour une somme modique par la Croix-Rouge ou gracieusement donnés par des commerçants. Ainsi cette trentaine d’écouteurs Marshall, vendus en boutique 300 euros l’unité et que l’organisation peut se permettre de revendre à 170 euros.
On y retrouvait aussi les incontournables du Bazar, tels ce parmesan, fabriqué à partir du lait de vaches qui paissent à 2 000 mètres d’altitude dans les montagnes italiennes et qui rencontre chaque année un succès fou, ces plaids et écharpes tissés du Portugal ou encore ces pots de fleurs importés de Toscane. «Il y a des visiteurs qui reviennent exprès pour ces pots fabriqués dans une petite manufacture, dont une famille ici s’occupe d’organiser la livraison pour nous depuis des dizaines années !», témoigne Judith Reicherzer, de la section locale de Luxembourg, chargée de l’organisation du Bazar.
Il y a aussi les créations de start-up : des savons et shampoings solides, des céramiques… Là, les vendeurs reversent un pourcentage de leur vente à la Croix-Rouge. «Le but est de les aider à se faire connaître», explique Judith Reicherzer.
Roland Lannier vient de Thiers, la capitale française de la coutellerie. Depuis quelques années déjà, il fait spécialement le déplacement jusqu’à Luxembourg pour participer au Bazar où il tient un stand. «J’aime passer des moments avec ceux qui me soutiennent», explique-t-il. Ce coutelier à l’humour incisif fabrique des couteaux à usage culinaire d’exception. S’il a délaissé les matières précieuses (il a même fabriqué des manches de couteau à partir de débris de comète !), il se tourne aujourd’hui vers des matières qui ont moins de valeur, mais qui en obtiennent grâce à son travail : des morceaux de guitares, de vinyles, des déchets industriels et même… des pneus ! «Les cuisiniers auront au moins un Michelin !», s’amuse-t-il. Même le prince Guillaume s’en est acheté un, confie Roland Lannier.
Deux cents bénévoles
Au bout du chapiteau, on trouve un stand dédié à l’aide internationale, une première (voir encadré). Ici, on peut recevoir des informations sur les missions menées par la Croix-Rouge luxembourgeoise à l’étranger et acheter des articles fabriqués par des «survivantes», des femmes violées au cours de conflits et qui ont été «réparées» par le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix. La Croix-Rouge luxembourgeoise soutient en effet l’extension et la modernisation de l’hôpital du Dr Mukwege à Panzi, en République démocratique du Congo.
Pas moins de 200 bénévoles se sont mobilisés pour assurer la tenue du Bazar, tous liés par un fort esprit d’équipe et de solidarité. Sivanathan Chitra est de ceux-là. Originaire du Sri Lanka, où elle et sa famille ont toujours participé et organisé des œuvres de charité, elle «voit les besoins des gens et possède ce désir de venir en aide aux plus pauvres». Pas de raison de s’arrêter une fois arrivée au Luxembourg, d’autant plus qu’elle est à la retraite désormais. «J’ai beaucoup de temps maintenant et je veux en donner aux autres. Aider fait du bien aux autres et me fait du bien à moi aussi !».
Un travail récompensé par le succès de ce rendez-vous : pour les seules journées de vendredi et samedi, la Croix-Rouge avait dénombré quelque 2 000 visiteurs. Certains sont des habitués de longue date, à l’instar d’Elisabeth, qui vient au Bazar «depuis au moins 60 ans !».«J’y venais petite avec mes parents, j’y suis allée avec mes enfants et aujourd’hui j’y amène mes petits enfants. C’est l’occasion de faire une bonne action», témoigne cette jeune grand-mère en surveillant les bambins qui s’amusent au stand de Hariko, les services de la Jeunesse de la Croix-Rouge ayant également participé à l’événement cette année.
Même son de cloche pour Charlotte et Dorian, un jeune couple dont les deux enfants attendent impatiemment l’arrivée de saint Nicolas, qui avait, lui aussi, prévu un passage au Bazar. «Je suis déjà venue plusieurs fois. J’aime bien l’atmosphère qui s’y dégage et le fait que ce soit caritatif. En plus, on trouve de belles pièces, notamment pour les enfants», commente Charlotte. «Les pièces en céramique et la gastronomie me font de l’œil, ajoute Dorian. Et puis c’est un bon moment à passer en famille.»
Tatiana Salvan
Pour la première fois au Bazar, la Croix-Rouge avait installé sur son stand entièrement dédié à sa section internationale une réplique de la structure en bois d’un abri d’urgence tel qu’elle en monte par centaines en cas de catastrophe naturelle ou de terrorisme, donnant un aperçu des actions très concrètes menées par l’organisation luxembourgeoise à l’étranger.
La Croix-Rouge luxembourgeoise a en effet mis en place environ 10 000 abris d’urgence dans différents pays, comme le Niger, le Tchad ou encore le Mali par exemple. «Nous ne sommes pas une boîte aux lettres, nous menons des actions concrètes et comptons une vingtaine d’expatriés sur le terrain», explique Rémi Fabbri, directeur de l’aide internationale à la Croix-Rouge luxembourgeoise.
Ce type d’abri, de 6 mètres sur 4 mètres, peut accueillir des familles de 9 à 10 personnes. Le sol est recouvert de nattes locales, et une bâche (achetée en Europe ou au Québec, car plus solide) recouvre quant à elle la structure pour protéger de la pluie. Par-dessus, un filet comme ceux utilisés dans l’agriculture, permet de diminuer l’impact du soleil. En théorie, les familles sont supposées rester six mois dans ces abris. «Dans la vraie vie, c’est plutôt trois à cinq ans», déplore Rémi Fabbri. Une situation dramatique qui risque de s’aggraver encore en raison du réchauffement climatique, dont les humanitaires constatent déjà les effets. Changement climatique qui peut en plus avoir un impact sur le terrorisme, comme l’illustre Rémi Fabbri : «Au Niger par exemple, lorsque le fleuve se dessèche, les terroristes peuvent traverser en voiture! Les villageois de l’autre côté sont donc obligés de fuir!».
Grâce aux sommes récoltées pendant le Bazar, Rémi Fabbri compte poursuivre le développement de projets permettant à des jeunes et leur famille de reconstruire leur vie : «Quand on a tout perdu, un toit au-dessus de la tête, c’est la première étape pour repartir dans la vie et croire à l’avenir», conclut-il.