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Autisme : le témoignage poignant de deux résidents luxembourgeois


Le couple, installé au Luxembourg, raconte la vie de famille avec le défi de l'autisme (photo : Tatiana Salvan).

Pierre, 15 ans, a été diagnostiqué autiste à l’âge de 4 ans. Ses parents, Cathy Fayot et André Weisgerber, ont accepté de témoigner des répercussions du trouble de leur fils sur leur vie.

Des premiers doutes à l’établissement formel du diagnostic, Cathy Fayot et André Weisgerber ont vécu le parcours du combattant. Ils ont ensuite dû s’adapter au trouble autistique de leur fils. Si aujourd’hui le quotidien parvient à être géré, la question angoissante de l’avenir de Pierre demeure vivace.

André Weisgerber et Cathy Fayot ont adopté Pierre lorsqu’il avait 5 mois. «Nous avons très vite eu des soupçons», annonce le couple. «Pierre ne se comportait pas comme les autres enfants : il n’explorait pas le monde de la même façon, il ne cherchait pas à se mettre à quatre pattes ou à attraper ce qu’il voyait. Comme il y avait un cas d’autisme dans la famille, nous avons commencé à faire des rapprochements.»
C’est l’hypersensibilité de Pierre aux bruits qui va définitivement mettre la puce à l’oreille de ses parents. «Le bruit d’un mixeur, de l’aspirateur, d’un camion qui passe, une conversation un peu trop bruyante provoquaient chez lui des crises de panique, des pleurs hystériques. Puis des gestes répétitifs sont apparus.»

Service de rééducation précoce
Commence alors un véritable parcours du combattant, un parcours «douloureux», pour tenter de mettre un mot sur les symptômes que présente le petit garçon. «C’est nous qui avons suggéré l’autisme auprès du pédiatre lorsque Pierre a eu 10 mois. Mais il n’a pas réagi. À l’époque, on ne reconnaissait pas l’autisme si tôt. Il nous a orientés vers un service de rééducation précoce.»
Ergothérapie, natation… Grâce à ce service et à la ténacité de ses parents, Pierre est stimulé et apprend à développer ses muscles, l’hypotonie étant souvent typique de l’autisme. Le diagnostic n’est cependant formellement établi qu’à l’âge de 4 ans, après une batterie de tests effectués au centre hospitalier de Luxembourg.
«À cette annonce, c’est comme si vous êtes sur un vol intercontinental et qu’on vous jette de l’avion dans l’océan. Et par-dessus le marché, vous ne savez pas nager. Il vous faut donc apprendre très vite à nager, et savoir dans quelle direction aller», témoigne André Weisgerber.
«L’idée d’autisme était quand même très présente, on se documentait, on en parlait, car on essayait de trouver la paille à laquelle s’accrocher pour pouvoir avancer, en mettant un nom sur cette problématique, ajoute Cathy Fayot. Aussi, quand le diagnostic a été posé, c’était à la fois une déception, mais également un point de départ.»
La famille entre alors immédiatement en contact avec l’Institut pour enfants autistiques de Leudelange. Pierre est intégré dans une classe du service, où il est toujours actuellement.
L’annonce du trouble autistique de Pierre a indéniablement chamboulé la vie de la famille. André et Cathy sont aussi les parents de Marie, 19 ans, et Lila, 14 ans. «Nous en avons parlé ouvertement et partagé toutes les informations avec nos filles. Elles ont dû apprendre à adapter leur comportement, comme par exemple ne pas chanter trop fort. Elles soutiennent beaucoup leur frère.»

L'association FAL joue un rôle important au Luxembourg (Photo : Alain Rischard)

L’association FAL joue un rôle important au Luxembourg (Photo : Alain Rischard)

«Il y a des choses qu’on ne peut pas faire»
«Ce n’est pas facile tous les jours. On ne peut pas faire ce que l’on ferait avec des enfants « normaux » car Pierre n’est pas conscient des dangers. Nous avons mieux appris à le connaître et à gérer le quotidien, mais par exemple aller dans un endroit qu’il ne connaît pas est très stressant pour lui, et donc pour nous aussi, explique Cathy Fayot. Pour les vacances, l’un de nous part en voyage avec les filles. Et lorsqu’on veut partir tous ensemble, on choisit un endroit tranquille, comme la côte belge.»
L’autisme du garçon a également eu des répercussions sur la vie professionnelle de ses parents. «Je suis photographe indépendant, indique André Weisgerber. J’ai adapté mes horaires en fonction de Pierre. Ça veut dire beaucoup de travail de nuit…»

«Que va t-il se passer quand nous ne serons plus là?»
Pierre a 15 ans aujourd’hui. «Il fait des choses qui sont au niveau d’un enfant de 2 ans, mais en même temps il est intelligent et capable de faire des analyses et des déductions. Les autistes mettent plus de temps à assimiler les informations, car ils sont très précis dans leur façon de procéder. Ils ne sont pas enfermés dans un monde à eux, mais ils n’éprouvent pas le besoin de communiquer», signale le papa de Pierre.
Si la puberté de Pierre se passe bien, ses parents poursuivent le combat quotidiennement. «Le challenge est de continuer à trouver des challenges pour qu’il ne régresse pas, car c’est toujours le danger, il ne faut pas se faire d’illusions.»
La grande inconnue demeure l’avenir, comme l’atteste André Weisgerber. «C’est la grande question des parents : que va-t-il se passer quand je ne serai plus là? C’est très angoissant. Il n’y a pas de structure pour prendre la relève. La Fondation Autisme ne peut héberger qu’une quarantaine de personnes, or on estime qu’il y a 5 900 autistes au Luxembourg. »

Dossier de Tatiana Salvan.

«Un ensemble de comportements variés»

La responsable du service évaluation diagnostique, soutien et formation à la Fondation Autisme Luxembourg nous éclaire.

Corinne Wuidar, responsable à la FAL (Photo : Didier Sylvestre)

Corinne Wuidar, responsable à la Fondation Autisme Luxembourg (Photo : Didier Sylvestre)

Qu’est-ce que le trouble du spectre de l’autisme?
Corinne Wuidar : «Il s’agit d’un trouble neurodéveloppemental qui se manifeste par un ensemble très varié de comportements. Deux aspects sont toutefois récurrents : il y a des particularités au niveau du fonctionnement de la communication et des interactions sociales. Bien que certains maîtrisent la technique du langage, la communication n’est pas simple. Il y a par ailleurs un intérêt restreint doublé d’un comportement stéréotypé, répétitif. Il peut y avoir un retard intellectuel ou non. On a également noté assez récemment l’existence d’une hyper ou hypo-sensibilité au niveau des cinq sens. Elle peut varier d’un jour à l’autre, ne concerner qu’un seul sens ou les cinq.»

Quelles sont les causes de l’autisme?
«La recherche travaille encore là-dessus. Mais cela se jouerait au niveau de la génétique avec (ou non) une interaction de l’environnement (médicaments pris par la mère, combinaison de gènes…).
Le trouble est présent chez la personne depuis toujours, et si on peut établir un diagnostic dès l’âge de 2 ans, il n’est pas rare de poser un diagnostic d’autisme chez l’adulte. Le diagnostic se base sur un faisceau de comportements, et via des outils spécifiques comme les tests ADI-R et ADOS II.»

Peut-on guérir de l’autisme?
«L’autisme n’est pas une maladie ni un trouble mental. C’est un fonctionnement cognitif différent des personnes dites neurotypiques. On ne peut donc pas en « guérir ». Par contre, peu importe l’âge, l’apprentissage et les progrès sont possibles. Mais il faut une stratégie éducative spécifique et individuelle, avec des structurations visuelles, car ces personnes ont besoin d’un langage plus clair, plus concret.»

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