La présence de métaux lourds dans les eaux près de l’ancienne décharge CASA, à Beggen, là où doit s’élever une résidence, inquiète. Et la réponse de la ministre de l’Environnement n’a guère rassuré.
Voilà une réponse parlementaire qui risque fort d’alimenter le débat au lieu d’y apporter une conclusion. Vendredi dernier, la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, a en effet répondu à la question posée le 19 mars par le député déi Lénk David Wagner au sujet de l’épineux problème de pollution aux métaux lourds qui semble avoir contaminé les eaux situées près de l’ancienne décharge CASA, à Beggen, précisément là où des logements sont en passe d’être construits. Une eau anormalement turquoise est en effet apparue dans les cavités du chantier, qui témoignerait d’une forte pollution au vanadium et au molybdène, des métaux rares utilisés dans les alliages.
D’après Luxcontrol, un organisme agréé par le ministère de l’Environnement en charge d’effectuer des évaluations dans les domaines de la sécurité et de la qualité, des échantillons prélevés à cet endroit montrent des teneurs en vanadium et en molybdène respectivement 405 et 800 fois supérieures au seuil limite autorisé pour des zones d’habitation potentielles.
Des risques connus depuis 2013
Or les métaux lourds, qui perturbent les écosystèmes, sont susceptibles d’avoir des conséquences néfastes tant sur l’environnement que sur la santé pour l’homme. «Ces métaux d’alliage sont précieux pour de l’acier mais ne figurent pas au menu de l’humain, surtout vu les quantités !», alerte Alain Kieffer, ancien ingénieur chimiste pour le SiGRE, un syndicat intercommunal en charge de la gestion des déchets ménagers dans l’est du pays et qui a lui-même eu à gérer une décharge.
Mais ces analyses ne s’avèrent au fond pas si surprenantes : comme le rappelait David Wagner dans sa question parlementaire, elles ne viennent en effet que confirmer les conclusions du rapport émis par Luxcontrol au sujet de l’ancienne décharge CASA… en 2013. Cette étude signalait ainsi déjà une perméabilité jusqu’à plusieurs mètres de profondeur et la présence de ces métaux dans les eaux souterraines. Elle faisait aussi état d’une migration des métaux lourds «par le chemin des eaux de surface et les eaux souterraines en direction des fonds fluviatiles de l’Alzette».
Des résultats qu’assure pourtant ignorer la ministre Dieschbourg. «Ni les méthodes de prélèvement, ni les méthodes d’analyse donnant lieu aux résultats mentionnés (…) ne sont connues aux administrations (NDLR : de l’Environnement et de la Gestion de l’eau)», écrit-elle, indiquant par ailleurs qu’il n’existe pas de norme de qualité environnementale au niveau européen concernant le vanadium ou le molybdène. Conclusion : «L’autorisation sur base de loi relative à l’eau est respectée et il s’ensuit qu’il n’existe pas de base légale pour un arrêt de chantier.»
«Tout simplement scandaleux, surtout de la part d’un Vert !»
«C’est un scandale !», n’a pas manqué de réagir immédiatement Alain Kieffer. «Non seulement, la réponse est publiée en catimini, mais en plus on y dénigre l’analyse de l’organisme agréé, Luxcontrol, qui est pourtant habilité par le ministère de l’Environnement lui-même ! La ministre prétend qu’il n’est pas possible de tirer de conclusions scientifiques étant donné que l’on ne connaît pas les méthodes d’analyse. On croit rêver ! C’est comme si l’État mettait en cause les résultats des radars du pays qu’il a lui-même fournis ! C’est tout simplement scandaleux, surtout de la part d’un Vert !»
Pour Alain Kieffer, et déi Lénk Stad, il y a clairement un problème au niveau du système d’étanchéité construit sur la surface de la décharge (lire encadré). «Normalement, la ministre aurait dû, au vu des concentrations faramineuses, déclarer ce site actuellement impropre à la construction», estime l’ingénieur chimiste. Pour lui, on préfère enterrer le problème, «le cacher sous le tapis», plutôt que de désigner un responsable. «Qu’est-ce qu’ils ont fait depuis 2013? Si on sait qu’il y a un problème depuis tant d’années et que personne n’a rien fait, c’est lamentable. Et en outre, au vu de la réponse, aucune action n’est envisagée par le gouvernement.»
Une chose est sûre, Alain Kieffer, lui, ne prendrait aucun risque et refuserait de s’installer aux 131 et 133 rue de Beggen. Il estime que d’autres analyses sont à prévoir. «La teneur en vanadium et en molybdène des eaux de l’Alzette n’a visiblement pas été mesurée, sinon la ministre aurait précisé les chiffres. Il faudrait aussi analyser les terres, puis les évacuer. Et vu les concentrations, c’est impossible que ces dernières puissent être évacuées comme des déchets inertes. Moi, je n’irais pas habiter là tant que le site n’est pas sécurisé !»
Tatiana Salvan
Indispensable étanchéité
Alain Kieffer explique l’intérêt qu’il y a à construire une surface étanche au-dessus d’une décharge de déchets contaminés : «Il faut absolument éviter que l’eau pénètre ces déchets et que, contaminée, elle s’écoule comme eau de percolation. Il faut donc étanchéifier la surface de la décharge. En général, on pose une membrane de plastique (totalement imperméable) sur la montagne de déchets, puis, au-dessus, un étanchement minéral, comme de l’argile par exemple. Ensuite, on superpose de la terre arable, sur laquelle on peut semer du gazon ou planter des haies – mais pas des arbres, dont les racines pourraient endommager le système d’étanchéité.»
Très bon article, félicitations