La Moselle compte officiellement un nouveau producteur bio : le domaine Schmit-Fohl, à Ahn. Avec ces vendanges 2020, il achève son cycle de trois ans de conversion.
Il ne fait pas de doute que la famille Schmit se souviendra de ce millésime 2020, qui marque un jalon important dans l’histoire d’un domaine fondé au XVIIIe siècle. Le titre de propriété le plus ancien en possession de la maison date en effet de 1792! L’arrivée de Nicolas puis celle de son frère Mathieu ces dernières années ont garanti la pérennité du domaine qui, en plus, a décidé de franchir le pas du bio.
En géographe, Armand Schmit, le paternel, savait la valeur de la terre, mais avec deux fils engagés comme les siens, la conversion était un chemin obligé. Pas par mode ou par opportunisme, simplement pour la conviction de produire ainsi des vins meilleurs. Ils ont déjà promis depuis longtemps que, si tel n’était pas le cas, ils repasseraient à la viticulture raisonnée. Est-il utile de préciser que ce demi-tour semble aujourd’hui hautement improbable?
2020 sera donc le premier millésime bio du domaine, la conversion de trois ans s’achevant avec cette récolte. «Le logo sera effectivement sur l’étiquette», sourit Nicolas Schmit, qui n’en fait pas une montagne non plus. Il précise d’ailleurs tout de suite que le crémant, lui, ne sera pas encore labellisé. «Nous avons acheté un hectare de vignes à Wormeldange il y a deux ans et elles sont encore en conversion. Nous avons choisi de les utiliser pour le crémant.»
Et puis 2020 restera aussi dans les annales comme une année complètement à part dans les vignes. «Les vendanges ont commencé le jeudi 10 septembre pour le crémant – ce qui était déjà assez tard, finalement – et elles se sont clôturées le vendredi 30 septembre, expose-t-il. C’est fou, incroyable… Non seulement la durée est anormalement courte, mais la récolte a aussi été très précoce. Nous avons pratiquement terminé les vendanges au moment où nous les aurions commencées au cours d’une année normale.»
La canicule du mois d’août a fait mal
Ce sont avec les derniers rieslings et le chardonnay réservé pour la sélection SF (la gamme la plus qualitative du domaine… même si toutes les bouteilles sont admirables) que la récolte s’est achevée. «Heureusement, le riesling supporte bien la pluie, avance Nicolas Schmit. Le problème, finalement, était surtout pratique. Un tiers de nos rieslings de la Koeppchen (NDLR : un terroir prestigieux de Wormeldange) se trouve sur des terrasses inaccessibles avec les tracteurs. Tout ramasser à la main, sur un sol glissant et en ne rapportant vers les bacs que des seaux à moitié plein pour éviter qu’ils ne soient plein d’eau de pluie : ce ne sont pas les meilleures conditions de travail!» Au moins, les grappes étaient belles. «Nous n’avons pas précipité la récolte parce que nous voulions des raisins parfaitement mûrs, ce que nous avons eu.»
Le point le plus embêtant, finalement, n’aura pas été la pluie incessante de ce début d’automne, mais les quantités plutôt modestes mises en cave. «Au printemps, nous pensions avoir une récolte généreuse et les inquiétudes portaient plutôt sur la qualité des raisins. La floraison a été longue et, en général, ce n’est pas quelque chose de positif. Et puis, finalement, avec l’aide de la météo, les vignes ont été assez faciles à gérer et les raisins de belle qualité.»
Mais la canicule du mois d’août a fait mal, bloquant les maturations des parcelles les mieux exposées et produisant une grande hétérogénéité entre les lieux-dits et les cépages. «Pour certains, ça a très bien marché, relève Nicolas Schmit. Les rivaners, par exemple, sont très beaux et il y en a beaucoup.» Pas de chance, ce ne sont pas les raisins les mieux valorisés…
Par contre, les pinots ont souffert. «Les rendements sont très faibles dans certaines parcelles de pinot blanc, de pinot noir, de pinot gris ou de chardonnay. Parfois pas plus de 4 000 kg à l’hectare. Avec ça, on ne gagne pas d’argent… Heureusement que les raisins sont magnifiques. Il n’y aura pas beaucoup de bouteilles, mais, au moins, elles seront très bonnes!» Et après tout, mieux vaut ça que le contraire!
Erwan Nonet
92 000 hectolitres, un bon résultat en trompe-l’œil?
Le ministère de l’Agriculture et de la Viticulture a annoncé que le résultat de ces vendanges est d’environ 92 000 hectolitres de vins. Compte tenu de la sécheresse et de la canicule d’un été très costaud, il s’agit d’un joli chiffre, 5 et 6 % seulement sous la moyenne quinquennale.
Malheureusement pour les vignerons, ce chiffre ne rend pas compte de la valorisation différente selon les cépages. Et il se trouve que, comme l’explique Nicolas Schmit et de nombreux autres vignerons, les rendements les plus généreux ont surtout concerné les variétés qui rapportent le moins…
Par exemple, toute la Moselle a constaté que le rivaner avait très bien réagi à cet été hors norme. Certes ce cépage qui est encore le plus planté au Luxembourg est vigoureux, mais il est tout de même réputé pour avoir besoin d’eau. Le fait qu’il soit planté dans des parcelles moins bien exposées que les cépages nobles (donc mieux protégées des rayons du soleil) et que l’âge moyen des ceps soit plutôt élevé (on n’en plante plus beaucoup) et que ses racines peuvent donc puiser l’eau loin en sous-sol peuvent expliquer cette situation pourtant assez paradoxale.
Honneur au rivaner!
C’est ce dimanche que la Confrérie Saint-Cunibert et Vins & Crémants Luxembourg, qui se font un devoir de défendre et promouvoir les vins luxembourgeois, organiseront les Rivaner Uncorked. Cet évènement, qui se tiendra au Melusina (Luxembourg), a pour but de mettre en avant un cépage qui souffre à tort d’une mauvaise réputation mais qui offre pourtant de bien belles qualités. Certes le rivaner n’a pas le coffre d’un riesling, mais quand il est bon, il s’agit d’un vin élégant, frais et dont la riche palette aromatique flatte le palais!
Covid oblige, les organisateurs ont dû modifier leurs plans pour que la soirée puisse avoir lieu. Ainsi, les membres de la Confrérie et leurs invités ont pu réserver une table autour de laquelle ils participeront à un concours en bonne et due forme. En effet, les vignerons ont envoyé leurs bouteilles de rivaner qui seront anonymisées puis dégustées à l’aveugle. Chaque convive jugera les qualités des vins et les meilleures bouteilles se verront remettre les Gëlle Krëmmchen (serpette d’or, en luxembourgeois) à arborer sur les flacons.
Bien évidemment, toutes les règles sanitaires devront être rigoureusement respectées à l’intérieur : port du masque hors de table, distanciation sociale…