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À Hellange, on est fleuriste de père en fils


Jan, le petit-fils du fondateur, va reprendre le flambeau avec son frère Romain. (Geneviève Montaigu)

C’est devenu une véritable institution dans la région. Fleurs Vry, c’est une immense serre de 2 000 m² qui ne désemplit pas à une semaine de la Toussaint. Ici, on ne connaît pas de jour de fermeture.

«Il y a une Renault blanche et une Range Rover grise qui gênent le passage, il faudrait vite les déplacer, merci !», crie la voix du fond de la serre. Dehors, le chauffeur de l’énorme camion patiente avant de pouvoir manœuvrer pour décharger sa cargaison à l’arrière de l’espace d’exposition. À l’intérieur, les employés confectionnent les arrangements, guident les clients, remplissent les étagères.

En ce début d’après-midi, c’est le rush chez le fleuriste Vry à Hellange, une institution dans la région. Plus aucune place libre sur le parking devant le magasin, les clients se garent où ils peuvent en essayant d’éviter le pré adjacent encore boueux, mais certains n’ont pas le choix. C’est un peu la cohue dans la serre à une semaine de la Toussaint. Elle a revêtu ses couleurs automnales, beaucoup d’orange, de jaune, du clair au plus foncé, des pensées, des Erica et autres bruyères sont les vedettes de la saison.

Au début, une caravane

Mais la star incontestée demeure le chrysanthème, la fleur par excellence qui va colorer les cimetières. Les fleuristes l’appellent la pomponette. Et elle n’a plus de secrets pour Jan, petit-fils du fondateur, Pieter De Vry, âgé de 25 ans et prêt à prendre la relève avec son frère Romain. Vêtu d’un tablier comme ses employés, Jan est en pleine activité. Pas de pause-café ici, l’entreprise a la tête dans les coupes du matin au soir. «Mais ça va, on arrive à suivre. Disons que ce n’est pas la meilleure période pour prendre des congés», admet le jeune homme qui nous accorde quelques minutes de son temps précieux.

Le magasin a déjà reçu 150 commandes pour des arrangements et en a préparé 150 autres disponibles à la vente. Tout part comme des petits pains tandis que les petites mains ne cessent de plonger dans le terreau. Béa, 21 ans de service, ne s’en lasse pas. «J’aime ce que je fais», dit-elle avec le sourire. Et on la comprend, comme environnement il y a pire que ces 2 000 mètres carrés d’exposition où la flore dégage ses effluves.

Les fleurs viennent des Pays-Bas, comme le patriarche qui a lancé son premier magasin en 1932 dans son pays natal. Puis, il s’est installé à Hellange, le long de la route principale entre Frisange et Bettembourg. Pieter De Vry a commencé tout petit. «Il avait installé une caravane sur ce terrain il y a 50 ans», raconte son petit-fils.

On imagine les débuts modestes du grand-père qui a su créer une belle et robuste entreprise familiale. Après la caravane, il y a eu une tente pour procéder par étapes. «Mon grand-père faisait surtout les marchés», poursuit Jan. Puis il s’est sédentarisé à Hellange, là où l’aventure luxembourgeoise avait commencé, et a acheté le terrain où il campait à ses débuts. «Il y a eu d’abord la petite serre, puis la grande que vous voyez aujourd’hui», explique le futur jeune successeur parce que dans la famille, les fleurs c’est de père en fils.

Toujours dans le camion

Pour l’heure, c’est Paul De Vry, fils de Pieter, qui est toujours à la tête de l’entreprise. Il avait repris le flambeau en 1990 et réalisé dix ans plus tard de grands travaux pour offrir ce vaste espace d’exposition que l’on connaît aujourd’hui. Hier, il ne devait rentrer que tard dans la nuit car il prend toujours le camion pour aller acheter ses fleurs à la criée non loin de Maastricht. C’est un immense marché qui a ses codes et son vieux mode de fonctionnement. Il y a huit horloges qui indiquent le prix en partant du tarif le plus élevé alors que les fleurs défilent. L’aiguille de l’horloge baisse à chaque fois d’un centime d’euro jusqu’à ce qu’un acheteur actionne un bouton et embarque les seaux.

Le père de Jan se rend une fois par semaine à la criée pour ramener les fleurs fraîches à Hellange. Mais pendant l’été et avant la Toussaint, ces voyages sont plus fréquents. «Actuellement, c’est plutôt trois fois par semaine», confie Jan.

La fleur fraîche, c’est ce que viennent chercher les clients et parfois ils viennent de loin. Située non loin de la frontière, la serre attire de nombreux Français qui apprécient la grande variété de fleurs et de plantes. «On s’y prend un peu plus tôt pour aller fleurir les tombes, sinon on ne trouve plus un si grand choix», témoigne le mari de Geneviève qui vient de Sierck-les-Bains. Si l’on voit beaucoup d’hommes dans le magasin, c’est surtout parce que ces dames ont besoin de bras pour porter les arrangements. «On ne prend pas de coupes toutes faites, je préfère les composer moi-même et j’en mets aussi sur mes escaliers à la maison, j’aime aussi les fleurs en automne», raconte Geneviève.

Des bras, ce n’est pas ce qui manque dans cette entreprise de 18 salariés. Il y a toujours quelqu’un pour aider les clients à transporter leurs achats jusqu’à la voiture. Et si les arrangements ne leur plaisent pas, c’est encore les petites mains qui vont les confectionner avec les fleurs de leur choix.

«C’est un service que l’on rend au client. En général, il glisse une pièce dans la main de l’employé qui a aidé», avoue Jan. Il est dans son élément finalement, au milieu des fleurs, comme son père et son grand-père avant lui. Il rêvait d’être ébéniste. Il sera fleuriste.

Geneviève Montaigu