Depuis mardi se tient au Kirchberg la deuxième conférence «Luxembourg 5G 2019». Le déploiement de cette nouvelle technologie au Grand-Duché était initialement prévu pour cette année, mais il est reporté à 2020.
Comment se positionne le Luxembourg par rapport à la 5G? Est-il dans le peloton de tête par rapport à ses voisins européens, voire vis-à-vis des mastodontes internationaux, traditionnellement à la pointe de la technologie? Le conseiller «Infrastructures de communications électroniques» au sein du service des médias et des communications du gouvernement, Éric Krier, estime que le Luxembourg est plutôt bien positionné. «Certes, l’État n’a pas effectué les premiers tests concernant la 5G car il n’y a pas d’industrie de développement et de production de smartphones et d’applications au Luxembourg. Les premiers grands tests ont eu lieu sur les autres grands continents. En Europe, ce fut en Allemagne et en France, notamment. Il faut dire que les premiers appareils 5G s’apparentaient à de gros « trucs », car ils n’étaient pas encore miniaturisés et donc très coûteux. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase où la technologie miniaturisée est disponible, les produits également, et les prix des smartphones vont baisser au fur et à mesure de l’introduction des appareils 5G», indique en premier lieu le haut fonctionnaire.
«Déploiement dans un délai très court»
Alors, le Luxembourg serait-il à la traîne ? Éric Krier est sensiblement d’un autre avis : «Le jugement de l’État est que la période actuelle est idéale afin de se mettre en tête de peloton. L’avantage d’un petit pays comme le Luxembourg est de pouvoir avoir une couverture presque entièrement nationale et cela dans un délai très court. Le déploiement de la 5G pourra donc se faire très rapidement, contrairement à d’autres pays qui auront besoin d’un an ou deux, voire plus… L’État fait son devoir, à savoir attribuer la fréquence. Quant à la question de la vitesse d’investissement des opérateurs, celle-ci n’est plus du ressort du ministère. Cela dit, par rapport à la 3G et à la 4G, on peut aisément affirmer que le pays adopte très rapidement les nouvelles technologies. On s’attend d’ailleurs à un réel engouement pour la 5G.»
Mais, de manière concrète, où en est exactement le Grand-Duché? Selon Éric Krier, l’État est en train d’évaluer des projets pilotes, qui ont été soumis à la fin de cette année-ci. «Il s’agit de projets tests qui servent à définir si, au niveau technique et en fonction de cas pratiques, une réelle valeur ajoutée est effective pour les utilisateurs et, bien évidemment, si les projets ont du sens. Cela reste hypothétique, mais l’État espère bien qu’en 2020 les premiers cas pratiques seront applicables sur le terrain.»
Comment s’explique le retard du pays ?
Il faut savoir que l’État doit notamment composer avec les aides qu’il prévoit d’octroyer et, dans ce processus, il analyse méticuleusement les dossiers et se questionne sur les financements qui seraient «les plus raisonnables». En ce sens, comme le souligne Éric Krier, «aucune date fixe du déploiement effectif au Grand-Duché de la 5G ne peut, pour l’instant, être avancée. Nous avons eu une consultation sur les fréquences en 2019 et nous avons obtenu beaucoup de retours. D’un côté, il s’agit d’un challenge, car il n’y a pas que les trois grands opérateurs du pays qui ont répondu à notre appel : en fait, ils sont au nombre de six, voire sept, à manifester un intérêt. La prochaine étape sera donc de préparer une « mise aux enchères » pour donner le spectre aux opérateurs intéressés.»
En clair, le fonctionnaire explique ce (relatif) retard en brandissant deux arguments. «Premièrement, la consultation publique a été faite dans les délais, et sur cette base-là, Xavier Bettel espérait bien que l’on puisse avancer rapidement. Mais l’intérêt démontré par les entreprises a fait qu’on ne peut pas donner un peu de fréquence aux six ou sept entreprises qui ont répondu à notre appel ou faire un choix arbitraire. Il faut donc, maintenant, dans le cadre de procédures transparentes, effectuer une attribution de licences en bonne et due forme. Et cela prend du temps supplémentaire que l’État n’avait pas forcément prévu il y a un an.»
Éric Krier enchaîne : «Deuxièmement, il y a une question sur laquelle nous travaillons régulièrement actuellement, à savoir celle du déploiement de la 5G comme ce fut historiquement le cas pour les technologies précédentes. Le Premier ministre, ses ministres, ainsi que tous les fonctionnaires concernés souhaitent en effet avoir les mêmes conditions de déploiement que pour les générations précédentes des standards de téléphonie mobile.»
Le haut fonctionnaire précise en outre qu’«à Bruxelles, on entend que la 5G n’est pas envisageable avec de telles limites… Aujourd’hui, ici (lire hier), nous sommes en dessous du seuil et la 5G fonctionne. Nous sommes donc en train de voir comment établir un déploiement de cette technologie tout en sachant qu’il n’y a justement pas encore suffisamment d’appareils pertinents sur le marché pour mesurer la 5G».
Qui décide au niveau international ?
Par extension, il faut rappeler que le Luxembourg ne peut dicter la façon de mesurer la 5G. «Nous avons notre propre approche et nous discutons avec les experts techniques. Ceci dit, la décision finale se fera dans des groupes de travail internationaux. Il faut donc définir des standards. C’est possible, mais il faut maintenir des garde-fous pour, justement, rester cohérents avec les pays voisins. Il faut que ce soit mesuré partout de la même manière, avec les mêmes critères», note encore Éric Krier.
En guise de conclusion, le haut fonctionnaire estime que le Luxembourg est sur la bonne voie et que «la 5G s’annonce prometteuse». Dans ce contexte, il souligne qu’il appartient dorénavant aux citoyens et aux entreprises de trouver les services qui leur offrent une valeur ajoutée. «L’État a déjà fait une certaine partie du boulot, mais celui-ci n’est pas achevé. Avec la 5G, cela ne se passe pas comme par le passé, à savoir que l’État décide, les opérateurs déploient et c’est fini… Non! La 5G va rester un chantier des deux côtés. Les entreprises sont déjà en train de travailler sur cette technologie et l’État fait de même. Quand nous en aurons fini avec la question de la fréquence, nous resterons attentifs au dossier parce que la 5G est beaucoup plus complexe que toutes les précédentes technologies de téléphonie mobile réunies (4G, 3G, 2G et 1G). Bref, cela nécessitera, de la part des services étatiques, un suivi des cadres légal et technologique», rend attentif Éric Krier.
À noter, enfin, que la 5G est déjà opérationnelle en Corée du Sud, en Amérique du Nord ainsi que dans certains pays européens (dans des villes allemandes, suisses, en partie en Italie, en Pologne et à Monaco, entre autres).
Claude Damiani