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«Apprendre à manger autrement»


(Photo : Editpress/Herve Montaigu)

Jean-Luc Fessard a fait, mercredi, la promotion d’un livre coécrit avec Yves Leers, Ça chauffe dans nos assiettes.

Contribuer à freiner le réchauffement climatique peut être à la portée de tous, si l’on en croit Jean-Luc Fessard, journaliste et fondateur de l’association «Bon pour le climat». Pour lui, c’est dans nos assiettes que le changement doit commencer, et c’est ce qu’il aborde dans le livre Ça chauffe dans nos assiettes.

Clinique de la ménopauseJean-Luc Fessard est un journaliste spécialisé dans les questions d’environnement. Il est également l’initiateur et l’animateur de l’association française Bon pour le climat, dans laquelle des restaurateurs, des hôteliers, des traiteurs et des consommateurs s’engagent ensemble pour promouvoir une alimentation bas carbone. Il était mercredi à Luxembourg pour faire la promotion du livre qu’il a coécrit avec Yves Leers, Ça chauffe dans nos assiettes, et pour évoquer les solutions possibles à envisager en tant que consommateur. Interview.

Comment fait-on pour sauver le climat en passant par nos assiettes?

Jean-Luc Fessard : Chacun d’entre nous porte en lui un « poids carbone ». C’est ce que chaque individu consomme en carbone à travers son habitation, le moyen de transport qu’il utilise, son alimentation. Pour réduire sa consommation en termes d’habitat ou de transport, chacun doit faire de gros efforts. Par exemple, il peut être onéreux de faire des travaux dans sa maison pour qu’elle soit écologique. Il peut être onéreux d’acheter une voiture électrique : ce n’est pas à la portée de tous. Pour ce qui est de l’alimentation, c’est une autre histoire. Nous pouvons tous changer ce qu’il y a dans nos assiettes et, contrairement aux idées reçues, cela peut même coûter moins cher!

Parlez-nous de l’association Bon pour le climat.

C’est une association dont le but est de réunir des grands chefs, des professionnels de la restauration ou de l’hôtellerie, afin de les inciter à proposer dans leurs établissements des menus « bas carbone ». Pour cela, ils doivent respecter trois critères : utiliser des fruits et légumes de saison, pour que l’impact soit faible, favoriser la consommation de produits locaux (ou au moins ne pas sortir du pays), favoriser également le travail des produits végétaux, c’est-à-dire les fruits et légumes mais aussi les légumineuses, etc. Le fait est que l’on peut être totalement pour la consommation de produits végétaux, mais le problème qui se pose parfois, c’est que l’on ne sait pas les cuisiner. L’idée ici est que les chefs proposent des recettes, subliment les produits et donnent envie aux consommateurs lambda de cuisiner à leur tour en s’inspirant d’eux. En changeant leur carte et en proposant des menus différents, on montre qu’il est possible de s’alimenter autrement et surtout d’y prendre goût. Nous sommes partis du principe d’exemplarité.

Vous êtes plutôt pour le véganisme alors?

Mon rapport au véganisme est ambivalent. Intellectuellement, je conçois la démarche, pas seulement pour une histoire de poids carbone mais aussi par rapport à la condition des animaux, à la maltraitance, etc. Moi, j’ai éliminé de mon alimentation les mammifères, parce qu’un mammifère rumine et dégage du méthane, ce qui est particulièrement nocif pour l’environnement. Par exemple, pour un kilogramme de bœuf, 30 kilogrammes de CO2 sont rejetés dans l’atmosphère. C’est l’équivalent de 9,4 litres d’essence. C’est énorme.

Je continue cependant à manger de la volaille : du canard, du poulet, de la dinde, etc. parce que je n’arrive pas moi à franchir le pas et devenir totalement végétarien. Et si je le devenais, ce serait bien pour être végétarien et non végane, car je n’arrive pas à me passer de fromage (il rit). Je ne peux pas dire que je sois contre l’élevage, qui contribue à la préservation de niches écologiques.

Mais je suis totalement contre l’élevage industriel où les animaux ne voient jamais un brin d’air ou de verdure. L’idéal est évidemment de se fournir directement chez des éleveurs. Il y a des éleveurs qui font les choses bien et c’est important pour nous de proposer aux restaurateurs de s’approvisionner directement chez eux. C’est forcément plus aisé pour un professionnel que pour un particulier.

Et le bio?

Je mange personnellement exclusivement bio. Et forcément, j’aurais tendance à préférer ce type d’alimentation et à conseiller à tout le monde de ne manger que bio. Mais nous n’avons pas exigé ce critère. Le groupement agricole de France se focalise sur la restauration collective, parce que, pour le reste, ils connaissent des difficultés de gestion des stocks. Il faudrait donc installer des filières pour faciliter les choses.

Comment est constitué un menu « bas carbone »?

Nous sommes partis du principe que le menu ne devait pas dépasser les 2,5 kg de poids carbone. Pour faire le calcul, nous avons mis à la disposition du public, sur le site de l’association, un calculateur. En y entrant des données telles que le type d’aliment consommé, le nombre de parts, la saison, etc., vous pouvez savoir combien de carbone vous consommez en un seul repas. Dans un menu normal au restaurant, il y a généralement deux tiers d’aliments de provenance animale et un tiers de provenance végétale. L’idéal serait de faire l’inverse. On ne parle donc pas d’arrêter la viande, mais d’en limiter la consommation, et d’apprendre à manger autrement.

Pensez-vous que l’on doive changer nos traditions alimentaires?

Il est forcément difficile d’envisager de changer totalement les traditions culinaires propres à chaque pays. En France, nous mangeons beaucoup de fromage, de viande rouge. Mais avec un peu d’effort, cela est possible. Je suis allé récemment au Maroc pour la COP22. Et j’ai rencontré des chefs qui m’ont proposé des menus bas carbone, dont le total atteignait à peine les 2,5 kg de poids carbone avec un menu composé de 17 plats! On peut manger bien, en quantité, sans faire de mal à la planète et ça, de nombreux chefs marocains l’ont très bien compris.

Ce n’est pas le cas en France?

Même si des grands chefs nous suivent, il y a encore énormément de progrès à faire. Par exemple, il existe un guide Gault&Millau Vert au Benelux et pas en France, alors qu’il est une institution en France. Sous la houlette du « chef des légumes », le Belge Frank Fol, cette version enrichie de multiples adresses présente les meilleurs restaurants, marchés, magasins de fruits et légumes, ou encore des adresses de fermes proposant l’autocueillette à travers tout le Benelux. Cela prouve que le Benelux est en avance par rapport à la France, en tout cas à mon sens.

Sarah Melis

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